Reconstruit durant la Seconde Guerre mondiale, le marché couvert de Fontainebleau est depuis le début du XIXe siècle un lieu emblématique de la ville d’échanges et de convivialité. Retour sur cet édifice tout de béton construit qui « rappelle les lignes d’un ouvrage antique », revu et corrigé par l’ingénieur Nicolas Esquillan, aujourd’hui menacé de déconstruction.
La première trace de l’affectation des terrains de l’actuelle place de la République à l’usage de marché remonte au début du XIXe siècle. Les commerçants envahissent cette place, d’abord sous forme de marchés volants, puis sous une halle en bois et finalement, à partir de 1881, sous une halle métallique. Dans le milieu des années 1930, l’état sanitaire de la halle est préoccupant. Sa reconstruction devenue nécessaire suscite un projet municipal ambitieux.
Le projet de Nicolas Esquillan
Le sénateur Jacques-Louis Dumesnil, élu à la mairie en 1935, veut alors reconstruire une halle. Il lance un concours. C’est le projet de l’architecte Henri Bard, inspiré dit-on du marché couvert de Nice, qui est retenu. Il est pourtant jugé trop onéreux et la guerre survient… A la fin de l’année 1940, la municipalité relance le projet. Son choix se porte alors sur celui de Nicolas Esquillan, un “enfant de Fontainebleau”. L’ingénieur est déjà à l’origine du pont de la Roche-Guyon, en béton armé, du pont de Clairac-sur-le-Lot… et allait être l’un des pères du futur Cnit de La Défense. C’est en trois jours d’études que Nicolas Esquillan a parachevé le plan initial de la halle, lequel fut agréé par la ville avec toutes les modifications architecturales qu’il comportait.[abonnés] Il présente l’énorme avantage de réduire les coûts en simplifiant la structure. Esquillan propose d’alléger le projet de Bard en réduisant le nombre de piliers portant la couverture et en supprimant toute la poutraison qui la reliait.
Commencé en mars 1941, le nouveau marché couvert de Fontainebleau entre en service en août 1942. « Les lignes élégantes, sobres, modernes avec modération rallient tous les suffrages », lit-on dans la presse locale de l’époque. Ou encore : « L’architecte vient de réaliser là, à coup sûr, une de ses plus belles constructions, dont la fracture, la légèreté, les proportions présentent des qualités réellement artistiques, malgré la destination utilitaire du bâtiment ».
La halle dans le détail
Pour revenir sur les caractéristiques et particularités techniques de cette halle2, l’innovation la plus marquante consiste dans sa grande route translucide d’une seule jetée de 18 m de large sur 86 m de long, percée de 10 000 pavés de verre et supportée par des colonnes tronconiques. La halle s’étend sur 1 325 m2. Nicolas Esquillan a proposé une variante du projet d’origine avec deux files de poteaux espacés de 18 m portant toujours sur un auvent extérieur de 3 m. La couverture a une épaisseur de 6 à 8 cm et est tenue par des nervures de 28 cm de large et 50 à 75 cm de hauteur. Elles sont toutes situées au-dessus de la couverture, si bien que celle-ci est entièrement dégagée par en dessous. Tout au long de l’ellipse que dessine la halle, des pavés de verre Saint-Gobain éclairent l’intérieur de la halle. En cette période de fin de guerre, le ciment est rare. Les travaux furent assez longs et les ciments ne provinrent pas tous du même fournisseur, ce qui conduisit à peindre le bandeau de bordure des auvents d’une peinture d’un ton gris ciment pour uniformiser l’aspect.
Actuellement au cœur d’une polémique autour de sa démolition3, la halle de Fontainebleau fait l’objet d’une instance de classement aux Monuments historiques qui, pendant un an, suspend toute destruction. Survivra-t-elle au projet de l’actuelle municipalité ? A suivre…
Muriel Carbonnet
1 Selon, les propos du sénateur-maire Jacques-Louis Dumesnil.
2 “Nicolas Esquillan, un ingénieur d’entreprise”, Bernard Marrey, éditions Picard et source Internet, descriptif dans “L’histoire de la halle”, par Bernard Marrey.3 Retrouvez toute l’actualité de la Halle de Fontainebleau sur notre site : www.acpresse.fr / rubrique Actualités. [abonnés/]