Sylvaine Viger est responsable qualité chez Eqiom Bétons. Elle raconte son expérience, entre laboratoire, chantiers et promotion de son métier.
Retrouvez le dossier “Les combattantes du béton” en intégralité ici.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Sylvaine Viger. J’ai 54 ans et je suis responsable qualité chez Eqiom Bétons. Je travaille à Montreuil-sous-Bois, près de Paris, et je me déplace sur l’ensemble de nos sites de production à l’échelle nationale.
Avez-vous toujours eu envie de travailler dans le BTP ?
Quand j’étais petite, je ne me souviens pas avoir eu de grands rêves en lien avec le BTP ! Je jouais avec des petites grues, des camions, ça me plaisait bien, mais l’envie de travailler dans ce secteur m’est venue plus tard. Je voulais travailler dans la chimie du matériau. Et ce sont le ciment et le béton qui m’ont attirée. J’ai fait l’école des Mines d’Alès, avec une option chimie. On travaillait sur de nombreux matériaux. A la fin de mes études, je voulais clairement travailler chez un cimentier.
Quelle a été votre première expérience dans le monde du BTP ?
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Ma première expérience s’est déroulée en laboratoire. Je n’étais pas directement en contact avec le client, plutôt avec les technico-commerciaux. J’ai été un peu préservée, ce qui m’a permis d’étendre mes connaissances du matériau. Par la suite, j’ai été amenée à aller sur chantier. Dans ce domaine, le savoir-faire et l’expérience des équipes sont importants. Quand on est jeune, il faut d’abord écouter ceux qui connaissent pour apprendre, avant de commencer à apporter des réponses. Il faut travailler ensemble, il y a toutes les réglementations, mais aussi toutes les bonnes pratiques à acquérir. Au départ, j’ai surtout appris. On est d’abord jeune avant “d’être femme”.
Avez-vous eu des craintes concernant le monde du BTP, dit “masculin” ?
Je n’ai pas eu peur du milieu masculin, car j’ai grandi avec mes deux frères et il y avait déjà une grande majorité d’hommes dans ma promo. Je pense que j’aurais eu plus de craintes à travailler dans un milieu exclusivement féminin. Ce qui m’inquiétait au début, c’était d’aller sur le terrain. Quand on intervient, parce qu’il y a des soucis, il faut trouver des solutions presque immédiates. Il faut être humble par rapport au matériau, parce qu’on ne sait jamais tout. Ce sont ces situations d’urgence qui peuvent générer un petit peu de stress.
Les femmes doivent-elles davantage prouver leurs compétences ?
Je ne pense pas que les femmes doivent davantage prouver qu’un homme. Je pense que chaque personne est différente.
Qu’on soit un homme ou une femme, il faut être humble et toujours se remettre en question. Donc non, le fait d’être une femme n’est pas un handicap. Nous n’avons pas plus à prouver, tant qu’on est à l’écoute et qu’on fait bien notre travail.
Avez-vous déjà fait face à des hommes réticents à l’idée de travailler avec vous ?
Non, cela ne m’est jamais arrivé ! Ou alors, cela s’est produit, mais je ne me le suis pas avoué, en me disant : « ce n’est pas ça le problème ». Je ne voulais pas me dire : « c’est parce que je suis une femme ». Je me souviens d’une fois, un homme ne m’avait pas du tout calculé. Mais il faut vite passer à autre chose, montrer qu’il y a une problématique et apporter les réponses professionnelles attendues.
Quels plus les femmes apportent-elles au BTP ?
Je pense que tout le monde est différent. Il y a des femmes très communicantes, d’autres moins. Je pense que la femme ne va pas mettre en avant son ego, elle va valoriser son travail, avant sa personne. Dans la société, c’est ça qui est important. Apporter ses compétences, bien travailler et puis, progresser grâce à son travail. Dans le milieu du BTP, les relations humaines sont au centre des modes de fonctionnement. Au sein de l’entreprise, on travaille beaucoup avec la production, le commerce. Avec les clients, il y a des relations de confiance qui s’instaurent. Ce qui permet de construire de belles choses ensemble.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?
Ce que je préfère dans mon travail, c’est l’équipe. On ne travaille pas seul. Le milieu bouge. Les journées se suivent et ne se ressemblent pas. Il y a toujours de nouveaux défis à relever. Le métier évolue. Le matériau aussi, en partie par notre travail. Sur le béton, on en apprend tous les jours.
Avez-vous ressenti des évolutions entre le début de votre carrière et aujourd’hui, sur la féminisation du BTP ?
Clairement, on rencontre de plus en plus de femmes. Les femmes sont intégrées dans le fonctionnement des chantiers. Avant, en tout cas ça m’est arrivé, quand je me présentais sur un chantier, ils étaient tous en panique. Pour eux, une femme sur un chantier ne pouvait qu’être la contrôleuse sécurité. Aujourd’hui, il n’y a plus d’étonnement là-dessus, que ce soit pour moi en tant que responsable qualité ou pour des commerciales, par exemple. J’ai commencé à travailler il y a 30 ans. A l’époque, les femmes s’occupaient plus des enfants que les hommes, alors qu’aujourd’hui, un équilibre commence à se créer. La société évolue. Je pense qu’on est de plus en plus sur la même longueur d’onde, sur les horaires, par exemple. La technologie permet aussi plus de choses. Nous sommes plus joignables.
Les métiers du BTP sont-ils assez promus auprès des jeunes femmes ?
On fait des métiers particuliers. Je pense qu’il y a une méconnaissance de ces milieux, que ce soit pour les jeunes garçons comme pour les jeunes filles.
Il y a des actions à mettre en place pour recruter plus. Les gens connaissent les chantiers, parce c’est ce qu’ils voient du BTP. Mais ils n’imaginent pas tout le travail qu’il peut y avoir derrière. On ne m’avait jamais présenté ces métiers quand j’étais au collège ou au lycée. Aujourd’hui, il y a quand même de plus en plus d’études en alternance, qui permettent de pratiquer dans ce milieu. Il y a aussi le stage de 3e. On sait qu’on a ce décalage entre l’éducation et le monde professionnel.
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Parfois, des jeunes ont des repères en se disant : « je vais faire comme mon père ou mon oncle ». Mais sinon, on ne connaît pas les métiers. La connaissance métier est la clef de la féminisation du BTP.
A votre échelle, essayez-vous de promouvoir le métier de responsable qualité ?
J’essaie de promouvoir mon métier, pas seulement auprès des femmes. Je prends des stagiaires pour leur montrer tout l’intérêt qu’il y a à être fournisseur de béton. J’ai pris mes propres filles en stage de 3e. Au bout de quelques jours, elles m’ont dit : « C’est bon maman, c’est passionnant le béton ! »
Si vous deviez donner un conseil aux jeunes femmes qui veulent se lancer dans le BTP, lequel serait-il ?
Il ne faut pas avoir d’appréhension. Il faut être soi et ne pas se cacher. Je ne fais pas la différence entre les hommes et les femmes. Quand on arrive dans le métier, on est surtout jeune. Il ne faut pas hésiter à demander des informations à tout le monde. Il faut se nourrir des compétences et des connaissances des gens qui nous entourent.
Propos recueillis par Colin Rousselet
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