Les troubles musculo-squelettiques ou TMS sont la première cause de maladies professionnelles dans le BTP, tous métiers confondus. De fait, leur impact financier et économique est conséquent : 186 M€ de cotisations sont versés par les entreprises du secteur au titre de ces sinistres chaque année. L’enjeu de la réduction des TMS est économique, mais aussi sociétal, en limitant les facteurs de restriction d’aptitude, voire de désinsertion professionnelle.
Article paru dans le n°106 de Béton[s] le Magazine.
Les pathologies liées aux TMS concernent en priorité la colonne vertébrale, l’épaule, le coude, le poignet, la main, les genoux, les chevilles…. En fait, la plupart des zones d’articulations sous toutes leurs formes. Elles impactent les muscles, tendons et gaines tendineuses, les nerfs, les bourses séreuses (poches contenant le liquide articulaire). Mais aussi, les vaisseaux sanguins, les articulations, les ligaments, à la périphérie des articulations des membres supérieurs, de la colonne vertébrale et des membres inférieurs.
Les symptômes physiques surviennent quand le salarié dépasse ses capacités fonctionnelles, et qu’il ne bénéficie plus d’une récupération suffisante. Les tissus mous au niveau des articulations sont alors hyper-sollicités. Ces pathologies sont liées aux conditions de travail, même si l’âge, l’état de santé ou l’histoire individuelle ont leur mot à dire.
Quatre principaux paramètres favorisent l’apparition des TMS. Tout d’abord, la posture lorsqu’elle se situe en dehors de la zone de confort. Puis, l’intensité de la force à mettre en œuvre pour une action donnée. Vient ensuite le type de contractions musculaires/positions/modes de préhension. Enfin, la répétition et la durée des tâches effectuées.
Fatigue du personnel, arrêts de travail, coûts pour l’entreprise et la société, désinsertion professionnelle… Toutes ces raisons font que l’Etat – en s’appuyant sur les organismes de prévention, la Médecine du travail, les ergonomes, les caisses d’assurance maladie… – travaille depuis de longues années à la réduction des TMS. Le but est de diminuer les coûts liés à ces pathologies, mais aussi de permettre aux personnels concernés d’arriver à l’âge de la retraite dans la meilleure forme possible. A ce sujet, l’actualité qui amènera de toute façon à moyen terme à un allongement de la durée du travail, va dans le sens du maintien en bonne forme des salariés.
Gérard Guérit
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Réduire les manutentions manuelles
Les travaux de gros œuvre, de maçonnerie, de béton font appel à une grande variété de métiers : maçon, coffreur-bancheur, enduiseur… Les manutentions des matériaux nécessaires à ces activités sont à l’origine de nombreux cas de TMS, en particulier au niveau du dos. Ces pathologies ont pour cause principale le port de charges lourdes, la répétition de certains gestes, des postures inconfortables ou contraignantes comme, par exemple, le port de sacs de ciment ou la pose de blocs béton à bout de bras.
La réduction des risques liés aux manutentions doit commencer par l’optimisation des modes de livraison au plus près des travaux. Ceci, de manière à limiter les ports de charges, en gérant mieux l’interface livraison/construction, en planifiant le plus tôt possible. Elle doit être complétée par le recours aux manutentions mécanisées, par l’utilisation de moyens collectifs de manutention, adaptés à chaque situation.
Toutes ces actions restent insuffisantes sans une réflexion de fond sur l’organisation du chantier et des choix constructifs. Choix des matériaux, conditionnements et techniques de construction facilitant la manutention, joints minces en maçonnerie, béton auto-plaçant pour supprimer les phases de vibration du béton sont autant d’options possibles. De même, recourir à la préfabrication plutôt qu’au béton coulé en place…
Ces solutions et bien d’autres visent à réduire la pénibilité et à baisser, à terme, les risques de TMS. Elles contribuent à améliorer les conditions de travail, en diminuant la fatigue du personnel de chantier avec, pour effet indirect, une amélioration de la productivité.
La maladie du marteau
Les vibrations auxquelles sont soumis les salariés de la maçonnerie et des travaux de béton concernent les machines percutantes : marteaux-piqueurs, burineurs, brise-béton, clefs à choc, riveurs, mais aussi aiguilles vibrantes… De manière générale, une exposition prolongée aux vibrations se traduit par des troubles ostéo-articulaires au niveau des poignets, des coudes et des épaules. Ces troubles varient en fonction de plusieurs critères : la durée d’exposition, le type de machines vibrantes tenues ou guidées, selon qu’elles sont percutantes ou tournantes, la fréquence de frappe.
Pour réduire ce risque vibratoire, l’employeur doit choisir des outils ergonomiques : poids, dimensions, prise en main… Il doit maintenir les machines en bon état, faire utiliser du matériel doté de dispositifs anti-vibratiles, limiter la durée d’exposition, réduire les efforts de poussée et de préhension.
On y pense moins, mais les vibrations concernent aussi les outils à main, dont le marteau et la masse. Leur usage répété génère des vibrations transmises au système main/bras, autre cause de formation de TMS. On parle même de “maladie du marteau”. Pour réduire ces risques, des fabricants commercialisent des outils limitant fortement la transmission des vibrations.
La conduite régulière d’un véhicule ou d’un engin de chantier, de transport ou de manutention peut aussi exposer les salariés à des niveaux élevés de vibrations. Transmises à l’ensemble du corps, ces vibrations favorisent la survenue de douleurs et de TMS, surtout au niveau du dos. La réglementation définit des valeurs limites d’exposition au-delà desquelles des actions de prévention doivent être mises en œuvre.
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L’habitude, premier frein à l’évolution
La plupart des grands groupes du BTP disposent de moyens internes ou externes (bureaux d’études, préventeurs, coordonnateurs SPS, ergonomes) qui ne sont pas encore des standards dans le monde des petites et moyennes entreprises…
La prévention, les moyens visant à réduire la pénibilité et, à terme, les TMS ont longtemps été perçus comme un coût, et non comme un atout. Les mentalités ont évolué. Il est maintenant acquis qu’une meilleure prévention améliore, entre autres, la productivité. Un argument qui ne laisse pas les dirigeants indifférents. L’investissement dans du matériel permettant de réduire la pénibilité, une collaboration régulière avec des préventeurs et des ergonomes, qui interviennent dans les entreprises avec un œil neuf, n’ont plus à prouver leur efficacité.
En effet, l’habitude représente le premier frein à l’évolution de l’organisation du travail. Néanmoins, les nouvelles générations de dirigeants aident à progresser. Les petites entreprises se mécanisent, les tâches fastidieuses et répétitives diminuent. Il reste que certaines actions (par exemple, la confection des armatures, le montage de blocs béton, la mise en œuvre de chapes…) restent des travaux physiques et difficiles à automatiser. Sauf à faire évoluer en profondeur les systèmes constructifs.
C’est ce qui explique, entre autres, le succès du mur à coffrage intégré ou prémur et de la préfabrication en général. En effet, la plupart des risques “chantier” sont transférés en atelier, lieu où ils sont bien mieux appréhendés de par une organisation différente du chantier, avec des conditions de travail plus favorables. Donc susceptibles d’attirer une main-d’œuvre, qui peine toujours à s’orienter vers les métiers du BTP.