A la Cité du patrimoine et de l’architecture à Paris, l’exposition “Philippe Prost, la mémoire vive” met en lumière le parcours de cet architecte qui fait dialoguer passé, présent et futur dans toutes ses réalisations architecturales. Retour sur sa carrière.
![L’architecte Philippe Prost est surtout connu pour ses interventions dans sites patrimoniaux industriels et militaires. [©Léon Prost]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2025/02/3-Philippe-Prost.jpg)
De par sa formation sur l’histoire architecturale militaire du XVIIe au XIXe siècle, Philippe Prost (né en 1959) appréhende très tôt la globalité d’un territoire. Il est fasciné par ces ingénieurs-architectes, dont Vauban, le plus célèbres d’entre eux, qui ont façonné les défenses militaires du Royaume de France ou réhabilité ensuite ce patrimoine. Ces hommes partaient d’une situation géographique précise pour en tirer le meilleur parti pour assurer la défense militaire. Ils sont à l’origine du code Jaune pour démolition, Rouge pour construction et Noir pour conservation de l’existant. « C’est une approche intéressante pour un architecte. C’est ce point de départ qui a façonné le regard que je porte sur tout projet architectural aujourd’hui. Il ne faut pas faire table rase, mais regardé aussi l’existant. » Dès ses débuts, Prost s’est donc intéressé à la manière, dont les bâtiments peuvent évoluer, tout en préservant leur histoire. Son premier grand projet, la Citadelle de Belle-Ile-en-Mer, a été un véritable laboratoire d’expérimentations. Commandé par André Larquetoux, le propriétaire du site, ce projet a duré près de 15 ans et a permis à Prost de développer une approche respectueuse du patrimoine. Pour le jeune architecte d’alors, il s’agissait de réussir à ouvrir ce site au grand public. « C’est le début d’une grande aventure. Suivre les différentes states historiques de la construction. Il fallait ainsi jouer avec toutes les époques de construction qui s’entrelaçaient. On peut dire que ce chantier a été la base de ma formation. Il fallait changer les fonctions d’usage du site, en les adaptant. Ce travail a été pour moi le point de départ fondateur de ma carrière. Amélioration, rénovation, transformation sont devenus les fils conducteurs de mon travail. »
Le Grand Prix national de l’architecture en 2022
Ensuite, l’architecte élargit son panel de réalisations. Il ouvre son agence en 1993. Et c’est au tour du chantier de La Zac de La Réunion, à Paris, de 1997 à 2004, où tout un travail de conservation d’un certain nombre de bâtiments est acté au lieu de la démolition de l’îlot entier. Deuxième temps fort dans la carrière de Philippe Prost. C’est le moment de bascule architecturale. Désormais, le mot d’ordre est d’éviter la démolition du patrimoine ancien. Pour cela, il obtient le Grand Prix national d’architecture en 2022.
L’architecte est ainsi surtout connu pour ses interventions dans sites patrimoniaux industriels et militaires. Pour cela, il fouille les archives consacrées aux bâtiments à transformer. « Mes projets architecturaux commencent par une enquête d’investigation. Comprendre comment ce patrimoine est arrivé jusqu’à nous et dans quel l’état. Je suis l’évolution des transformations avec un regard attentif. Je reconstitue l’histoire des lieux pour mieux intégrer la nouvelle strate contemporaine. » Il crée ainsi un dialogue entre les époques. En parallèle de sa fonction d’architecte, il est aussi enseignant à l’Ensa Paris-Belleville. « Pour moi, le triptyque : recherche, pratique et enseignement sont les bases fondatrices de mon travail d’architecte. »
Quid du béton ?
Bien que Philippe Prost ne se considère pas comme un amoureux du béton, il reconnaît ses qualités irremplaçables. « J’ai été amené à l’utiliser, notamment pour l’Anneau de Notre-Dame-de-Lorette. J’y ai découvert l’emploi des Bfup. ». Pour lui, le béton est un matériau aux caractéristiques uniques, capable de répondre à des contraintes techniques, structurelles et de calendrier pointues. « Ce n’est pas tabou pour moi le béton. Ce dernier a des qualités irremplaçables. Beaucoup de recherches sont en cours pour toujours plus l’améliorer. Ce matériau offre pour moi une palette architecturale intéressante. Mais bien sûr, je suis favorable à la mixité des matériaux. Le bon matériau au bon endroit en somme. Fini l’utilisation du béton à tort et à travers comme on a pu le voir dans les décennies précédentes. On en revient à ses lettres de noblesse. » Par exemple en ce moment, au port de Vauban à Antibes, en zone sismique et au bord de la mer, la préfabrication d’éléments en béton s’est imposée comme une évidence pour répondre aux exigences du projet. « Le béton aura toujours une place importante dans la construction. C’est un matériau qui se réinvente et s’adapte continuellement depuis l’antiquité romaine. Je n’ai pas de préjugé sur les matériaux, je ne suis pas l’architecte de tel ou tel matériau. Ce qui m’importe, c’est de choisir le matériau en fonction de ses qualités intrinsèques par rapport aux objectifs du projet. »
Une exposition à la Cité du patrimoine et de l’architecture
C’est ainsi qu’à la Cité du patrimoine et de l’architecture, à Paris, se tient l’exposition ”Mémoire vive” qui présente une vingtaine de projets emblématiques de Philippe Prost, intégrant des échantillons de matériaux, des prototypes et des photographies de chantiers. Le tout dans les collections permanentes et temporaires à la fois.
Jusqu’au 23 mars 2025, l’exposition est une invitation à découvrir l’œuvre d’un architecte qui a su faire de la mémoire un pilier de sa création. En tissant des liens entre les époques, Il nous offre une vision de l’architecture comme un processus vivant. Qui est en constante évolution, où chaque bâtiment est un voyage dans le temps. Philippe Prost incarne ainsi une nouvelle génération d’architectes qui redécouvrent l’art essentiel de transformer le réel. Son approche, qui privilégie la préservation et la réhabilitation, tout en intégrant des éléments contemporains, est un modèle pour les architectes d’aujourd’hui. L’exposition nous rappelle que l’architecture n’est pas seulement une question de construction. Mais aussi de dialogue entre les générations, les matériaux et les histoires. C’est cette vision qui fait de Philippe Prost un acteur incontournable de l’architecture contemporaine.
Muriel Carbonnet-Villenave
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