Président de Delville Management, entreprise spécialisée dans le management de transition, Patrick Abadie estime que la France n’est pas dans une crise de confiance. Et que le rebond devrait être très fort, une fois le confinement levé...
Nul besoin d’être devin pour se rendre compte qu’une crise est là… Pour autant, il ne s’agit pas une crise de confiance, comme ce fut le cas de celles de 2008, de 1990 (avec le Guerre du Golfe) ou encore de l’historique crise de 1929 ! Président-fondateur de Delville Management, Patrick Abadie ne se veut « ni optimiste ni pessimiste » quant à la situation actuelle. En quelques mots, Delville Management est un cabinet spécialisé dans le management de transition, c’est-à-dire dans le pilotage provisoire d’entreprises confrontées à un problème de management. Il est ainsi amené à être en contact avec nombre de sociétés de tous horizons. Soit un superbe point d’observation.
Constat : la pandémie du Covid-19 touche les secteurs d’activités de manière très inégale. Hors alimentaire, le commerce est pour ainsi dire à l’arrêt. A contrario, la logistique est en surchauffe, tout comme l’agro-alimentaire, qui tourne à plein régime. Avec le lancement de production de masques, les entreprises du textile ne savent plus où donner de la tête. Idem pour le secteur de la parfumerie, qui produit d’importantes quantités de gels hydro-alcooliques.
Les chantiers vont redémarrer fortement
« Pour ce qui est du secteur de la construction, il n’est pas à l’arrêt complet, reprend Patrick Abadie. Les petits chantiers continuent bien à travailler, même si c’est d’une manière allégée. » Après la levée du confinement, l’activité devrait remontrer en puissance très rapidement. Les chantiers ont juste été suspendus et non annulés. Ceux démarrés avant cette crise sanitaire seront poursuivis et achevés. Le travail ne va pas manquer… Et les besoins en matériaux seront importants et concentrés. Il y aura aussi des retards à rattraper, même si on sait déjà que les délais initiaux ne pourront être respectés. En parallèle, une reprise vigoureuse provoquera des embauches, avec un recours important à l’intérim, pour des raisons de flexibilité.
A vrai dire, la véritable interrogation dans le secteur de la construction concerne l’après. « Quel va être l’impact sur les futurs chantiers, ceux qui n’ont pas encore été signés ? », interroge Patrick Abadie. On sait déjà que beaucoup de grands chantiers, tels ceux du Grand Paris, continueront à être soutenus par l’Etat ou les collectivités territoriales. Mais la question demeure en ce qui concerne les projets privés, à l’image de la promotion immobilière. Il devient donc essentiel, pour les entreprises du BTP, de bien prévoir et organiser leur trésorerie pour les mois qui viennent…
D’une manière générale, « on peut espérer un fort rebond de l’activité dès l’arrêt du confinement », explique Patrick Abadie. En effet, après plusieurs semaines de vie monacale, les Français auront envie d’acheter ! « Aujourd’hui, nous sommes bloqués chez nous et nous ne pouvons pas consommer. C’est une perte sèche pour certains secteurs, mais une perte passagère. »
Des chiffres d’affaires calculés sur 9 mois
En attendant, l’Etat joue bien son rôle. Des entreprises ont déjà reçu, sans même en avoir fait la demande, le remboursement de leurs avances sur charges. Une initiative qui renfloue des trésoreries mises à mal. Toutefois, pour beaucoup d’entreprises, le chiffre d’affaires de l’année 2020 correspondra à seulement 9 ou 10 mois d’activité. Un manque à gagner qu’il faudra compenser d’une manière ou d’une autre. Ne nous y trompons pas, la crise laissera des traces. Si certains secteurs profitent à plein – et malgré eux – de cette crise, d’autres ne reverront jamais le chiffre d’affaires perdu. La restauration en est l’exemple le plus flagrant puisqu’on ne mangera pas plus, une fois le confinement levé… Il faudra aussi répondre aux interrogations sur le modèle de production mondialisé. « Il y aura un avant et un après Covid-19 dans l’empreinte industrielle française,estime Patrick Abadie. Il sera nécessaire de trouver le bon niveau de rééquilibrage entre le danger de trop dépendre de l’Asie et celui du “tout fabriqué en France”, non viable sur le plan économique. »
Enfin, reste le cas des entreprises les plus en danger, celles qui l’étaient déjà, avant la crise. Des restructurations pourraient survenir dans les secteurs les plus fragiles, ainsi que des mouvements au niveau de l’actionnariat. A suivre donc dans les mois qui viennent…