Limiter les impacts environnementaux du béton est primordial. A ce niveau, les pistes sont nombreuses et variées pour y parvenir, telle l’utilisation de fumées de silice. Ces axes de progression s’accompagnent de réflexions sur l’aspect sanitaire des matériaux utilisés.
Retrouvez l’article dans Béton[s] le Magazine n° 88.
Depuis les années 1980, la fumée de silice est utilisée dans les bétons. Au fil du temps, elle va évoluer du statut de déchet à celui de sous-produit, jusqu’à devenir un co-produit : addition pour béton. Issue de la fabrication du silicium et du ferro-silicium, la fumée de silice est aujourd’hui de qualité régulière et maîtrisée. Grâce à l’amélioration des matières premières et des process industriels.
La norme produits européenne en vigueur pour la fumée de silice est l’EN 13263 -1 et – 2.
Au départ, c’est le développement des superplastifiants, qui a d’abord permis l’augmentation des performances mécaniques des bétons. Aujourd’hui, la fumée de silice est prescrite dans les cas particuliers, où la durabilité est un enjeu majeur. Là, une protection accrue doit être prévue : attaques acides, environnements agressifs, RSI ou RSE, alcali-réaction, carbonatation, gel/dégel…
I – Quels sont les impacts de la fumée de silice sur la santé et la sécurité ?
1 – Du côté du marquage
D’un point de vue sanitaire et sécurité, la fumée de silice a disposé, dès son démarrage, d’une lettre du laboratoire de la Ville de Paris. Attestant d’une “autorisation à réservoir”. Ceci, la positionnant donc comme “non dangereuse” dans son utilisation. Sachant que la fumée de silice est considérée comme amorphe. Toutefois, des précautions classiques contre les poussières ultrafines sont à prendre. En particulier en ce qui concerne l’utilisation de sacs (gants, masques de protection).
2 – Que dit Reach ?
La fumée de silice est une substance enregistrée dans le cadre du règlement Reach (n° 1907/2006/EC) sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques au sein de l’espace économique européen.
3 – La “Nano-sécurité” en question
La France est le premier pays à avoir instauré une déclaration obligatoire des nano-matériaux. Au 1er janvier 2013 est entrée en vigueur une déclaration obligatoire des “substances à l’état nano-particulaire fabriquées, importées ou mises sur le marché en France”.
En ce qui concerne les producteurs européens, leur position commune au regard du statut de la fumée de silice par rapport au décret “Nano” français stipule que celui-ci concerne les nano-matériaux manufacturés intentionnellement, ce qui n’est pas le cas de la fumée de silice. Cette dernière est un sous-produit de production du silicium ou du ferro-silicium. Dans son cas, la “Nano-déclaration” à l’Anses** n’est donc pas obligatoire.
4 – Comment cela se passe-t-il du côté de la radioctivité ?
La directive Euratom (Directive 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013) est une directive européenne fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l’exposition aux rayonnements ionisants. Elle a été publiée le 17 janvier 2014 et transposée en droit français à travers le décret n°2 018-434 du 4 juin 2018.
Ce dernier fixe les règles de prise en compte de l’exposition aux rayonnements gamma émis par les matériaux de construction à l’intérieur des bâtiments. Il introduit un niveau de référence fixé à 1 mSv/an pour l’exposition des personnes à ces rayonnements, en plus de l’exposition naturelle.
Pour cela, il existe une obligation de caractérisation radiologique pour les matériaux naturels et résidus industriels visés par le décret. Ainsi, les produits de construction qui contiennent ces matériaux ont une obligation de communiquer un indice de concentration d’activité. Il est calculé sur la base de la caractérisation radiologique des matériaux constitutifs.
Les distributeurs, fournisseurs et fabricants de ces matériaux ou des produits qui en contiennent ont l’obligation de communiquer la caractérisation radiologique ou l’indice de concentration d’activité I selon les cas. Et ce, à compter du 1er juillet 2020.
Le calcul réalisé avec les données obtenues en spectrométrie gamma pour la fumée de silice donne un Indice I de 0,07. Quand l’indice total d’activité du béton est inférieur à 1, aucune action supplémentaire n’est requise.
II – Quel est l’aspect environnemental de la fumée de silice ?
Lancé en 2010 par l’Association française de génie civil (AFGC), le groupe de travail Diogen (Données d’impact pour les ouvrages de génie civil) réunit tous les représentants de la profession : producteurs, entreprises, concepteurs, universités, réseaux scientifiques et techniques). L’association a créé une base de données spécifique, relative aux impacts environnementaux de production des matériaux constitutifs des ouvrages de génie civil sur le territoire national. Celle-ci sera librement accessible et établie autour de règles communes.
Au-delà du bilan carbone, afin de fournir aux maîtres d’ouvrage et aux concepteurs la perspective transversale requise pour une analyse environnementale d’un projet, la base de données souhaite retenir l’ensemble des impacts environnementaux définis dans la norme NF EN 15804+A1* d’avril 2014 et son complément national XP P01-064/CN.
Une analyse de cycle de vie (ACV) a été conduite en 2015 avec le Centre d’études et de recherches de l’industrie du béton (Cérib). Avec, pour objectif, la réalisation d’une Déclaration environnementale produit (DEP) de la fumée de silice. L’étude a été menée en accord avec la norme NF EN 15804+A1. Cette dernière couvre les modules :
- A1 – extraction et approvisionnement des matières premières ;
- A2 – transport des matières premières ;
- A3 – fabrication de la fumée de silice.
L’analyse exclut l’éclairage, le chauffage et le nettoyage des ateliers, le département administratif, le transport des employés et la fabrication de l’outil de production et des systèmes de transport.
Les éléments analysés proviennent de la compilation de l’ensemble des données environnementales (émissions atmosphériques, rejets aqueux…), des intrants énergétiques et des données de production. Afin d’assurer la représentativité du cycle de vie de la fumée de silice, l’étude a couvert 5 sites français de Ferroglobe (FerroPem) sur une période de 3 ans (de 2011 à 2013).
Plusieurs catégories d’impact ont été prises en compte :
- Les impacts environnementaux au sens large (réchauffement climatique, appauvrissement de la couche d’ozone, pollution de l’air, de l’eau, eutrophisation, déchets) ;
- Les indicateurs de flux, tels que l’utilisation des ressources énergétiques renouvelables et non renouvelables (électricité, gaz, biomasse), les déchets ;
- La consommation d’eau douce et les rejets aqueux.
Cette analyse sera remise à jour, afin de tenir compte des prochaines évolutions de la norme NF EN 15804 et de la refonte des hypothèses de base qui surestiment certains aspects environnementaux.
Il est toutefois important de rappeler que la fumée de silice, autrefois considérée comme un déchet et déposée en lagunes polluantes et encombrantes est aujourd’hui valorisée comme co-produit et doit le rester.
Cette ACV a permis l’inscription de la fumée de silice par cotation dans le groupe Diogen de l’AFGC. Elle a obtenu la note de 1.1 et est donc de classe A.
III – Quel mot pour finir ?
La fumée de silice a non seulement démontré ses performances techniques (mécaniques, compacité, durabilité), mais aussi sa neutralité sanitaire, ainsi qu’un excellent bilan environnemental. Enfin, en France les fumées de silice commercialisées sont labellisées CE et NF. Leur chaîne d’approvisionnement est courte et l’impact transport est limité. Ce circuit limité et local est un bon point dans le cadre de la valorisation environnementale de ce co-produit.
Alexandra Femenia
Responsable QSE de Ferropem, groupe Ferroglobe
Patricia Brédy Tuffé
Consultante R&D groupe Vicat pour Condensil
*Contribution des ouvrages de construction au développement durable – Déclarations environnementales sur les produits – Règles régissant les catégories de produits de construction.
**Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.