La nouvelle version de la norme ciment EN 197-1 est bloquée dans les nimbes de la Commission européenne, à Bruxelles, depuis des mois.
Retrouvez cet article dans le numéro 88 de Béton[s] le Magazine.
Le retard de publication de la norme ciment EN 197-1 se calcule en années, à présent… Ce blocage est la conséquence d’une décision de la Cour européenne de justice, comme le rappelle Raoul de Parisot, président de Cembureau : « Aujourd’hui, une norme harmonisée – c’est-à-dire une norme unique et identique pour l’ensemble des pays membres – fait pour ainsi dire force de loi. De ce fait, la Commission européenne a souhaité vérifier que chacune de ces normes couvre bien les éléments essentiels de leur objet. Ceci pour garantir, par exemple, la sureté de la construction pour les normes concernées. »
Le problème avec le blocage de l’EN 197-1 est qu’il empêche la mise sur le marché des nouveaux ciments “bas carbone”. Alors même que la Commission européenne milite pour faire baisser les émissions de carbone ! Le premier ciment concerné est le CEM II/C-M. Il est constitué d’une part de clinker compris entre 50 et 64 %, additionné d’une part de 36 à 50 % de calcaire et autres composants au choix (laitier de hauts fourneaux, fumée de silice, pouzzolane, cendres volantes ou schiste calciné).
Vers une norme non harmonisée
« Cela ouvre la voie aux ciments dits “LC3” ou “Limestone Calcinated Clay and Clinker Cement”, c’est-à-dire des ciments composés d’argile calcinée et de calcaire broyé », confirme Laurent Izoret, directeur délégué produits et applications à l’Association technique de l’industrie des liants hydrauliques (Atilh). Ces ciments n’étaient pas programmés dans l’EN 197-1 révisée, mais compte tenu du retard pris par Bruxelles, il n’est finalement plus exclu que cette catégorie puisse y faire son entrée…
La seconde famille de ciments est inédite dans la norme et se nomme CEM VI. Il s’agit de ciments ternaires : une part de 35 à 49 % de clinker, une part de 31 à 59 % de laitier de hauts fourneaux et une part de 6 à 20 % d’un 3e constituant au choix (pouzzolane naturelle, cendres volantes siliceuses ou calcaire).
Afin de pallier cette problématique de retard de révision – et pour ne pas continuer à bloquer la sortie des nouveaux ciments -, le Comité européen de normalisation, qui a la responsabilité d’édicter les normes, vient d’autoriser la publication de la norme ciment. Mais d’une manière non harmonisée ! En d’autres termes, chaque organisme national de normalisation – l’Afnor pour la France – va publier cette norme dans son pays. Cette dernière sera identique d’un pays à l’autre…
Réviser les documents d’application
Comment s’appellera-t-elle exactement ? Le “197” sera présent, tout comme la marque “NF”. Pour le reste, comme la mention “EN” et le petit chiffre final, les choses sont encore dans le flou. Mais l’important n’est pas là. En effet, outre la norme, il est indispensable de travailler sur les différents documents d’application pour autoriser l’utilisation des nouveaux ciments. Cela va de la NF BPE aux normes produits auto-portants, en passant par le Fascicule 65, les NF DTU, le cahier EDF ou encore la NF Liants hydrauliques. « Concernant la norme ciment non harmonisée, nous espérons une publication pour la fin de cette année 2020, précise Laurent Izoret. Et durant le premier trimestre 2021 pour les divers documents d’application. »
Cette approche va permettre de faire avancer les choses, en attendant que la situation se débloque à Bruxelles. D’autant plus qu’il est indispensable de garder le caractère technique de la normalisation. C’est même sa raison d’être. Si, après révision par la Commission européenne, les normes sont vidées de leur substance technique au seul bénéfice du cadre juridique, ce ne seront plus des normes. Ce sera autre chose…
Frédéric Gluzicki