Il fut un temps où la menace venait du ciel, des Zeppelins. Un temps de la tourmente : la Grande Guerre. Comme sur le continent, l’organisation de la défense aérienne anglaise et le matériel utilisé étaient assez identiques. Mais une idée germa dès 1917 : établir un vaste réseau de “miroirs sonores”.
Retrouvez cet article dans le n° 76 de Béton[s] le Magazine
La défense “expérimentale” anglaise, qui vit le jour dès 1917, était constituée d’énormes structures en béton, destinées à donner rapidement l’alerte en cas d’intrusion de dirigeables dans un premier temps et par la suite, d’avions ennemis. Ces Sound Mirrors ou Listening Ears, véritables “oreilles acoustiques”, couvraient une partie des côtes Est et Sud-Est (par la suite, Nord-Ouest), ainsi que certains centres stratégiques ou des villes susceptibles d’être des cibles potentielles. Leur rôle consistait littéralement à “écouter” le ciel.
Une première série de petits miroirs paraboliques en béton de quelques mètres de diamètre furent d’abord érigés lors de la Grande Guerre. Mais c’est dans les années 1930 que la technologie fut poussée davantage, avec l’apparition de paraboles de plus de 10 m de diamètre et un mur concave de 60 m de long. En leur sein, tout un dispositif d’écoute composé de microphones directionnels et orientés par un opérateur depuis une salle de contrôle.
A Malte aussi…
Et petit plus : plusieurs paraboles sonores, situées en différents points, généraient des paliers distincts et permettaient la triangulation pour déterminer, avec plus d’exactitude (car il faut bien dire, cela manquait de précision) la position de la source sonore. Réceptacles concaves verticaux d’un diamètre compris de 3 m jusqu’à 10 m, contenus dans des murs courbes en béton, ces systèmes de disques utilisaient des cuvettes creuses horizontales conçues pour être utilisées par paires, lorsque Zeppelins ou avions passaient au-dessus d’elles, afin d’en mesurer la vitesse.
Les Sounds Mirrors les plus connus se situent sur l’ancien site de la Royal Air Force, à Denge, sur la péninsule de Dungeness, dans le Kent, au Sud-Ouest de Londres. A Hyte, également dans le Kent, à Sunderland, au Nord-Ouest, près deNewcastle, à Redcar ou à Boulby, dans le Yorkshire du Nord. Et petite anecdote : il y en a même un sur l’île de Malte (alors possession britannique), en Méditerranée. Ces nombreuses structures “expérimentales” représentaient l’aboutissement de près de vingt années d’innovations techniques militaires.
« Il y aura toujours une Angleterre »
Mais l’invention du radar en 1936 finira par les éclipser, les rendant obsolètes. Ils furent quand même opérationnels lors de la bataille d’Angleterre, entre 1940 et 1941. « L’alignement de ces architectures en béton le long des côtes représentait une forme d’auto-assurance auprès de la population, une sorte de réconfort psychologique », pouvait-on lire dans les journaux de l’époque. En effet, leur côté massif et sculptural pouvait être comparé à des forteresses contre la menace d’invasion nazie par les airs, avec comme leitmotiv : « Il y aura toujours une Angleterre». Cependant, leur utilisation se limita à mesure que les avions devenaient plus rapides…Ces grandes oreilles acoustiques ont depuis longtemps été laissées à l’abandon, le long des côtes anglaises. Elles ont été classées au Patrimoine anglais en 1979 et ont été ainsi restaurées. Et pour les curieux, amateurs de béton ou de technologies militaires : les lieux se visitent toujours, mais sur réservations.
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