Toujours à la recherche de solutions épargnant l’environnement, Cem’In’Eu a choisi le conteneur et la voie ferrée pour l’alimentation en clinker de son usine de Tonneins. Et l’alternative fluviale, pour la nouvelle installation de Portes-Lès-Valence.
Retrouvez cet article dans le Process Industriel 950, supplément de Béton[s] le Magazine n° 93
Pour alimenter son usine de Tonneins (47), la start-up cimentière Cem’In’Eu a opté pour la combinaison conteneur plus train. Ce moyen de transport participe d’une chaîne logistique, qui met en œuvre plusieurs innovations “maison”. Celles-ci lui permettent de limiter ses émissions de CO₂, tout en supprimant toute production de poussière.« Nous évitons ainsi d’émettre 6 000 t/an de CO₂»,se félicite Franck Dupont, co-fondateur de Cem’In’Eu. C’est le résultat du choix d’un transport “massif ”de clinker de son hall de stockage de Sète (34) à l’usine de Tonneins par voie ferrée. « Notre chaîne d’approvisionnement fait appel à une succession de tâches auxquelles nous nous sommes efforcés d’apporter des innovations propres à protéger l’environnement. Comme nous le faisons au travers de notre démarche de production de ciment avec des quantités limitées au plus près du client. »
Acheté au Turc Medcem, le clinker est acheminé au port de Sète par vraquiers de 20 000 à 25 000 t, une fois toutes les quatre ou cinq semaines. Le matériau est déchargé des cales au rythme de 500 t/h à la benne portuaire de 22 t. Celle-ci déverse le clinker dans une trémie conçue par Cem’In’Eu et réalisée par RBL-REI, spécialiste de la conception et de la construction d’équipements de manutention.
Trémie anti-poussière
« Nous avons demandé à l’entreprise portuaire SPS, chargée de l’opération de déchargement et le transport jusqu’au stock, que le vrac ne soit pas polluant». De puissants ventilateurs positionnés en haut du cône éliminent toute émission de poussière lors du chargement du clinker. Tout comme la goulotte télescopique, dont l’extrémité monte à mesure que le matériau est déversé dans la benne des semi-remorques. Le vraquier doit être vidé en quatre à cinq jours. Ceci, au moyen de trois à quatre de ces camions qui “brouettent” leur chargement vers le hall de stockage du cimentier, d’une capacité de 30 000 t de capacité.
Deux chargeuses gèrent les stocks successifs selon le principe “Fifo” (First on first out : premier arrivé, premier parti). « C’est capital pour la traçabilité du clinker et donc celle de nos produits finis». Ce clinker est ensuite “conteneurisé” – on dit “empoté” en langage portuaire ! Le choix de cette technique est capital pour l’économie du transport. Les conteneurs de 20’’ (environ 6 m) ont été conçus pour Cem’In’Eu par Combipass. Leur fond et leurs côtés ont été blindés, leur toit doté de deux “trous d’homme” pour assurer un chargement optimal des 32 t de clinker qu’ils peuvent admettre, avec sa densité de 1,6. Ces conteneurs sont sortis du hall à l’aide d’une remorque Mafi tirée par un tracteur Terberg, et positionnés le long de la voie ferrée. Ils sont ensuite chargés par un stacker, deux par deux, sur l’un des 26 wagons d’un train de 350 m.
Déchargement par basculement
« Cette configuration, la plus vertueuse sur le plan des émissions de poussière, est la plus efficiente en matière de charge utile par wagon », explique Franck Dupont.
Affrété par VTG et opéré par RegioRail, le train transporte alors les 1 650 t de clinker, sur les 400 km de la ligne Sète-Bordeaux, en direction de l’usine de Tonneins, trois fois par semaine. « La longueur de la rame est conditionnée par l’emprise nécessaire, au départ comme à l’arrivée. Les emprises les plus importantes sont monopolisées par les céréaliers et les carriers ! »
A l’usine de Tonneins, les conteneurs sont repris par un pont roulant et vidés par basculement, via les portes “minières” dont ils sont dotés, dans un réceptacle muni des gros ventilateurs. Une installation conçue par Cem’In’Eu, d’une capacité de 42 000 m3/h. Le clinker achève ainsi son périple “de vrac à vrac”. L’installation de Sète, dont la capacité doit être portée à 55 000 t cette année, a donc été dimensionnée pour alimenter aussi l’usine de Portes-Lès-Valence (26), tout juste opérationnelle.
Connecté aux réseaux ferré et fluvial, la nouvelle unité vient de lancer l’approvisionnement par le Rhône. Ainsi, la première barge de clinker en provenance de Sète a accosté début février dernier au port fluvial de commerce de la Drôme, à Valence. A l’heure actuelle en phase de démarrage industriel, le nouveau site baptisé Rhône Ciments est la 2eusine française de Cem’In’Eu.
Rhône Ciments ouvre la voie fluviale
Le groupe déploie un nouveau modèle industriel 4.0, qui intègre une chaîne logistique optimisée au maximum. Ceci, afin de réduire l’impact carbone de l’industrie cimentière. Rhône Ciments sera approvisionnée en matières premières à la fois par voie ferrée et par le Rhône. A terme, l’usine recevra environ 4 000 t de clinker par semaine par ces deux moyens de transport. Le transport fluvial est opéré par Agora Fluvial (groupe Sogestran).
Placée au cœur des territoires, Rhône Ciments est idéalement située pour desservir les marchés d’Auvergne – Rhône-Alpes Sud et de Provence – Alpes – Côte d’Azur et Occitanie. « Si nous avons sélectionné le site de Portes-lès-Valence pour implanter Rhône Ciments, c’est pour sa connexion aux réseaux fluvial et ferré. Un atout pour atteindre nos objectifs ambitieux en matière d’impact carbone. » souligne Magali Laurenço, directrice de Rhône Ciments. Et Franck Dupont, de compléter : « L’un des avantages du transport fluvial est sa lenteur. Il peut nous servir de stock-tampon, positif pour lisser les mouvements de la demande dans une stratégie de production à flux tendu ».
Pour Cem’In’Eu, le modèle sétois est réplicable, comme le sont ses installations de production de ciment. Ceci, tant sur la côte Atlantique, qu’en mer du Nord. Seul, un investissement de 5 à 6 M€, dont 800 000 € pour la seule trémie, est nécessaire pour mettre en œuvre des stockages similaires.
Michel Roche et Yann Butillon
Retrouvez cet article dans le Process Industriel 950, supplément de Béton[s] le Magazine n° 93