Responsable de centrale Cemex à Goussainville (95), Emilie Chatelain Le Doucen raconte son quotidien de femme sur le terrain. Elle regrette qu’il y en ait encore trop peu.
Article paru dans le n°105 de Béton[s] le Magazine.
Qui êtes-vous ? Quel a été votre parcours pour arriver dans le BTP ?
Je m’appelle Emilie Chatelain Le Doucen et je suis responsable de la centrale Cemex de Goussainville, dans le Val-d’Oise. Je n’ai pas toujours eu envie de travailler dans le BTP. Quand j’étais petite, je voulais devenir sapeur-pompier. Au collège, quand j’ai parlé de ces envies-là, je me suis pris des remarques : « C’est un métier d’hommes, la force physique, tu en fais quoi ? ». Des genres de remarques que l’on peut avoir quand on est une femme qui veut faire des métiers que la société qualifie de “masculins”.
J’ai commencé comme paysagiste, ce qui se rapproche un peu des travaux publics. Les opportunités m’ont conduit à faire un stage chez Cemex. J’ai suivi une formation pour apprendre tout ce qui touche aux matériaux, au béton, aux installations d’une centrale à béton. J’ai obtenu ce certificat et j’ai commencé un CDI à la centrale de Bondy, à côté de Paris. Je suis ensuite passée adjointe sur le site d’Issy-les-Moulineaux, dans les Hauts-de-Seine. Et je suis désormais ici, à Goussainville. J’ai pris goût à ce métier et je compte y rester encore longtemps.
Avez-vous eu peur de subir des remarques sexistes en arrivant dans le BTP ?
Je n’ai jamais eu peur en arrivant sur le secteur. J’ai un caractère qui fait que j’arrive à aller au-delà des remarques et des a priori que les gens peuvent avoir. J’ai toujours été comme ça. Pour autant, j’ai déjà fait face à des hommes réticents à l’idée de travailler avec une femme. La clientèle surtout, qui est très masculine… Il peut y avoir des remarques et des préjugés sur la femme dans le bâtiment. Il y en a toujours aujourd’hui, mais moins tout de même que lors de mes débuts.
Les femmes doivent-elles davantage prouver leurs compétences ?
Oui, c’est une évidence. On doit toujours justifier notre présence dans des métiers masculins. On nous demande de faire plus d’efforts, on s’y contraint souvent nous-mêmes d’ailleurs. Je prouve que je suis capable et que je suis au même niveau que les hommes. Je suis à la hauteur des gens ayant le même statut que moi.
Quels plus les femmes apportent-elles au BTP ?
C’est une question difficile, mais je dirais que nous sommes un peu plus minutieuses. Nous sommes aussi plus organisées. Dans la façon de communiquer, ça peut dépendre. Il y a des hommes qui s’expriment très bien, mais nous avons tout de même une manière plus douce d’aborder certaines situations.
Le monde du BTP se féminise de plus en plus. Ressentez-vous cette féminisation ?
Je pense que la féminisation du BTP évolue positivement. Dans les bureaux ou au niveau des sièges sociaux, oui, il y a des femmes. Mais sur le terrain, il n’y en a pas. Il n’y a pas assez de femmes sur les sites de production. Toutefois, je vois de plus en plus de femmes conductrices de toupie. Hier, un responsable qualité est venu sur le site. C’était une femme qui travaille chez NGE.
Aujourd’hui, davantage de choses sont mises en place pour les femmes. Les locaux sont mieux adaptés, ce qui n’était pas le cas avant. Il y a encore des efforts à faire, comme dans tous les milieux. Il faut continuer sur cette bonne lancée.
La société donne-t-elle assez de visibilité aux femmes sur ces métiers ?
Les métiers du BTP ne sont pas assez promus auprès des jeunes filles, en particulier au lycée. Personne ne leur dit pas qu’elles peuvent accéder à des postes dans le bâtiment. Moi, on ne m’en a jamais parlé de ces métiers que l’on propose aux garçons. Aux femmes, on va leur parler de coiffure, d’esthétique…
Les femmes qui veulent se lancer dans le BTP ne doivent pas avoir peur. Elles doivent avoir confiance en elles. A mon niveau, je pourrais donner envie aux femmes de venir sur site de production. Il faudrait organiser des stages et des visites de site pour leur montrer la réalité des choses, du terrain. J’échange aussi beaucoup avec mes proches. Ce sont des discussions que l’on a beaucoup en tant que femmes, avec notre entourage. J’échange sur le rôle de la femme dans le bâtiment et sur cette problématique de féminisation. Mes proches sont très fiers de moi.
Propos recueillis par Colin Rousselet
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