Dans la matinée, la ministre Muriel Pénicaud s’est dite « scandalisée » de voir que les différents syndicats du bâtiment appellent à l’arrêt des chantiers. Plusieurs organismes professionnels lui répondent... Et ils ne sont pas contents !
« Les propos que vous avez tenus ce matin, sur LCI, au sujet du supposé manque de “civisme” des entreprises de bâtiment sont scandaleux. Je vous l’écris avec gravité. » C’est ainsi que Jacques Chanut, président de la FFB débute la lettre qu’il adresse à Muriel Pénicaud, ministre du Travail. En effet, dans la matinée, la ministre s’est dite « scandalisée » de voir que les différents syndicats du bâtiment appellent à l’arrêt des chantiers. Elle accuse les entreprises « de ne pas jouer le jeu », d’être « défaitistes » et de vouloir profiter des aides mises en place par le gouvernement à l’annonce du confinement lundi dernier.
« Envisager que certains d’entre eux aient pu le faire [ndlr : arrêter des chantiers] pour profiter des éventuelles largesses de l’Etat en matière de chômage partiel est insultant, lui répond Jacques Chanut. Le “Bâtiment” est une profession, qui a toujours su répondre présente pour soutenir l’emploi, l’apprentissage et l’insertion professionnelle. Et qui, encore récemment, a intégré parmi ses effectifs de nombreux migrants, naufragés du conflit syrien. Nous n’avons pas de leçon à recevoir : nous mesurons parfaitement le sens de l’épreuve. Le mépris affiché à notre égard depuis hier par les pouvoirs publics, dans le contexte que nous traversons, est d’une déloyauté sans nom. Il est aussi sans précédent. » Le président de la FFB confirme les nombreuses difficultés rencontrées par les professionnels du secteur pour assurer leur travail sur le terrain et surtout en sécurité. « Les entreprises de bâtiment ne désertent pas le front : elles n’ont pas d’autres choix que de fermer ! Personne ne pourrait comprendre que les milliers de salariés du bâtiment n’aient pas le droit au chômage partiel par principe. Le chantage exercé par les Dirrecte auprès de nos fédérations locales depuis plusieurs jours est inqualifiable. De qui se moque-t-on ?! Ce n’est pas en laissant entendre aujourd’hui que nos compagnons seraient des salariés de second ordre, que nous résoudrons la crise du recrutement une fois cet épisode passé. »
Une demande de clarification
Plusieurs autres organismes montent aussi aux créneaux. « Non Madame Pénicaud, nous ne sommes ni des défaitistes ni des profiteurs, mais tout simplement des gens réalistes, qui connaissent leurs métiers, qui ont l’habitude de prendre leurs responsabilités et qui savent bien qu’un chantier est potentiellement un foyer de contagion important, défend Charles-Henri Montaut, président de la fédération des Scop BTP. Car, il réunit des professionnels souvent par dizaines, venant de lieux, de métiers et d’entreprises différentes qui coproduisent ensemble, en utilisant des moyens en commun. Et, dans ces conditions, il est illusoire d’imaginer quelque barrière sanitaire que ce soit qui puisse être réellement efficace. » Pour Patrick Liébus, président de la Capeb, « cela témoigne d’un mépris profond, et je pèse mes mots, pour ces artisans et ces salariés qui travaillent dans le bâtiment et n’ont jamais rien demandé », a-t-il confié à nos confrères de Batiactu.
Même son de cloche pour le syndicat de la rénovation énergétique Symbiote. « Je ne comprends vraiment pas comment vous pouvez penser que nos clients vont accepter de recevoir nos salariés chez eux, afin de réaliser des travaux, s’exclame Edouard Barthès, président de Symbiote. Comment pouvez-vous aussi concevoir de faire supporter aux chefs d’entreprise la responsabilité de convaincre leurs salariés de travailler dans un contexte de terreur. Ceci, alors que leur travail n’est pas une urgence indispensable à la survie de notre population. Et de leur faire supporter le coût nécessaire pour garantir leur sécurité ? Le syndicat Symbiote regroupe des professionnels de la rénovation énergétique, qui ont pris leurs responsabilités, en respectant les règles de confinement mises en place par le gouvernement. Nos sociétés vont perdre des clients et du chiffre d’affaires. Mais la santé de nos collaborateurs reste la priorité ! Que devons-nous faire à ce jour ? Les messages brouillés ne nous facilitent pas la tâche, la situation étant déjà bien compliquée pour nos secteurs d’activités ! »
C’est donc avec beaucoup d’incompréhensions et de colère que la FFB appelle à une réunion d’urgence avec le ministère du Travail, la Médecine du travail et les syndicats pour clarifier la situation. « Plutôt que de jeter l’opprobre sur tout un secteur, en l’accusant dans les médias de désertion, efforçons-nous de trouver ensemble une ligne claire et cohérente. Et vite », conclut Jacques Chanut.