La corrosion est l’ennemi n° 1 des armatures du béton, notamment dans les milieux agressifs. Pour les protéger : la pose d’une anode sacrificielle, qui va se corroder à la place du métal. Détails avec Richard Guérin, gérant de RGD Shemrock et l’un des nombreux concepteurs de la méthode.
Article paru dans le n° 101 de Béton[s] le Magazine
1 – Qu’est-ce qu’une anode sacrificielle ? En existe-t-il différents types ?
Une anode est un dispositif mis en place pour répondre à une demande de corrosion dans un environnement donné, pour protéger un autre métal.
Cette technique a été découverte, en 1815, par Humphrey Davy. Celui-ci a développé par empirisme une technique de pose de zinc sur les coques en fer des bateaux, pour les empêcher de se corroder au contact de l’eau de mer. L’idée est que l’on dispose un métal sacrificiel sur un métal plus noble à préserver. Par électro-positivité, le métal sacrificiel attire les éléments “corrosifs”.
Dans les années 2000, avec le Dr Nigel Davison, nous avons, à notre tour, fait des expériences, en plaçant une anode en fer et une autre en zinc sur une poutre en fer. Le tout dans les mêmes conditions d’exposition aux éléments “corrosifs”. Nous avons pu constater que le zinc était 10 à 15 fois plus émetteur de courant que le fer, et donc beaucoup plus protecteur.
A partir de cette technique, une large gamme d’anodes est née chez CPT. Le but étant d’optimiser la solution en fonction de l’ouvrage et de son armature. Sur le marché, certaines anodes sont disponibles sous forme de feuille. D’autres sont “ponctuelles”, d’autres encore adaptées à la préfabrication. Pour les rénovations, notamment des angles, il est possible d’en poser en réseau. Enfin, d’autres sont proposées sous forme filaire.
2 – Quand utilise-t-on une anode sacrificielle et pourquoi ?
Il y a besoin de poser une anode sacrificielle, lorsque l’on est en présence d’un agent agressif que l’on n’a pas maîtrisé et qui a pénétré le béton. L’agent agressif halogène va alors causer des dégâts sur les armatures. Il faut donc agir. La mise en place de la protection sacrificielle va polariser l’armature et les éléments “corrosifs” vont migrer vers l’anode. L’armature du béton ne sera donc plus en situation d’agression. Ce qui permet de stopper la dégradation du béton si elle est en cours et de réduire les besoins d’intervention. C’est un bureau d’études spécialisé corrosion qui doit décider du type et de la quantité d’anodes à utiliser, leurs conditions de mise en œuvre et la mise en place de la politique de protection des ouvrages.
Ce calcul est volontairement pessimiste. Il oblige à mettre, sans doute, un peu plus d’anodes que nécessaire, mais en matière de protection, le plus est toujours le mieux. Il faut cependant reconnaître que parfois certaines formes d’anodes sont très adaptées, parfois elles le sont moins. C’est au bureau d’études de trouver le meilleur compromis.
3 – Quelles sont les différentes étapes de pose d’une anode sacrificielle, dans le cadre d’un ouvrage existant ?
Le préalable est, bien entendu, qu’un diagnostic de l’ouvrage ait été réalisé, que la pose d’anodes sacrificielles soit la solution la plus adaptée et qu’un plan d’action ait été élaboré par un bureau d’études.
L’étape suivante est de se procurer le plan d’armatures et de vérifier leur position exacte par rapport à ce plan. Ces vérifications se font avec un profomètre et un pachomètre. Il faut ensuite repérer les bonnes zones d’intervention, en traçant sur l’ouvrage les lignes d’armatures, et les points de perçage pour la mise en place des anodes.
Le percement, qui est l’étape suivante, doit se faire de façon très soignée. Il faut bien vérifier qu’il n’y a pas de risque de couper une armature et mettre ainsi en court-circuit un acier. Pour la protection, le court-circuit ne poserait pas de problèmes, mais en poserait pour le suivi. Les opérateurs doivent donc être formés à ce type d’interventions.
Ensuite, il faut vérifier la bonne profondeur et si le diamètre est bien respecté. Il faut alors réaliser une pose à blanc pour vérifier la bonne disposition de l’ensemble.
Quel que soit le type d’anodes, la pose se fait après avoir pré-mouillé le forage. Une fois l’anode placée en fond de trou, l’ensemble est recouvert soit par une pâte cimentaire, soit une pâte active, selon les recommandations du fabricant. Le rebouchage doit être soigné pour ne pas laisser d’entrée d’eau.
Enfin, le contrôle doit être effectué par un opérateur spécialement formé. Il vérifie que l’installation correspond au plan, qu’elle est au bon potentiel et courant attendu. Une fois sa validation donnée, le rebouchage définitif est effectué. L’ensemble de ces opérations constitue de traditionnels gestes de maçons. Il faut les effectuer avec précaution.
4 – Qu’en est-il de l’utilisation d’anodes sacrificielles en ouvrages neufs ?
Les ouvrages conçus avec des protections ne sont pas encore rentrés dans les mœurs. La protection est plutôt effectuée par protection cathodique, via un courant imposé. Nous pourrions tout à fait imaginer poser une série d’anodes, qui s’activeraient à l’entrée des éléments “corrosifs”. Ils agiraient alors comme un bouclier de protection.
Dans un cas idéal, nous pourrions placer en phase de préfabrication des lignes d’anodes sur les points les plus critiques des pièces en béton. Ce serait une bonne chose vis-à-vis de la maîtrise d’ouvrage pour la pérennité de l’ouvrage.
RGD en bref...
Depuis 20 ans, RGD est un fournisseur de solutions techniques permettant de répondre à une large gamme de problématiques du béton. Avec une spécialité dans le génie civil et le BTP. Pour cela, RGD est constitué de plusieurs activités complémentaires, qui gèrent et trouvent des solutions pour toutes les étapes de la construction. Du bureau d’études à la réparation, en passant par l’approvisionnement des matières premières, le traitement de surface et les formulations spécifiques. RGD comprend les marques MP2, Shemrock-BTP et le totem BOB.
Sujet réalisé en collaboration avec
Richard Guérin, Pdg de RGD Shemrock et l’un des concepteurs de la méthode