Entre les bétons architectoniques blancs et le verre, la lumière est l’un des ma-tériaux dominant du nouveau Centre An Nour, à Mulhouse. Ce projet faramineux regroupe un lieu de culte et plusieurs équipements sur 6 500 m2. L’agence d’architecture Narcisse explique les secrets de cet ouvrage surnommé “arbores-cence”.
Projet faramineux de plus de 10 ans, le Centre An Nour est en cours d’achèvement, à Mulhouse (68). Lieu de culte, d’enseignement, équipement sportif, commercial et de restauration, il s’étend sur une surface plancher de 6 500 m2. « Ce centre a pour objectif de répondre à des besoins culturels, qui ont généré un programme singulier pour construire un “vivre ensemble”, explique Jean-François Brodbeck, architecte chez Narcisse, en charge de la réalisation. Le maître d’ouvrage avait cette exigence sur la qualité des matériaux, afin de respecter les personnes qu’il accueille. Cette attention particulière a été appliquée tant à l’extérieur, qu’à l’intérieur. » Les recherches foncières ont débuté dès 2000 et ont été arrêtées en 2007. « Entre 2009 et 2012, diverses autorisations et débuts de construction ont été constatés. L’année 2012 fut celle de la nouvelle conception architecturale par notre équipe. »
An Nour veut dire “la lumière” en arabe. Ainsi, c’est naturellement que cette matière se retrouve au cœur du projet. Pour ce faire, l’agence Narcisse a opté pour un monolithe de béton blanc. La subtilité ? Le bloc est ciselé pour faire rentrer cette fameuse lumière.
« Nous avons choisi le béton, parce que notre vallée rhénane est riche en graviers. Et le blanc nous a permis de magnifier la lumière, une chose rare ici… L’absorption, la captation par la matière et sa réverbération sont des moyens de mettre en énergie ce site. » L’industriel Béton Contrôle de Seebogen (BCS) s’est chargé de la préfabrication des différents éléments et son entreprise sœur, Gherardi, de la réalisation du gros œuvre.
Une arborescence lumineuse.
« Les façades ont été construites et dessinées avec la volonté d’évidement par ciselage de la masse construite sur front urbain dur. La matière “enlevée” a été en quelque sorte réutilisée sur la façade Ouest et sur les parvis pour générer de l’épaisseur par rapport à la rue. Les hommes qui ont réalisé cet ouvrage l’ont nommé “arborescence”. Cette dernière viendra organiser toute la gestion et la composition de la lumière naturelle. Nous devrons nous en protéger ou, au contraire, essayer de l’amener encore plus loin que la normale. » Pour les façades, le maître d’œuvre s’est tourné vers un béton architectonique. Sa blancheur vient des granulats de marbre et des sables de Carrare (en Italie), ainsi que d’un ciment blanc, qui composent sa formulation.
Basée à Mulhouse, Narcisse est une agence d’architecture spécialisée dans l’architecture d’intérieur. Elle a été fondée par Jean-François Brodbeck et Serge-Henri Gayraud. « Nous sommes une douzaine de personnes à travailler ensemble à l’Est du Grand Est – tout en étant plus au Sud, précise avec humour Jean-François Brodbeck. Nos 50 ans d’existence nous ont permis d’asseoir notre réputation d’architectes qui aimont construire. » L’agence travaille sur différents types de programmes. « Nous savons inventer une maîtrise d’œuvre ad hoc pour les besoins des maîtres d’ouvrage et des entreprises au profit de nos projets. »L’agence Narcisse
Sur les façades verticales sans joints horizontaux, le matériau a ainsi été poli 6 fois. « Nous avons voulu réaliser les arborescences en une seule pièce, explique Flavio Gherardi, directeur de l’entreprise éponyme et de BCS. C’était la difficulté du chantier : faire ces éléments fins et imposants de 12,80 m de haut et les retourner sur chantier. » Près de 40 poteaux de 12 t ont ainsi été conçus et polis dans l’usine de BCS.
« Les autres éléments de façade ont été traités avec la même formulation de béton et aussi polis, afin de garder une uniformité du bâtiment. » Une finition digne d’un marbrier… « Cela génère une économie de maintenance et une stabilité intemporelle du bâti, conclut Jean-François Brodbeck. L’écriture architecturale qui lie le général au particulier dans toutes ses dimensions poétiques se veut simple, efficace, sans représentations, sans froissements, mais dans l’axe. Le béton poli nous permet d’utiliser les reflets pour mieux s’intégrer au paysage. Par temps de pluie, un effet miroir fantastique vient en continuité des verres au droit des arborescences… »
Sivagami Casimir