A Djibouti, l’agence parisienne Richard + Schoeller Architectures achève la construction du bâtiment Transform. Une réalisation en béton blanc soigné devant servir de centre de formation aux métiers portuaires.
Article paru dans le n° 100 de Béton[s] le Magazine
![Le bâtiment Transform constitue le cœur du projet du Centre de ressources et de compétences dédié aux métiers portuaires de Djibouti. [©Richard + Schoeller Architectures]](https://www.acpresse.fr/wp-content/uploads/2022/05/1-TechArchi-Djibouti.jpg)
C’est à l’entrée de la mer Rouge, face au golfe d’Aden, qu’est implantée la ville de Djibouti, capitale de la république du même nom. Durant plus de 70 ans, cette zone a fait partie de la Somalie française, avant de devenir le Territoire français des Afars et des Issacs, en 1967. C’est seulement en 1977 que cette colonie accède à l’indépendance.
Port maritime, Djibouti est la plus grande ville du pays et concentre un peu plus de 500 000 habitants. Soit environ 58 % de la population. Aujourd’hui, avec l’arabe, le français constitue une des langues officielles du pays. Bien qu’indépendante, la République de Djibouti reçoit une aide économique de la France, qui a participé à la construction de nombreuses infrastructures, dont le lycée français Joseph-Kessel, en 1991. Cet établissement fait actuellement l’objet d’une extension-reconstruction, sous la maîtrise d’œuvre de l’agence parisienne Richard + Schoeller Architectures. « Les travaux démarrent tout juste, explique l’architecte Frédéric Schoeller. Et de poursuivre : « Mais c’est une autre opération qui nous occupe aujourd’hui. Celle du Centre de ressources et de compétences dédié aux métiers portuaires de Djibouti. Le bâtiment Transform en est la composante principale. » Le projet est financé par l’Union européenne, dont la gestion des fonds a été déléguée à l’Agence française de développement.
Un béton blanc d’une résistance de 60 MPa
« En toute logique, la construction est localisée au cœur de la zone portuaire, reprend Frédéric Schoeller. De type R+2, le bâtiment offre une superficie utile d’un peu moins de 3 000 m2. » Ce qui rendra l’édifice identifiable entre tous sera sa robe immaculée. En effet, l’agence Richard + Schoeller Architectures explore une nouvelle fois son matériau fétiche : le béton blanc. Et, à Djibouti, la démarche relève du défi ! Déjà parce que le ciment y constitue un monopole. Ensuite parce qu’il n’est pas disponible dans sa livrée blanche. Mais là, cela n’a pas été un frein pour l’entreprise Dji-Fu, mandataire des travaux, retenue parmi une section d’une dizaine de candidates… « “Il n’y a pas ce ciment blanc, ce n’est pas grave, nous allons l’importer pour permettre de formuler le béton demandé” : voilà ce que Dji-Fu nous a répondu », sourit Frédéric Schoeller. Et le ciment, l’entreprise est partie le chercher aux Emirats arabes unis…
Le béton est produit dans une centrale appartenant à Dji-Fu : le BPE n’existe pas à Djibouti. Mais le résultat obtenu dépasse les attentes du maître d’œuvre. « Notre béton blanc affiche une résistance de l’ordre de 60 MPa ! » Lors de sa fabrication, le matériau est rafraîchi aussi pour pallier les conditions climatiques extérieures. Mi-mars – c’est-à-dire à la sortie de l’hiver – il fait environ 34 °C en journée…
Le choix d’un coffrage complet par niveau
Côté réalisation du bâtiment, l’approche est tout aussi originale. Oubliez les rotations de banches optimisées et planifiées au plus juste. Dji-Fu a sorti l’artillerie lourde. Pour éviter la gestion des reprises de bétonnage, toujours délicates s’agissant d’un bâtiment aux parements soignés, l’entreprise a fait le choix d’un coffrage par niveau complet, sur une hauteur de 3 m. « Le périmètre total est de 200 m, ce qui correspond à 400 ml de coffrages à poser », précise Frédéric Schoeller. L’entreprise consacre un peu plus d’un mois à cette phase de chantier. Avant de procéder au coulage, à la pompe : il n’y a pas de grue puissante sur le site…
Le Transform reprend les codes Richard + Schoeller Architectures. Tout d’abord, un béton blanc à l’aspect soigné. Puis, une trame répétitive, avec une présence régulière des trous d’entretoises. Les panneaux coffrants ont été réalisés sur place, sur la base de filières métalliques primaires, de poutrelles secondaires en bois et d’un contreplaqué bakélise. « Les panneaux étaient réutilisés d’un niveau à l’autre. Nous avons été très exigeants sur le nettoyage et la préparation des surfaces coffrantes pour garantir un parement parfait », insiste Frédéric Schoeller.
Une des signatures du bâtiment est la présence de larges ouvertures horizontales, s’étirant sur 8,36 m. Là, des cheminées de bétonnage ont été prévues – démolies après durcissement – pour garantir un parfait remplissage de la partie inférieure des voiles. D’autant plus que le béton utilisé était certes fluide, mais pas de type auto-plaçant.
Pensé pour offrir un confort d’usage
Compte tenu de sa situation géographique, Djibouti est une contrée où les températures extérieures restent très élevées. Les maximales oscillent entre 29 °C en janvier et 42 °C en juillet. Et ne descendent jamais en dessous de 23 °C. D’où l’intérêt d’un bâtiment pensé pour offrir le confort d’usage, dont on peut en attendre. Déjà, l’essentiel des ouvertures est exposé au Nord-Est pour profiter de la brise permanente venant de cette direction. Combinée à un système de claustras, d’ouvertures secondaires au niveau des salles de cours et de ventilateurs au plafond, la température intérieure descend jusqu’à 29 °C (contre 38 °C en extérieur). « Les usagers estiment que ce sont des conditions très confortables… »
A contrario, le bâtiment ne présente aucune ouverture sur ses faces exposées au Sud-Ouest. Bien entendu pour éviter une exposition directe au soleil. Mais aussi pour protéger les lieux du vent et de la poussière en provenance du désert. Enfin, la construction bénéficie assez peu de l’inertie thermique du béton, car celui-ci ne peut pas profiter de températures fraîches, la nuit, pour se refroidir.
Un modèle pour le lycée Joseph-Kessel
Pour Frédéric Schoeller, le choix du béton pour le projet Transform a été une évidence. Ici, il y a une véritable attente de pérennité. Le Centre doit accueillir et former en permanence 600 élèves à la manutention portuaire. Il n’est donc pas question de reconstruire le bâtiment à intervalles réguliers ! « En plus, le béton, c’est ce que l’on sait faire le mieux », rappelle l’architecte. Et de poursuivre : « L’intéressant dans un projet comme celui-ci est la rencontre. Nous arrivons quelque part et ce que nous demandons n’a jamais été fait avant. A chaque fois, nous apprenons des choses nouvelles. Nous découvrons des méthodes de travail que nous ne connaissions pas. » Le coffrage par niveau complet a été déconcertant pour Frédéric Schoeller. Mais le sérieux de Dji-Fu, à l’écoute des attentes de l’architecte, a permis d’atteindre un résultat parfait.
C’est d’ailleurs cette même entreprise qui a décroché le marché de reconstruction du lycée Joseph-Kessel. « La réalisation prendra une forme tout à fait comparable à celle du bâtiment Transform. » Ceci, tant au niveau des parements en béton blanc soigné que du traitement bio-climatique de la construction. La seule différence par rapport à l’école de formation aux métiers portuaires : le nouveau lycée est, pour l’essentiel, financé par l’Association des parents d’élèves. Ceux-ci assurent ainsi la maîtrise d’ouvrage de l’opération, d’un coût de 5 M€…
Repère
Maître d'ouvrage : Union européenne Maîtrise d’œuvre : Richard + Schoeller Architectures Entreprise : Dji-Fu (Djibouti) Bétons : Fabriqué par Dji-Fu Ciment blanc : Ras Al Khaimah for White Cement & Construction Materials (Emirats arabes unis) Adjuvants : Sika Coffrage : Fabrication Dji-Fu Coût : 5 M€
Frédéric Gluzicki