L’architecte et théoricien de l’architecture Claude Parent est mort à l’âge de 93 ans à Neuilly-sur-Seine (92). Il pouvait aussi bien construire une église-bunker au sol incliné... que des maisons individuelles ou des centrales nucléaires.
L’architecte et théoricien de l’architecture Claude Parent est mort à l’âge de 93 ans à Neuilly-sur-Seine (92). Il pouvait aussi bien construire une église-bunker au sol incliné… que des maisons individuelles ou des centrales nucléaires. Il avait reçu le grand Prix national d’architecture en 1979. Après des études de mathématiques, Claude Parent avait fréquenté l’atelier de Noël Le Maresquier aux Beaux-Arts de Toulouse, avant d’effectuer des stages à Paris, dans de nombreux ateliers, notamment celui de Le Corbusier. Admirateur et ami de l’écrivain Julien Gracq, il partageait avec lui une passion pour la mer, les vagues et sans doute leurs lignes obliques surgissantes.
Claude Parent a toujours considéré l’architecture comme « le principe effectif d’une transformation et d’une évolution sociale ». Il fut ainsi la figure tutélaire de la “fonction oblique” qui émerge dans les années 1960. Défenseur d’une architecture expérimentale qui se situe « sur le chemin lent et contradictoire de la création », l’architecte n’eut de cesse de faire valoir sa liberté de création et de parole, revendiquant le droit d’être en insurrection permanente. « La notion novatrice de “fonction oblique” chère à Claude Parent a remis en question la fondation de l’architecture pour promouvoir une mobilité des hommes au sein d’un territoire ou d’un espace en transformation. En 1972, lors du concours pour la création du Centre Pompidou, l’architecte avait proposé pour le cœur de Paris un tumulus creux couvert d’une forêt : ce projet affirmait alors sa liberté de création. Aujourd’hui, il témoigne de son talent visionnaire », rappelle Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou.
La “fonction oblique”
Parmi ses réalisations, on peut retenir l’église Sainte-Bernadette-du-Banlay, à Nevers (1966), construite avec Paul Virilio, et la Maison de l’Iran, à la Cité universitaire de Paris (1969), avec André Bloc. Ou encore, la maison Drush, à Versailles (1963) : un cube pour le moins insolite, renversé dans la pelouse. L’église, tellurique et sans fenêtre, «gros bunker en béton replié sur lui-même, métaphore de la grotte de Bernadette Soubirous, tourne le dos à son quartier HLM». La maison d’Iran, « aérienne et constituée de deux blocs de quatre étages suspendus à trois puissants portiques d’acier plantés au bord du périphérique, apostrophe encore chaque jour des millions d’automobilistes avec sa façade opaque barrée d’un escalier en double hélice ».
La “fonction oblique” du tracé défendue par Claude Parent apporte de plus un regard nouveau sur l’opposition entre la verticalité de l’habitat urbain, des gratte-ciel, du style gothique et l’horizontalité des constructions traditionnelles. Il fut un digne représentant du “brutalisme” en architecture. Ce courant marquait la volonté de montrer les matériaux sous l’aspect brut de leur façonnage industriel : c’est surtout vrai dans le cas du béton pour lequel l’empreinte des planches de coffrage est laissée apparente.
« Claude Parent avait horreur du joli. Et, depuis toujours, il n’était pas effrayé d’effrayer », a salué l’architecte Jean Nouvel, sur celui qui fut, « quoiqu’il s’en défende », son inspirateur, mais surtout son premier employeur à la fin des années 1960.
Retrouvez dans le Béton[s] le Magazine n° 14, rubrique Paroles d’architecte, un interview de Claude Parent : « Le béton ne m’a jamais trahi » et dans le Béton[s] le Magazine n° 44, rubrique Passé simple, L’église Sainte-Bernadette du Banlay : Bunker spirituel.