Podcast – Comment formuler un béton à impact carbone réduit ?

Yann Butillon
23/09/2024
Modifié le 23/10/2024 à 17:23

Avec des exigences environnementales de plus en plus sévères, les industriels du ciment ont été amenés à proposer des solutions moins émissives en matière de CO2. Ces offres nouvelles ont poussé les industriels de l’adjuvantation à trouver des réponses pour que les bétons gardent leurs propriétés principales, leur coût de production maîtrisé et leur facilité de mise en œuvre. 

Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 114

En adaptant les choix et les dosages d’adjuvants, les adjuvantiers aident à l’utilisation de ciments avec moins de clinker.
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En adaptant les choix et les dosages d’adjuvants, les adjuvantiers aident à l’utilisation de ciments avec moins de clinker. [©Chryso]

1 – Comment les adjuvants ouvrent-ils le champ des possibles des “nouveaux” ciments bas carbone ?

La multiplication des ciments et des liants visant un impact carbone réduit, en tenant compte aussi des granulats dits “difficiles”, peut rendre la tâche de formulation complexe. Le rôle des adjuvantiers est de répondre à ces défis, en proposant des innovations qui permettront non seulement l’utilisation de nouveaux liants, mais rendront possible la formulation de bétons avec des dosages de ciment encore inférieurs. Un accompagnement technique à tous les niveaux du processus de formulation du béton est indispensable. Il passe par une connaissance approfondie des matériaux locaux, des liants, des ajouts, des granulats et des sables.

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Mais aussi par un savoir-faire spécifique en formulation, couplé à un support technique en laboratoire et sur le site des clients. Le tout avec de nouvelles technologies de polymères permettant une utilisation de ces nouveaux liants moins carbonés.

Ceci impose de relever des défis, comme la rhéologie, la viscosité et les résistances à jeune âge. Sans cette nouvelle génération d’adjuvants, la planification des chantiers devrait évoluer, car les constructeurs ne pourraient plus démouler des pièces aussi vite. Puisque ces nouveaux liants moins riches en clinker ont un temps de durcissement plus lent, du fait, entre autres, de la présence d’ajouts moins réactifs…

2 – La fabrication des “nouveaux” ciments nécessite-t-elle l’utilisation de nouveaux agents de mouture ? Quel rôle jouent-t-ils à présent ?

Les principaux défis à relever pour les adjuvants sont la rhéologie, la viscosité et les résistances à jeune âge.

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Les principaux défis à relever pour les adjuvants sont la rhéologie, la viscosité et les résistances à jeune âge. [©Chryso]

Au cours de ces dernières décennies, il y a eu un développement d’expertise unique dans la chimie du bâtiment. Dans la formulation des mélanges de bétons comme dans la caractérisation des matériaux les constituant. Ce qui s’est traduit par l’émergence des bétons bas carbone, des géopolymères et des matériaux cimentaires supplémentaires comme l’argile calcinée, le verre broyé… Tous ces nouveaux liants nécessitant un savoir-faire de haut niveau dans la combinaison des technologies d’adjuvants, de ciments, de bétons, pour rendre plus simple l’utilisation de ces nouveaux matériaux.

Pour résumer, l’enjeu des cimentiers est d’améliorer sans cesse les performances de leurs ciments ou de leurs liants. Cela passe par l’utilisation d’agents de mouture et d’activateurs. Ce sont deux gammes importantes qui doivent être toujours plus performantes et novatrices. Ces agents permettent d’exploiter de nouveaux leviers. Et de régler des problématiques autour de la résistance mécanique, de la réduction de taux de clinker dans les ciments composés. Sans oublier l’amélioration de la productivité des ateliers de broyage, en réduisant les coûts énergétiques.

3 – Comment aider à un meilleur sourcing et à la valorisation de granulats difficiles ou issus du recyclage ?

Difficile désormais d’adapter un sable ou un granulat à une formulation, sourcés localement, ceux-ci bénéficient d’une adjuvantation sur-mesure.  [©Chryso]
Difficile désormais d’adapter un sable ou un granulat à une formulation, sourcés localement, ceux-ci bénéficient d’une adjuvantation sur-mesure. [©Chryso]

C’est un sujet qui n’est pas évident à traiter, puisque l’on parle régulièrement d’épuisement de gisements de qualité, de contraintes environnementales. Sans oublier, les difficultés d’approvisionnements locaux et la pression permanente sur les coûts…  Donc, les clients bétonniers sont obligés de considérer aujourd’hui l’usage de sable et de granulats de moindre qualité. Par le passé, on avait l’habitude d’aller acheter le sable ou le granulat de la qualité recherchée à plusieurs dizaines de kilomètres, voire encore plus loin. Aujourd’hui, il faut retravailler cette approche de A à Z.

Mais un sable difficile va imposer tout de même des contraintes qui sont, pour l’essentiel, liées aux fines excessives ou absentes. Ou encore liées à la présence d’argile. Ces contraintes peuvent nécessiter un rajout d’eau, influer sur la viscosité, sur le volume de pâte, mais aussi sur le dosage en adjuvants. Quand on est dans le cadre de la présence d’argile, on va retrouver une demande en eau qui va impacter les résistances du béton et/ou provoquer une instabilité dimensionnelle au sein de la matrice béton. Enfin, d’une façon générale, on va retrouver des contraintes autour de l’absorption, la pollution organique, la dureté ou la réactivité alcali-silice.

Des difficultés nouvelles avec les bétons bas carbone

Le défi que va relever l’adjuvantier est de pouvoir formuler des produits qui permettent de compenser ces difficultés rhéologiques. Tout laisse à penser qu’à la vue des contraintes évoquées, il est important de pouvoir proposer une gamme complète d’adjuvants, avec des technologies embarquées très spécifiques pour pouvoir répondre à chacune de ces problématiques. Nous allons donc retrouver différents types d’adjuvants, selon les régions de France, selon les sables utilisés et selon les contraintes imposées par les cahiers des charges. 

On peut aussi retrouver des adjuvants permettant l’intégration de ce que l’on appelle les granulats de béton recyclé (ou GBR). Nous sommes là dans de futures formulations, qui vont permettre la mise en place de cercles vertueux autour des bâtiments, où les déchets des uns vont devenir la matière première des autres. Sur ce point-là, l’enjeu est de pouvoir caractériser des sables, pour proposer l’adjuvantation la mieux adaptée. C’est pourquoi on retrouve sur les sites de démolition/construction des outils de caractérisation des sables performants proposés par quasiment tous les adjuvantiers.

4 – Les solutions d’adjuvantation sont-elles les mêmes pour la préfabrication et le BPE ? Pourquoi peut-il y avoir des différences ?

Pour continuer à accompagner la transition écologique de la construction, les adjuvants devront aider à l’utilisation de ciments avec de moins en moins de clinker. [©Chryso]
Pour continuer à accompagner la transition écologique de la construction, les adjuvants devront aider à l’utilisation de ciments avec de moins en moins de clinker. [©Chryso]

Oui et non. De manière globale, les technologies d’adjuvantation pour le BPE et pour la préfabrication sont les mêmes. Par contre, les leviers sont différents, car les process de production sont différents. Les résistances initiales risquent d’être touchées. L’enjeu est fort de par la faible réactivité des liants bas carbone et de l’impact de la réduction du E/C sur la rhéologie du béton et des parements.

Dans la préfabrication, on peut aussi avoir des problématiques liées à la corrosion des moules, avec certains liants et des problèmes d’arrachement, lorsque l’on tente de décoffrer un peu trop tôt…

Dans le BPE, les choses sont différentes, car la fabrication se fait au m3, avec une livraison du béton sur chantier. Ainsi, l’adjuvant utilisé devra posséder des propriétés autour du maintien de fluidité et de la diminution de la viscosité. Alors que beaucoup de liants moins carbonés augmentent la viscosité des bétons bas carbone. La rhéologie est aussi impactée.

Des besoins spécifiques pour la préfabrication bas carbone

Si l’on en revient à la préfabrication, les choix vont plus se porter vers une adjuvantation avec un pouvoir de réducteur d’eau important pour réduire le rapport E/C. Mais aussi sur le seuil de viscosité, qui a un impact fort sur le parement lors du décoffrage. Toutefois, l’industriel du béton dispose d’un atout que n’a pas le BPE :  avoir un équipement de chauffage intégré à son process de production. Ce qui lui permet de chauffer ses bétons une fois dans les moules à quelques dizaines de degrés, permettant au final d’avoir ce petit boost pour démarrer la prise des bétons.

Toutes ces technologies mises à disposition des préfabricants comme des bétonniers sont la résultante d’une expertise proposée de chaque client en fonction de ses besoins. En d’autres termes, les adjuvantiers doivent faire preuve d’agilité pour offrir des solutions sur mesure. En définissant les besoins et les problématiques, avec ensuite les études en laboratoires, avec des essais sur terrain. Puis, en validant le tout avec le client sur sa propre installation.

Sujet réalisé en collaboration technique avec Eric Lebre, directeur commercial et marketing France de Chryso GCP

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Chryso est l’un des leaders mondiaux de la chimie de la construction, qui compte plus de 80 ans d’expérience, puisque la société a été fondée en 1942. Avec trois sites industriels pour autant de laboratoires, l’industriel emploie 280 collaborateurs en France. chryso.fr

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Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 114