Comment réaliser le diagnostic de l’état d’un béton ?

Yann Butillon
30/05/2023
Modifié le 02/06/2023 à 08:34

Le béton évolue dans le temps et, parfois, des dégradations peuvent apparaître sur les constructions. Il faut alors effectuer un diagnostic de l’état du béton. La spécialité d’Abdelkrim Ammouche, directeur technique et scientifique au Lerm (groupe Setec).

Article paru dans le n°106 de Béton[s] le Magazine.

Avec le temps, des défauts apparaissent sur les bétons. Il convient alors d’en réaliser un diagnostic, que les auscultations soient destructives ou non.
[©Setec Lerm]
Avec le temps, des défauts apparaissent sur les bétons. Il convient alors d’en réaliser un diagnostic, que les auscultations soient destructives ou non. [©Setec Lerm]

1 – Qu’est-ce qui déclenche le diagnostic d’un béton ?

Les causes peuvent être très diverses. Traditionnellement, une personne repère un symptôme, que ce soit une fissuration, un gonflement, une déformation, un écaillage ou une altération de surface. Il peut s’agir d’éléments tangibles et parfois, d’une question de ressenti. L’aspect d’un bâtiment peut inquiéter et le maître d’ouvrage réagit, en demandant l’avis d’un spécialiste.

Il y a aussi des ouvrages placés sous inspections périodiques. Que ce soit du fait de leur construction, de leur âge ou de symptômes antérieurs. Dans ce cas, un problème peut être détecté plus rapidement : par exemple, à la suite d’une inspection visuelle. Selon son importance appréciée, le désordre répertorié fait l’objet d’un diagnostic et/ou d’une surveillance. Dans le cas où une pathologie est suspectée et qu’elle peut présenter un risque d’aggravation, son analyse est d’emblée approfondie pour en évaluer les conséquences possibles.

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Enfin, il y a de plus en plus le cas de constructions, dont le maître d’ouvrage veut prolonger la durée de service au-delà de ce qui était prévu. Ou d’un ouvrage, dont l’utilisation varie de ce pour quoi il a été conçu. Il faut alors intervenir pour faire un diagnostic complet, en lien avec la nouvelle destination du lieu. Ceci, afin de fournir au maître d’ouvrage une sorte d’état des lieux précis, d’évaluer la faisabilité du projet et les éventuels travaux nécessaires.

2 – Comment détermine-t-on l’approche utilisée ? Celle-ci est-elle normée ?

La détection d’armatures par radar est l’un des préalables au prélèvement, puis à l’analyse des bétons. [©Setec Lerm]

Les fissurations constituent l’un des désordres les plus courants des bétons. [©Setec Lerm]

Cela dépend du type de constructions, des spécificités liées à son utilisation et du type de désordres observés. Après le recueil des premiers éléments sur l’ouvrage, une visite préliminaire du site permet de définir la méthodologie d’intervention la plus adaptée. Avec l’expérience et au vu des symptômes, un spécialiste des matériaux est capable, dès cette visite, d’apprécier quel(s) phénomène(s) pourrai(en)t être à l’origine du (ou des) désordre(s). Et ainsi de déterminer le type et le contenu de l’étude-diagnostic à proposer, qui, à chaque fois, devra être adaptée à la problématique et aux spécificités de l’ouvrage et des matériaux qui le constituent. L’étude s’appuiera sur des mesures non destructives directement sur l’ouvrage, sur des prélèvements d’échantillons et sur des examens et analyses en laboratoire.

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S’il faut faire des prélèvements, la volonté sera toujours de collecter le minimum d’échantillons nécessaires aux analyses, tout en s’assurant de leur représentativité.

De plus en plus, le monitoring est utilisé pour le suivi sur un temps déterminé d’un ouvrage. Des capteurs différents sont installés et un suivi se fait quasi en direct.

Il n’existe pas de normes qui donnent la méthodologie et les techniques à adopter en fonction des symptômes. Cependant, le diagnostic va s’appuyer sur des techniques et des essais qui, individuellement, peuvent, pour certains, être normalisés. Les experts s’appuient sur des techniques éprouvées et reconnues par la communauté scientifique, et ayant fait l’objet de recommandations ou de guides techniques auxquels les laboratoires, experts du diagnostic ont généralement beaucoup contribué.

3 – Quels sont les outils nécessaires à un diagnostic ?

Les fissurations constituent l'un des désordres les plus courants des bétons.
[©Setec Lerm]
Les échantillons prélevés par carottage ont été polis pour permettre leur observation au microscope. [©Setec Lerm]

Le premier “outil” reste l’expérience de l’expert et de son équipe. Leur savoir-faire permet de reconnaître les pathologies et d’orienter les recherches dans le bon sens, en définissant un programme d’intervention adapté et optimisé. De quoi tirer les conclusions et offrir les meilleurs conseils au client.

Parmi les outils, il y a les méthodes d’auscultation non destructives utilisables sur site. Tels la réflectométrie radar, le pachomètre, les mesures par ultrasons et les mesures de corrosion des armatures. Ces techniques non invasives permettent une reconnaissance de certains aspects de la structure et de rechercher les différences de réponses physiques qui peuvent notamment aider à bien choisir les prélèvements à étudier en laboratoire. Il y a ensuite les outils de prélèvements (carotteuses, disqueuses, perforateurs…) qui, comme indiqué, sont utilisés à bon escient et dans le respect de l’intégrité de la structure. Les techniques et les méthodes de laboratoire sont ensuite au cœur du diagnostic des matériaux : microscopies optiques et électroniques, analyses chimiques et minéralogiques, bancs d’essais physiques… Si chacune permet d’apporter un angle de vision différent, leur complémentarité est essentielle pour livrer un diagnostic fiable.

La surveillance et le monitoring complètent les outils à disposition. Les capteurs ont beaucoup évolué pour devenir de plus en plus performants. Permettant un suivi des mouvements d’une structure, de ses variations dimensionnelles et de ses vibrations. Le suivi se fait en temps réel avec des alertes.

4 – Quelles sont les différentes étapes qui structurent l’intervention ? 

Tout commence par une visite préliminaire, l’occasion d’un examen des désordres, d’une discussion avec le maître d’ouvrage, du recueil d’informations et de prises de photos. Si disponibles, des éléments du dossier de l’ouvrage sont recueillis (formulations, plans de coffrage et d’armatures, suivi de chantier…). C’est aussi l’occasion de préciser les attentes du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordres. La suite consiste à établir un plan d’action.

Un chargé d’affaires qui pilote l’intervention est désigné. A l’appui d’un expert et de spécialistes, il détermine les différentes problématiques auxquelles le diagnostic devra répondre. Puis, définit le programme technique et l’organisation de la mission. Et enfin, établit le chiffrage.

Sur site et en laboratoire, l’idée est de vérifier et d’évaluer les hypothèses formulées à la suite de la visite et des premières réflexions avec l’équipe. Chaque expert sait ce pour quoi il est sollicité et ce qui est attendu au travers de son intervention. Le recueil d’éléments tangibles et une démarche objective sont essentiels. Le programme prévu peut être modifié au vu des premiers résultats, pour approfondir des recherches ou les réorienter, ceci en accord avec le client.

Enfin, le chargé d’affaires pilote la restitution du rapport final de diagnostic. Il récupère auprès de chaque expert les analyses issues des investigations qu’il compile. Il rédige la synthèse et les conclusions du rapport en lien avec les experts.  Ces derniers livrent le diagnostic de l’état des matériaux et les pathologies à l’origine des désordres. Il indique des préconisations quant aux suites à donner à la problématique. Par exemple, les travaux à envisager ou une éventuelle surveillance à mettre en place. Il détermine surtout les évolutions probables des symptômes, leur gravité et l’urgence des interventions à réaliser.

5 – Les travaux conseillés sont-ils obligatoires ?

Parfois, les pathologies observées sont monitorées pour suivre leur évolution sur un temps donné.
[©Setec Lerm]
Parfois, les pathologies observées sont monitorées pour suivre leur évolution sur un temps donné. [©Setec Lerm]

Dans un cas classique, les travaux conseillés ne sont pas obligatoires. C’est au maître d’ouvrage, fort des conclusions du diagnostic et des préconisations, de déterminer s’il veut intervenir ou pas. Bien entendu, il est conseillé de ne pas laisser la situation se dégrader.

En revanche, lors des investigations ou parfois même, dès les premiers constats, il est possible de suspecter que les dégradations puissent avoir un impact sur la résistance de la structure. Cette information doit être immédiatement portée à la connaissance du maître d’ouvrage. En complément du diagnostic matériaux et des investigations sur l’ouvrage, il faut aussi faire d’emblée intervenir un bureau d’études structure. Qui vérifiera, par recalcul, la pérennité de la construction si aucune intervention n’est réalisée. Ou pour en indiquer l’urgence…

Yann Butillon

Sujet réalisé en collaboration avec Abdelkrim Ammouche directeur technique et scientifique au Lerm (groupe Setec).

Article paru dans le n°106 de Béton[s] le Magazine.

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