Dans le secteur du bâtiment, la géothermie est souvent synonyme de forages. Une autre solution consiste à donner une fonction géothermique aux fondations et aux structures de l'édifice, qui sont en contact direct avec le sol.
En France, à environ 20 m de profondeur, le sous-sol présente la plupart du temps une température située entre 10 °C et 15 °C. A 1 ou 2 m, il se situe plutôt à 8 °C, en hiver, et à 15 °C, en été. Par rapport à la température de l’air en hiver, c’est chaud. Par rapport à la température estivale, c’est frais. L’hiver, ces différentiels de température permettent de mettre en place un chauffage par géothermie dit “à très basse énergie”, grâce à l’installation d’une pompe à chaleur. Quant au froid, en été, il peut être apporté par simple échange de chaleur entre l’air extérieur et les frigories du sol. En hiver, si l’on a besoin de froid (pour le refroidissement d’un local, par exemple), il est possible de récupérer les frigories produites par la pompe à chaleur utilisée pour le chauffage…
1 – Quelles sont les technologies disponibles ?
Deux procédés se distinguent. Le premier, qui opère un échange de température eau-air, est déjà mis en œuvre dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. En France, il est émergent. En pratique, des tubes en polyéthylène haute densité serpentent entre les barres d’armatures des structures en béton armé. Ils sont ainsi emprisonnés dans le béton au moment du coulage. Une fois le bâtiment en activité, un fluide caloporteur y circule pour capter les calories ou les frigories du sol et en faire profiter l’édifice. Tous les éléments de structure enterrés et fabriqués en béton armé – dalles, pieux, parois, voire tunnels – peuvent être équipés. Dans l’Hexagone c’est la société Ecome-Géothermie Professionnelle, qui est à l’heure actuelle le spécialiste dans ce domaine.
Le second procédé, qui repose sur un échange air-sol, a été mis au point par un programme de recherche mené par les entreprises Ceschin, Ciat et Industrelec, le CSTB et l’Insa Lyon. Baptisé Fondatherm, ce procédé de géothermie intégrée au bâti fonctionne grâce à des éléments de fondation préfabriqués : des poutres creuses en béton armé. De sections carrées à l’extérieur (60 cm x 60 cm), ces poutres présentent un profil en “U” à l’intérieur. D’une longueur pouvant aller jusqu’à 8 m, elles sont installées sous des bâtiments, dans des ouvrages de génie civil, des murs de soutènement… et servent de fondations géothermiques. De l’air est mis en mouvement à l’intérieur de ces poutres par le système de ventilation du bâtiment,qui est connecté à la fondation géothermique. L’air extérieur se réchauffe ou se refroidit (selon la saison) au contact du béton des poutres, dont la température est proche de celle du sol. En hiver, l’air ainsi préchauffé est porté à la chaleur voulue par le système de chauffage et de ventilation. En été, l’air refroidi peut être injecté dans le bâtiment, sans apport de froid supplémentaire.
2 – Est-ce que ce double usage des structures entraîne un risque pour la solidité du bâtiment ?
L’un des risques potentiels de l’extraction des calories du sol en hiver serait le gel du sol autour des structures en béton. « C’est pourquoi, nous ne permettons jamais aux éléments en béton (pieux, dalles, parois…) de descendre en dessous de 0 °C », explique Jean-Baptiste Bernard, gérant de Ecome-Géothermie Professionnelle. Par ailleurs, pour chaque projet, la société réalise des calculs thermo-mécaniques, afin d’évaluer l’éventuelle charge complémentaire résultant des effets thermiques. Cette charge thermique ne change pas le dimensionnement des pieux, sauf exceptions, lorsque cet élément de structure est à la limite de sa capacité.
En ce qui concerne Fondatherm, il n’y a aucun risque de gel. Par contre, le système ne pourra pas être utilisé en zones inondables ou très sismiques. Aujourd’hui, il est possible de construire au-dessus jusqu’à R+3.
3 – Des bétons particuliers sont-ils nécessaires ?
Pour la technologie eau-air, tous les types de béton peuvent être utilisés. « Des procédures de contrôle rigoureuses et des tests de mise en pression sont effectués à chaque étape de réalisation, afin de garantir l’intégrité des réseaux de captage géothermiques », décrit Jean-Baptiste Bernard.
Quant au procédé Fondatherm, le béton est sélectionné pour assurer l’efficacité du système. L’usine de Ceschin (Bazarnes, 89) fabrique les éléments à base de béton vibré haute qualité, dans des moules en métal. Ainsi, les parois intérieures du “U” sont très lisses, ce qui assure une bonne circulation de l’air. D’après le CSTB, la qualité biologique de l’air à la sortie de Fondatherm est aussi bonne que celle de l’air extérieur. De plus, cette fondation particulière protège les organes de chauffage et de ventilation contre le gel et les poussières. « Les filtres d’une centrale d’air reliée à un réseau Fondatherm ont une longévité multipliée par quatre », insiste Anthony Bardat, ingénieur chargé d’affaires et responsable R&D chez Ceschin.
Caroline Kim
Pieux géothermiques pour des immeubles strasbourgeois
A ce jour, la géothermie sur pieux compte une vingtaine de références. Quelque 144 pieux viennent ainsi d'être posés sous 2 immeubles neufs d'habitation de Strasbourg (67). Leur nombre, leur diamètre (700 mm) et leur longueur (9 m ou 10 m, dont 7 m utiles à la géothermie) ont été définis par les seuls besoins des fondations. Le réseau de tubes géothermiques noyé dedans est connecté à une pompe à chaleur. Sur ces édifices, un doublet de forage géothermique a aussi été installé sur la nappe phréatique, ainsi qu'une chaudière à gaz pour fournir l'eau chaude sanitaire. Au total, les deux systèmes géothermiques fournissent une puissance calorifique de 207 kW. Ils devraient couvrir environ 77 % des besoins énergétiques du programme, qui s'élèvent à 136 MWh.
La RATP a opté pour les parois moulées géothermiques
Sur certaines nouvelles stations des lignes 12 et 14 du métro parisien, la RATP a décidé d'équiper ses parois moulées de systèmes géothermiques. Notamment dans la future station “Mairie de Saint-Ouen”, pour laquelle « les besoins sont de 75 MWh avec une puissance appelée de 71 kW pour le chauffage et 101 MWh annuels pour une puissance appelée de 68 kWh pour le refroidissement », résume Stéphane Monleau, directeur commercial de Soletanche Bachy, entreprise en charge des parois moulées. Le dispositif géothermique présente une longueur de 196 m et est étalé sur une surface de 5 775 m2. Il est déployé dans des parois de 45 m de profondeur, dont 19,50 m sous radier. « Le coulage du béton n'est pas plus complexe avec les tubes géothermiques, à condition de dimensionner de manière correcte les cages d’armatures, afin que la circulation du béton ne soit pas gênée par la présence de ces canalisations. » L'installation géothermique, couplée à une pompe à chaleur dotée d'une thermo-frigo-pompe, doit couvrir les besoins en chauffage des locaux d’exploitation de la station (bureaux, vestiaires, sanitaires) et en refroidissement de ses locaux techniques. Elle devrait aussi satisfaire entre 45 et 65 % des besoins de chauffage d’un programme immobilier connexe de 80 logements. Au final, en plus de la station “Mairie de Saint-Ouen”, celle de Porte de Clichy, toujours sur la ligne 14, sera aussi équipée en géothermie. « Les investissements pour ces deux projets seront amortis au bout de 17 ans. »
Le vestiaire aux fondations creuses
Ceschin, qui a déjà réalisé une dizaine de bâtiments avec Fondatherm, construit aujourd’hui un vestiaire sportif dans un lycée d'Auxerre (89). Quelque 8 blocs Fondatherm y ont été enfouis à 1,20 m de profondeur, pour une longueur totale de 60 m de fondations creuses géothermiques. « Ces blocs ont été posés en une demi-journée », précise Anthony Bardat, ingénieur chargé d'affaires et responsable R&D chez Ceschin. La prise d'air extérieur est raccordée à une centrale double flux, d’un débit de 500 00 m3/h. En hiver, Fondatherm couvrira 30 % des besoins de chauffage (puissance calorifique maximale = 9,6 kW). L'appoint sera apporté par des radiateurs électriques. En été, le refroidissement sera assuré par les fondations creuses à elles seules (puissance frigorifique maximale = 4,6 kW). Ce projet devrait être rentabilisé en 7 ans.