La 11e édition du Forum Bois Construction aura lieu à Epinal, le 6 avril, et au Centre Prouvé de Nancy, les 7 et 8 avril 2022. La formule “Grand Est” se répète ainsi pour la 4e fois.
La 11e édition du Forum Bois Construction aura lieu à Epinal le 6 avril, et au Centre Prouvé de Nancy, les 7 et 8 avril 2022. La formule “Grand Est” se répète ainsi pour la 4e fois. Facilitée par le déclin présumé de la pandémie, mais assombrie par la guerre européenne en cours. Mais, pour les organisateurs et les acteurs professionnels du secteur biosourcé, la guerre devrait plutôt se faire contre le dérèglement climatique.
Pour construire “bas carbone”, on peut changer la composition des bétons et mettre un peu de bois en structure. Ainsi, pour aller vers la neutralité carbone des constructions neuves ou rénovées, le recours à des isolants biosourcés à très faible empreinte carbone est indispensable. Cela n’est pas apparu dans le cadre du label biosourcé développé il y a dix ans. Il commence tout juste à être convenablement utilisé.
Ce label à trois niveaux mesure le recours aux matériaux de construction biosourcés par leur poids, de sorte qu’il privilégie le recours au bois structurel, qui est beaucoup plus lourd que les isolants. Dans le cadre de la nouvelle RE 2020, le mode de calcul change et valorise les isolants biosourcés. Et ce, dans la limite d’une réglementation qui démarre à un niveau bas et dont les progressions successives d’ici 2031 devront toutes être renégociées.
Neutralité carbone en 2030 ?
Ainsi, la RE 2020 est déjà obsolète dans le sens où, en se cadrant sur la Stratégie nationale Bas Carbone, elle ne prend pas en compte l’objectif “Fit for 55” de la Commission européenne. Qui demande de baisser les émissions humaines de gaz à effet de serre (Ges) à – 55 % par rapport à l’année 1990 dès l’année 2030. Par ailleurs, la même commission s’est réunie, le 14 décembre dernier, pour traiter de la décarbonatation du monde de la construction. Il est vrai que depuis 2018, l’ONU a lancé un cri d’alarme, en calculant que le bâtiment au sens large représentait environ 38 % des émissions humaines de Ges.
Lire aussi :
Dossier : Construction bois et isolation biosourcée, un mariage heureux
La commission a donc rappelé que l’objectif de neutralité climatique à l’horizon de 2030 signifiait que l’ensemble des bâtiments de l’Union devra être décarboné. Tout en préconisant une première étape en 2030, à partir de laquelle toutes les constructions nouvelles devraient être neutres en carbone. Cette déclaration captée lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion n’a pas été gravée dans le marbre. Puisque les réglementations relatives à la construction sont une prérogative des Etats membres. Mais elle ne manque pas de logique.
Démarche éco-conçue
Avant même que la Commission européenne ne s’exprime, le 14 décembre dernier, la préparation du 11e Forum Bois Construction était en marche, en fait depuis le mois de septembre 2021. Le mot d’ordre de l’édition parisienne de juillet 2021 : “La construction biosourcée, pour bâtir un avenir”, s’était muée en base line du congrès décidément engagé dans la lutte climatique. Face à un marché où la notion de bas carbone est, d’ores et déjà, galvaudée, car elle magnifie n’importe quelle diminution de l’empreinte carbone, le pari a été de mettre en avant justement la notion de neutralité carbone.
Le Forum avait l’intention de tester la possibilité d’appliquer au monde de la construction sa propre démarche éco-conçue. Laquelle a été révélée lors de l’édition anniversaire de Paris, et qui consiste à juguler les émissions de carbone de façon fiable et mesurée, d’année en année. Mais aussi, de gommer le résidu émissif par la mutualisation d’une replantation solidaire de parcelles forestières détruites. En l’occurrence, le Forum agissait en complément de France Relance, qui a mobilisé 150 M€ pour replanter environ 30 000 ha de parcelles d’épicéa détruites par le scolyte. Et comme pour les autres replantations, c’était l’occasion de faire une étude de sol et de station, afin de sélectionner des essences que l’on espère plus adaptées au changement climatique.
Les débats de la compensation
Appliquer l’objectif de la neutralité carbone à la construction est une gageure. Il existe un label international qui avalise son “Net Zéro” par des mesures de réduction de l’empreinte carbone en construction et usage. Puis, par la compensation du résidu émissif via différentes opérations comme la plantation de forêts. De même, en France, le Label Bas Carbone, développé il y a déjà quelques années, permet en principe d’effectuer ce genre de démarche. Même s’il n’est absolument pas employé pour l’heure dans le domaine du bâtiment. S’il l’était, un débat serait lancé sur le rapport entre la démarche de réduction carbone et la compensation. Un peu comme il a cours au niveau international au sujet des démarches de reboisement initiées par des pollueurs.
En principe, il est possible de construire une villa maçonnée en traditionnel de 200 m2 avec un coût carbone de 1,5 t/m2. Ce qui représente 300 t et de compenser au tarif de 30 €/t, en déboursant 9 000 €. En pratique, ce genre de compensation carbone coûte beaucoup trop cher pour être systématisée. A moins de recourir massivement aux matériaux de construction biosourcés, non seulement avec du bois en structure, bardage, planchers… Mais aussi, avec ces nouveaux matériaux isolants biosourcés, dont l’empreinte carbone est parfois tellement réduite qu’elle devient positive.
Lire aussi :
La 11e édition du Prix national de la construction bois a démarré
C’est notamment le cas du Gramitherm, invention suisse reprise depuis 2019 par la Belgique. Et selon laquelle la fibre d’herbe est extraite grâce à l’énergie biogaz recueillie au moment de l’extraction. Les herbes contribuent, de façon notable, à capter le carbone de l’atmosphère. Mais jusqu’à présent, il s’agissait d’une captation perdue. La consommation d’herbe produisait du méthane, ou bien l’herbe tondue se décomposait et restituait le carbone stocké. Toutefois, on se rend bien compte que si l’option biosourcée implique un surcoût de 9 000 € dans le cas de figure cité plus haut, le choix du marché sera compliqué.
Atelier C6
La démarche high-tech de Gramitherm couronnera les conférences de l’atelier C6 dédié à la préfabrication du biosourcé et du géosourcé à l’occasion du Forum. Par ailleurs, cette fois-ci, le congrès professionnel ouvre ses portes tout au long de l’après-midi du 8 avril. Et en complément des professionnels, le grand public aura la possibilité de s’informer sur les évolutions de la préfabrication biosourcée. En l’occurrence, il ne s’agit pas, cette fois, de parler de la préfabrication du bois ou des modules en bois, mais bien des avancées dans le domaine des isolants, et même des briques de terre compressée. Petit à petit, ces techniques alternatives prennent une dimension industrielle.
La paille dispose désormais en Europe d’une botteleuse mobile, c’est-à-dire d’une machine qui permet de fabriquer des ballots sur mesure et sur site. Par ailleurs, deux brevets sont entrés en application pour remplir mécaniquement les caissons de paille en atelier et pour recourir à des poutres en “L” pour la fabrication de ces caissons. Dans le domaine du chanvre, l’approche de préfabrication de Wall Up Préfa dispose, depuis mai 2021, d’un site de production dédié et surtout, de l’attente impatiente d’un marché francilien qui comprend tout l’intérêt de la démarche.
Aujourd’hui, l’avancée biosourcée va souvent de pair avec le recours à la terre comme alternative au béton. A Toulouse, BTC conçoit des systèmes de préfabrication de briques de terre, qui vont révolutionner ce secteur encore tributaire d’une nombreuse main-d’œuvre militante. Ces démarches encore balbutiantes sont essentielles pour déplacer la construction biosourcée dans une zone économique, qui peut en faire une alternative à grande échelle.
Omniprésence des isolants biosourcés
A vrai dire, si l’on regarde le détail des 17 autres ateliers thématiques parallèles et des 9 sessions spéciales, les isolants biosourcés sont présents partout. On assiste en France à une explosion du BTP (Bois Terre Paille) et plus particulièrement du bois-paille qui devient presque un standard. Le choix de Gramitherm pour le nouveau siège de l’ONF n’est pas un cas à part.
De toute part, la construction biosourcée ne se résume plus à construire en bois, mais s’étend au choix d’isolants biosourcés de toute nature. Et ce qui se profile, comme dans les projets pionniers de scolaire haute performance comme les deux écoles qui visent actuellement le niveau E4C2. C’est la conjonction de cette approche biosourcée avec la haute technologie de l’équipement : puits canadiens, panneaux photovoltaïques, chauffage d’appoint avec des pellets, stockage de l’énergie… De sorte que le biosourcé se trouve propulsé de son rang de niche idéaliste, vers le cœur de la construction de demain.
Jonas Tophoven