Forum international Bois Construction : Transition énergétique et Questions à Stéphane Cochet

Rédaction
21/03/2017
Modifié le 15/11/2018 à 16:54

En avril prochain, va se tenir le Forum Construction Bois. L'occasion ici de revenir avec Stéphane Cochet, du cabinet A003 Architectes, sur l’atelier C1 “Performance énergétique et environnementale”.

Le bois en construction n’a pas su tirer suffisamment partie en France de la décennie, qui a suivi le Grenelle de l’Environnement (2007). Une nouvelle phase se prépare avec le passage à l’énergie positive et un début de prise en compte de l’énergie grise, ainsi que du bilan carbone du chantier. Principal matériau renouvelable, le bois semble a priori bien placé pour tenter, une nouvelle fois, de saisir sa chance. Le Forum international Bois Construction, qui va se tenir à Nancy, en avril prochain, fera l’état des avancées du secteur et des interrogations que les professionnels se posent aujourd’hui.

Début janvier 2017, à l’occasion du salon Bau de Munich, les industriels allemands de la maçonnerie ont croisé le fer avec la prospère filière allemande de la construction bois. Des études comparatives indiqueraient qu’à échéance de 50 ans, le bilan carbone d’un bâtiment en bois n’est guère meilleur que celui d’un ouvrage maçonné. Et puis – et c’est l’argument retors face à une opinion publique de plus en plus urbaine et dendrophile1 – le recours au bois dans la construction mettrait en péril les forêts allemandes. Le même jour, la filière allemande du bois a répliqué, chiffres à l’appui, en affichant une belle assurance que matériau de construction renouvelable susceptible d’intervenir en substitution, à la fois dans sa part sciée ou déroulée que dans sa part connexe, le bois bénéficie, en ce début de XXIe siècle, d’un positionnement unique.

 Cap sur le Grand Est

Il y a 22 ans, on n’en était pas là, quand six écoles supérieures formant des ingénieurs spécialisés dans le bois ont mutualisé leurs efforts pour promouvoir un évènement annuel, permettant à ces ingénieurs de montrer ce qu’ils savaient faire. Il s’agissait du Forum de Garmisch-Partenkirchen, en Haute-Bavière, parrainé aussi bien par des universités lointaines comme Vancouver (Canada) et Helsinki (Finlande), que par les institutions représentatives germanophones que sont Rosenheim, en Bavière, les universités techniques de Munich, de Vienne ou de Berne. Un centre de gravité bavarois et germanique, pour un congrès alpin, qui frise chaque année la saturation. La formule a été ensuite transplantée, soit en faveur de manifestations plus spécifiques, soit dans des congrès nationaux comme en France, en Italie et désormais, en Pologne. Pour sa 7e édition française, le Forum international Bois Construction (FCB) retourne au Centre Prouvé de Nancy (54). En effet, le comité d’organisation, très ouvert aux différentes composantes de la filière, a choisi une formule semi-sédentaire, une année sur deux, au cœur du Grand Est, une grande région française du bois. L’un des intérêts majeurs de la région Est, en termes de construction bois, c’est sa proximité avec certaines préoccupations du cœur de l’Europe : industrialisation, performances énergétiques, mais aussi écologiques. Tout comme sa proximité d’un fort gisement de résineux adaptés à la charpente et sa prise en compte de la montée en puissance des feuillus pour l’avenir. Et enfin, la persistance des savoir-faire artisanaux en matière de transformation du bois et son enjeu commun de faire valoir les atouts du bois dans les agglomérations.

Une édition 2.0

En croissance d’une année sur l’autre depuis sa création en 2011, le FCB a frisé les 1 300 participants lors de sa tenue à Lyon l’année dernière. Le retour programmé vers Nancy (54), en avril prochain, a fourni l’occasion de poursuivre ou de repenser certaines évolutions. A commencer par le rajout d’un prologue scientifique à Epinal (88), lors de la matinée du 5 avril. De quoi renforcer la symbiose entre un Forum placé au saut du train, à Nancy et un cœur d’activité, situé plutôt autour des Vosges. Le nombre total des ateliers thématiques parallèles a été porté à 20, avec une généralisation des ateliers scientifiques (C), techniques (B) ou architecturaux (A). De nombreux thèmes seront abordés, pour la première fois, du moins comme point d’orgue d’ateliers durant entre 90 mn et 2 h. Des efforts ont été entrepris pour rendre ces derniers encore plus interactifs et plus animés. Plusieurs ateliers, organisés avec des médias partenaires comme “Immoweek” ou “Séquences Bois” sortent délibérément du cadre courant. Pas de quoi remettre en cause une identité d’autant mieux affirmée que le média “congrès” est encore peu développé dans le monde du bâtiment.

Energie : retour annoncé

Depuis 2011, il a souvent été question au Forum de la performance passive, voire à énergie zéro ou positive. Il n’empêche que sur le terrain, la RT 2012 s’est révélée moins favorable au bois que sa version expérimentale, BBC-Effinergie. Par ailleurs, sur le segment fondamental des logements collectifs, une dérogation perdurera encore jusqu’au début de l’année prochaine, facilitant de fait le prolongement de techniques constructives en continuité avec la construction traditionnelle, et non en rupture.

Pour autant, malgré le déplacement du curseur de l’échéance 2020 à celle de 2030, le passage de la construction neuve à l’énergie positive s’impose toujours et les pouvoirs publics préparent, dans cet esprit, une future réglementation énergie-carbone. Testée par l’intermédiaire d’un label expérimental (label E+C-), l’idée est de prendre en compte non seulement la consommation d’énergie à l’usage, mais aussi de juguler la consommation par le chantier, voire même celle nécessaire à la fabrication et à l’acheminement des matériaux et systèmes. Une nouvelle chance pour le bois et les matériaux biosourcés ?

Le bois est-il prêt ?

En matière de bilan carbone, le juge de paix est en France l’analyse de cycle de vie (ACV) des Fiches de déclaration environnementale et sanitaire (FDES) et sur le plan européen, les Environmental Product Declarations (EPD), proches de nos Diagnostics de performances énergétiques (DPE). Or, non seulement le bois accuse un lourd retard en matière de fiches de ce type, mais leurs bilans sont souvent moins favorables à ce matériau qu’on ne le pense. D’autant que le scénario de fin de vie des ACV du bois vient d’être ajusté. Naguère, on admettait que l’ouvrage bois serait réutilisé. Désormais, prévaut la résultante d’une série de scénarii moins amènes, dont la pourriture. S’ajoutent de grands écarts de performance carbone entre les différentes solutions à base de bois, comme le précise l’architecte parisien Stéphane Cochet, maître d’œuvre d’une récente opération de logements sociaux R+5, tout en bois et passifs à Montreuil (93). [Voir article sur le site www.acpresse.fr]

Energie, carbone, social

L’atelier C1 du FCB, animé par Stéphane Cochet, a pour objectif de mieux baliser, pour le secteur de la construction bois, le passage de la RT 2012 à la nouvelle réglementation. Alterneront des retours d’expériences et des éclaircissements théoriques. Mais aussi flou que le label expérimental E+C- puisse paraître encore aujourd’hui, en termes d’opportunités concrètes pour le bois, on voit déjà poindre un autre facteur, qui pourrait rapidement prendre de l’importance, à savoir la part de réinjection des coûts dans l’économie locale ou nationale. Cosylva, le lamelliste spécialiste du Douglas, déjà en pointe pour ce qui concerne la défense du cycle de vie de son essence fétiche, a chargé un cabinet spécialisé d’évaluer de façon comparative le déboursé réinjecté dans l’économie selon que la matière première des bois lamellé-collés soit française (Douglas) ou étrangère. Le circuit court (atelier parallèle C4, vendredi 7 avril) prolongera le thème de l’efficacité énergétique et environnementale, mais en le relayant déjà vers cet un autre débat.

 

1 Le terme “dendrophile” désigne une personne, qui aime les arbres ou qui vit dans les arbres.

2 Lire aussi notre article en page 63.

Jonas Tophoven

 

Le Forum international Bois Construction, qui va se tenir à Nancy, en avril prochain, fera l’état des avancées du secteur du bois et des interrogations que les professionnels se posent aujourd’hui.

Questions à Stéphane Cochet, du cabinet A003 Architectes et animateur de l’atelier C1 “Performance énergétique et environnementale”.

Cet atelier a pour objectif de mieux baliser, pour le secteur de la construction bois, le passage de la RT 2012 à la nouvelle réglementation. Alterneront des retours d’expériences et des éclaircissements théoriques.

Bâti & Isolation : Vous avez construit avec “Bois Debout” à Montreuil (93), une construction bois R+5 à performances passives et labellisées “Bâtiment biosourcé niveau 3” par Cerqual. L’ossature bois est-elle bien adaptée pour répondre, de façon économiquement performante, aux exigences de la RT 2012 et plus, notamment dans le domaine des logements collectifs sociaux ?

Stéphane Cochet : Le projet ressort à un peu moins de 2 000 €/m2/Shab. Ce qui est un coût normal en première couronne parisienne, et en milieu urbain dense et contraint de centre-ville. La performance visée était de RT 2012 – 20 % (Très haute performance énergétique (THPE) – 60 kWh.ep/m².a). Une labellisation Passivhaus (en cours) a été retenue. En d’autres termes, à l’aide d’un mode constructif à ossature bois, le projet répond au niveau d’exigence du Plan Climat de Paris (< 50 kWh.ep/m².a = RT 2012 – 35 %), sans recours à des énergies renouvelables. Mais cela est possible surtout à cause de la démarche de construction Passivhaus. L’ossature bois est une option performante, même si le gain de surface en façade, par rapport à une option en béton, est plus ou moins annulé par la perte de surface générée par les doubles murs séparatifs intérieurs. De même, l’option du double solivage est gourmande, du point de vue hauteur. Mais elle contribue à gérer un haut niveau de confort acoustique à l’intérieur des appartements, comme les retours d’expériences le soulignent. La rapidité et la qualité d’exécution du chantier, la précision de la mise en œuvre et le confort de travail des ouvriers sont également à prendre en compte dans cette équation de performance, qui est à la fois quantitative et qualitative. Le niveau d’étanchéité à l’air est de 6 à 8 fois supérieur au niveau de la RT 2012. Les tests acoustiques in situ dépassent les objectifs réglementaires de + 6 dB. Par ailleurs, en comparaison avec le lot commun des ouvrages RT 2012, la surface vitrée de “Bois Debout” atteint 20 %, contre moins de 16 % habituels. Mais là encore, cela est rendu possible grâce à la démarche passive.

Bâti & Isolation : “Bois Debout” poursuivait donc des objectifs ambitieux en matière d’énergie. Quels sont les premiers retours tangibles ?

S. C. :  L’enjeu clef était la maîtrise des charges en entretien et maintenance (coûts P1/P2/P3 sur DvT1 de 30 ans estimés à moins de 1€/m².shab/mois). “Bois Debout” devait servir au bailleur Osica de bâtiment démonstrateur à ce titre : il n’y a plus de radiateur et les systèmes se réduisent à une chaudière centralisée de 24 kW pour la production de chaleur et une centrale double flux à récupération de chaleur, elle aussi, centralisée. Le bâtiment a été instrumenté avec le soutien de l’Ademe. Livré en juillet dernier, les mesures se rapportant à l’été ne sont pas encore parlantes, car les occupants étaient en phase d’emménagement. Il a juste été possible d’évaluer sommairement son comportement pendant les pics caniculaires. A présent, “Bois Debout” vit son premier hiver et les résultats seront disponibles début avril sur FCB.

Bâti & Isolation : Une nouvelle réglementation énergie-carbone est en gestation. La prise en compte du carbone jouera-t-elle en faveur du bois ?

S. C. : Difficile de généraliser. Pour la prise en compte du bilan carbone, la réglementation future devrait se baser sur des analyses de cycle de vie (ACV), réalisées sur la base des fiches FDES (base Inies2) ou EPD (norme européenne NF EN 15804+A1). Pour l’heure, peu de produits bois disposent de ces documents et ceux qui existent révèlent des écarts notables, par exemple, entre l’effet du recours à un plancher en bois massif (CLT) ou en double solivage. En gros, moins le bois est transformé et plus son bilan carbone est positif.

Bâti & Isolation : Si tant est que les bâtiments neufs doivent émettre à partir de 2020 plus d’énergie qu’ils n’en consomment, le passage, pour les logements collectifs notamment, du niveau RT 2012 au niveau Bepos en 2020, est-il gérable ?

S. C. :  Dans le cas du bâtiment “Bois Debout”, il sera possible d’installer 130 m2 de panneaux solaires sur le toit, d’une puissance de 30 kWc. Dans ce cas, l’immeuble deviendra un bâtiment à énergie positive (Bepos). La force de l’approche Passivhaus, c’est la contrainte de la haute performance thermique de l’enveloppe. Le Bbio du bâtiment de Montreuil est 3,5 fois plus performant qu’une enveloppe type en RT 2012. L’adaptation de ce bâtiment au niveau prévu pour le neuf à l’échéance 2020 est aisée. Par contre, si l’on prend la façon dont le marché s’est approprié la RT 2012, à ce jour, pour les logements collectifs, on trouve la généralisation des systèmes de ventilation simple flux type hygro B (et non pas double flux), la persistance d’une isolation par l’intérieur (avec des rupteurs thermiques), le recours aux ballons ECS dits “thermo-dynamiques”, celui à des systèmes de production de chaleur (panneaux solaires thermique, PAC…) plus ou moins complexes à mettre en œuvre et à entretenir, qui compensent une enveloppe somme toute peu performante. Le passage à des bâtiments à énergie positive demandera, sans doute, des évolutions importantes.

Propos recueillis par Jonas Tophoven

1P1 : fourniture d’énergie ou de combustibles. P2 : maintenance et petit entretien. P3 : garantie totale et renouvellement des matériels (gros entretien) sur DvT (Durée de vie typique).

2La base nationale de référence sur les caractéristiques environnementales et sanitaires pour le bâtiment.

 

Plus d’information :

7e Forum international Bois Construction

5 avril 2017, prologue à Epinal (Campus Bois, Enstib)

6 et 7 avril 2017, Centre Prouvé, Nancy

Programme détaillé et modalités d’inscription :

www.forum-boisconstruction.com