GMH : « Il faut laisser vivre les ouvrages »

Frédéric Gluzicki
02/12/2021
Modifié le 16/05/2024 à 10:34

Le Groupement des entreprises de restauration de Monuments historiques (GMH) vient d’éditer “Les bétons du patrimoine”. Bernard Quénée, qui en a assuré la coordination rédactionnelle, explique les tendances en matière de conservation des bétons.

Article paru dans le n° 97 de Béton[s] le Magazine.

Le guide intitulé “Les bétons du patrimoine” est disponible auprès de la librairie de la FFB (SEBTP), au prix de 30 € TTC. [©GMH/ACPresse]
Le guide intitulé “Les bétons du patrimoine” est disponible auprès de la librairie de la FFB (SEBTP), au prix de 30 € TTC. [©GMH/ACPresse]

Le GMH2 vient d’éditer le guide intitulé “Les bétons du patrimoine”, dont vous avez coordonné la rédaction. Qu’apporte c et ouvrage aux acteurs de la conservation des bétons ?

Bernard Quénée : Concernant les techniques de conservation des bétons anciens, il n’existait ni textes normalisés, ni guides… Les seuls documents accessibles sont des publications et des recueils de colloques, dispersés et pas toujours simples à réunir. Dès lors que l’on parle de conservation des matériaux, on sort du cadre normatif pour entrer dans le domaine des savoir-faire d’entreprises, des retours d’expérience. L’idée est d’être le moins invasif possible et de mettre en œuvre, autant que faire se peut, des solutions réversibles.

“Les bétons du patrimoine” est tout d’abord une aide à la reconnaissance des pathologies et des techniques de diagnostic associées. Il passe ensuite en revue les techniques de restauration ou de conservationexistantes dans ce domaine particulier, exemples et témoignages à l’appui. Chacun peut en tirer parti. Un maître d’ouvrage n’a pas forcément conscience de la valeurhistorique, technique ou architecturale de son patrimoine. Ce guide éveillera son intérêt, le poussera à aller consulter des archives, à découvrir ce qui se cache derrière un ouvrage d’apparence banal, en documentant les grandes avancées de la découverte des ciments et des bétons, ainsi que celles architecturales.

Mieux renseignée, l’entreprise, elle, pourra sortir sans crainte de sa zone de confort, celle de la réparation “courante”…

Qui est à l’initiative de cet ouvrage ?

Gilles de Laâge et Frédéric Létoffé, les anciens présidents du GMH, ont lancé ce projet, il y a plus de quatre ans, en m’en confiant le pilotage. Nombre d’experts, d’organismes et d’entreprises3 y ont participé. Tout comme le Laboratoire de recherche des Monuments historiques, qui a apporté ses conseils et retours d’expérience sur la quasi-totalité des techniques évoquées.

Les méthodes d’auscultation et d’analyse ont-elles connu des évolutions, facilitant le travail des entreprises spécialisées ? 

Dans notre domaine, plus le diagnostic est précis, meilleure sera la conservation. Donc, oui, nous avons à notre disposition des méthodes de laboratoires de plus en plus précises et éprouvées. Ce qui nous permet d’affiner les analyses pour chacune des parties d’ouvrage dégradées. D’autant que, par définition, les édifices anciens restent assez hétérogènes au niveau de leurs bétons. 

Les techniques de mesures non destructives, type ultrasons et radars, constituent des méthodes tout à fait en phase avec la philosophie de conservation des bétons. Elles permettent de mesurer les enrobages, d’estimer la corrosion des armatures. Les drones aident à inspecter les zones difficiles d’accès et à dresser des représentations 3D des ouvrages à traiter. Les sondes et autres systèmes d’instrumentation simplifient le suivi par monitoring en temps réel, de la corrosion. Ce qui intéresse les gestionnaires du patrimoine.

Bernard Quénée est le directeur scientifique de Setec Lerm. [©Setec]
Bernard Quénée est le directeur scientifique de Setec Lerm. [©Setec]

Y a-t-il une tendance en matière de conservation des bétons patrimoniaux ?

Au niveau du patrimoine, la doctrine est de laisser vivre les ouvrages. Ce qui n’exclut pas une surveillance et un entretien régulier. Le second postulat est de conserver ce qui peut l’être. Toutefois, de manière ponctuelle, il est admis que l’on puisse démolir pour reconstruire une partie d’ouvrage pour sauver l’ensemble. Et quand le béton d’origine a disparu, il faut le reconstituer, dans une forme aussi proche que possible de l’originale. 

La conservation peut aussi être le bon moment pour corriger des défauts ou des erreurs de départ, comme compenser un déficit d’armatures. Mais toujours dans le respect des dimensions de l’ouvrage d’origine.

Côté techniques, beaucoup de solutions sont apparues dans le domaine du traitement de la corrosion. Ainsi, l’électrochimie gagne chaque jour du terrain.

Les exemples choisis montrent surtout des bâtiments. Mais ce guide concerne bien tout le patrimoine bâti, ouvrages d’art y compris ? 

Absolument ! Un béton peut se dégrader, quelle que soit la nature de l’ouvrage qu’il constitue : immeuble d’habitation, bâtiment industriel, pont, barrage… Et les techniques de conservation s’y appliquent de la même manière. 

Pouvez-vous rappeler ce qu’est le GMH ?

Le Groupement des entreprises de restauration de Monuments historiques est une institution ancienne, née en 1960 ! Il est affilié à la Fédération française du bâtiment et réunit les entreprises spécialisées intervenant dans ce secteur d’activité. Soit quelque 245 acteurs aujourd’hui. Douze métiers y sont représentés, allant du maçon du patrimoine au charpentier, en passant par le tailleur de pierre, le ferronnier, le maître verrier ou encore le menuisier. Tout naturellement, le béton est rattaché au métier de maçon. Quant aux laboratoires, ils font partie des membres associés du GMH.

1Bernard Quénée est le directeur scientifique du Lerm/Setec 
2Le groupement des entreprises de restauration de Monuments historiques est rattaché à la Fédération française du bâtiment (FFB).3La liste des contributeurs est à retrouver sur la page de garde de guide “Les bétons du patrimoine”.

Propos recueillis par Frédéric Gluzicki

Retrouvez l’ensemble du dossier : Pour des ouvrages bien entretenus

Article paru dans le n° 97 de Béton[s] le Magazine.

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