Charlotte Piccamiglio est présidente de l’Agence Tous Risques du Béton. Elle explique comment, avec une touche d’humour, elle affirme sa place de femme dans le BTP.
Article paru dans le n°105 de Béton[s] le Magazine.
Qui êtes-vous ? Quel a été votre parcours pour arriver dans le BTP ?
Je m’appelle Charlotte Piccamiglio et je suis présidente de l’Agence Tous Risques du Béton. Je suis arrivée dans le BTP par hasard. Quand j’étais jeune, je voulais être militaire. Ce n’était pas le BTP, mais ça reste un milieu masculin. J’ai eu des critiques sur ce projet-là.
J’ai commencé à travailler dans un petit magasin en montagne. Je fartais des skis de fond. J’ai changé d’emploi, car je devais déménager, projet qui n’a pas abouti. Un responsable d’exploitation d’une centrale à béton m’a dit, un jour : “je te vois bien faire du béton”. Dans la mesure où je ne savais pas ce que c’était et que j’avais besoin d’un emploi, j’ai accepté. Le défi était beau. Et j’ai eu raison : quelques années plus tard, j’ai monté mon entreprise pour former des centralistes.
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C’est l’Agence Tous Risques du Béton ?
Cela fait longtemps que je voulais créer ma boîte. Je voulais apporter de nouvelles solutions pour la formation des centralistes. Il y en avait très peu sur le marché et elles n’étaient pas optimales pour les centralistes qui, comme moi, se sont retrouvés jetés dans le grand bain un lundi matin ! De par mon expérience, je pensais pouvoir apporter des solutions plus adaptées au monde de l’entreprise et à ses contraintes opérationnelles, et faire grandir la formation de centralistes.
Comment s’est déroulée votre toute première expérience dans le BTP ?
Avant de commencer, j’ai fait un stage avec des chauffeurs de toupie. On m’a fait pomper du béton, on m’a mis en condition pour voir si je résistais à la pression. Ils ont licencié le centraliste le vendredi et je suis arrivée le lundi matin. Je n’avais pas d’appréhension, particulière, car je n’avais aucune idée de ce que pouvait être le secteur du BTP… Pourtant, la centrale a disjoncté au sens propre du terme, personne n’avait les clefs… Un beau baptême de feu. Je ne connaissais rien, chaque mot était nouveau. On me parlait de toupies, de 3,5 t, de cailloux, de silos qui ne s’ouvrent pas… Les cailloux, jusqu’à présent, je faisais des ricochets avec, c’est tout ! Je ne prenais pas la mesure des choses, j’avais évidemment peur de ne pas être à la hauteur. Mais l’équipe était top et ça s’est très bien passé.
Quels ont été vos premiers ressentis ?
C’était le Vietnam dans la tête. Il y avait beaucoup de travail, 6 camions, beaucoup de pompage à gérer. Je devais faire le planning, produire le béton, et tout le reste ! Il y avait des mots que je ne comprenais pas dans toutes les phrases de chacun de mes interlocuteurs. J’ai pris les choses une par une pour avancer, petit à petit et j’ai cherché des informations. J’ai aussi fait des “conneries” monumentales, mais jamais les mêmes. Avec ma bonne mémoire, j’apprends vite. Le fait d’être centraliste m’a permis de réussir à me poser, à prendre des décisions et à avancer.
Les femmes doivent-elles davantage prouver leurs compétences dans le BTP ?
Oui, et je pense qu’elles le font naturellement. Moi, je mets la barre très, très haut. On a envie de faire ses preuves et ça passe par le fait d’en faire plus. Il est nécessaire d’être plus technique, plus carrée, plus réactive. Il y a des machos, c’est sûr. L’humour permet aussi de désamorcer des situations. Il ne faut pas donner d’importance à certaines de leurs réflexions déplacées… Certains hommes ont du mal à accepter qu’une femme ait “un poste d’homme”. Il peut être difficile de faire ses preuves, mais une fois ce cap passé, c’est plus facile. Je ne joue jamais la séduction, j’ai envie qu’on me respecte professionnellement. J’ai envie qu’on me reconnaisse pour mes compétences. Les femmes et la mixité au travail restent des leviers de motivation.
Quels plus les femmes apportent-elles au BTP ?
Les femmes ont plus de facilité pour apaiser les tensions. Dans la communication, elles ont plus de compétences. Pardon, messieurs, mais les femmes savent faire plusieurs choses en même temps bien mieux que vous et c’est un avantage au travail. Cela apporte plus de fluidité, de polyvalence dans la communication. Un peu de tendresse dans un monde de brutes.
Le milieu du BTP reste très masculin. Mais avez-vous ressenti une évolution depuis votre arrivée dans le secteur ?
En effet, les femmes sont plus nombreuses dans le BTP, les esprits évoluent. Davantage de visibilité nous est offerte. Il y a de plus en plus de femmes conductrices de toupies par exemple. Et de très bonnes conductrices, loin du préjugé sexiste : “Femmes au volant, mort au tournant”. Il y a encore des réticents, ça progresse. Il faut continuer.
Qu’aimez-vous le plus dans votre métier ?
J’apprends tous les jours. C’est un milieu en constante évolution et tout est intéressant. Le béton est le plus gros coup de cœur de toute ma vie. Le hasard fait bien les choses. J’adore le métier de centraliste, mais les gens ne le connaissent pas. Il faudrait développer la visibilité. C’est un monde qui reste assez vieillot. Si on veut faire venir les jeunes, il faut réinventer notre manière de communiquer. Je pensais aux réseaux sociaux, notamment Tiktok.
Quels conseils donneriez-vous femmes qui veulent se lancer dans le BTP ?
Pas de faux ongles [rires]. On s’abîme les mains… Pour être plus sérieuse, c’est un magnifique métier. La plupart des histoires d’amour avec le béton sont le fruit du hasard. Il faut foncer.
Et si c’était à refaire ?
A fond ! J’ai toujours été chez des indépendants du BPE et j’ai vite appris. J’ai mis un niveau d’engagement très élevé. Je suis curieuse, j’ai toujours envie d’apprendre. Donc, je suis très heureuse d’être tombée dans cette voie-là.
Propos recueillis par Colin Rousselet et Frédéric Gluzicki
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