Depuis 1988, l’île de Ré est reliée au continent par un pont de 3 km. En septembre dernier, un câble de précontrainte extérieure s’est rompu. Pour le remplacer et vérifier l’état général du pont, plusieurs systèmes de mesure ont été mis en place. Un travail de sécurisation et de protocoles logistiques pointus.
Retrouvez cet article dans Béton[s] le Magazine n° 82
Afin de désenclaver l’île de Ré, les pouvoirs publics français réfléchissent à la construction d’un pont. En 1974, le projet se concrétise. L’ouvrage conçu par Bouygues reliera le port de la Pallice, à La Rochelle et la pointe de Sablanceaux. Construit en 20 mois, le pont de 3 km de long et 15,50 m de large est ouvert à la circulation, dès le mois de mai 1988. Et officiellement inauguré par Maurice Faure, ministre de l’Equipement de du Logement de l’époque, le 30 août 1988. Plus de trente ans après, la circulation ne faiblit pas.
Pour s’assurer du bon état de l’ouvrage, le Département de la Charente-Maritime réalise mensuellement des contrôles. C’est au cours d’une visite de routine, en septembre dernier, qu’il est constaté qu’un câble de précontrainte extérieure s’est rompu. « Le pont de Ré est composé de 6 viaducs, détaille Pierre-Marie Audouin-Dubreuil, directeur général des services du Département adjoint. Ce câble est situé dans le tablier de l’ouvrage. Au cœur des voussoirs, au niveau du viaduc n° 2, en partant de l’île de Ré. »
Une gestion des risques pointue
Il fait partie d’une nappe de 6 câbles dans cette partie du tronçon, sur les 218 qui composent le pont. Avec le concours de l’Iffstar, du Cerema, de Freyssinet et de Sixense, qui ont réalisé les calculs, l’analyse et l’opération. Un protocole de sécurité et une procédure d’urgence de remplacement du câble ont été mis en place. Les différents intervenants ont tout d’abord inspecté les zones d’ancrage de l’état initial des câbles de précontrainte par ultrasons. Au moyen de la méthode “Uscan”, brevetée par Sixense et l’Iffstar. Ce principe permet de détecter les ruptures de fils constitutifs des torons (composants du câble). Pour en appréhender la section résiduelle. Ces mesures d’auscultation ont été étendues aux deux premiers viaducs.
« Dans le câble rompu, la mousse de polyuréthane a stocké l’eau de construction du pont. Les fils d’acier qui sont solidaires ont fini par se corroder et se rompre». Mettre en sécurité les compagnons, qui interviennent sur ce chantier était une priorité pour le Département. En effet, la rupture soudaine d’un câble libère une forte énergie. Qui peut être très dangereuse en cas de présence humaine. Pour éviter toutes menaces, des capteurs acoustiques (Eversense, de Sixense) et un système de caméra ont permis de réaliser une surveillance continue pendant l’opération de remplacement.
Des torons protégés de manière individuelle
De plus, le comportement dynamique d’un câble de précontrainte extérieure, lors d’une rupture, a été modélisé, afin de mettre en place un système de retenue. Ainsi, des sangles de type poids lourd (près de 2 000) ont été installées pour relier les câbles du viaduc entre eux et limiter les risques de fouettement et de blessures. « On ne pouvait accéder au chantier qu’à pied, à 1 km de la culée de l’ile de Ré, explique Pierre-Marie Audouin-Dubreuil. En plus, il fallait tout porter à la main, sachant qu’un toron pèse dans les 350 kg ! » C’est pourquoi le nouveau câble a été acheminé par tronçons.
Ce dernier est constitué de torons gainés graissés, injecté au coulis de ciment avant mise en tension. Avec ce système breveté par Freyssinet en 1987, chaque toron est protégé de manière individuelle. Et les multi-couches de ce câble de précontrainte extérieure permettent de protéger l’acier contre la corrosion. « Après ce remplacement, toutes les restrictions de circulation ont été levées. Nous prévoyons, par précaution de changer deux autres câbles dans les prochaines semaines. » Enfin, d’ici la fin de l’année, l’ensemble du pont sera équipé de système d’auscultation.