A quoi bon optimiser l’étanchéité à l’air et maîtriser les transferts de vapeur, si le matériau isolant n’a pas été posé avec précision ? L’augmentation continue des exigences en matière de performance fait évoluer l’offre en outils de découpe, à la fois pour la sécurité de l’usager et pour la productivité des applicateurs.
Naguère, il arrivait que les palettes de plaques de plâtre soient livrées avec une visseuse pour ainsi dire en gadget. Du côté des isolants, c’était un peu pareil. Les outils manuels coûtent quelques euros et d’ailleurs, ils sont durables. Ce ne sont pas les poussières de la découpe, qui vont gripper un moteur, et la matière à découper n’use pas prématurément les outils. Fondamentalement,
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Une professionnalisation poussive
Souvenons-nous de l’époque récente où les isolants garnissaient nos combles sans pare-vapeur continu, engendrant parfois des ponts thermiques. Les essais d’infiltrométrie n’étaient guère pratiqués en France, et les caméras thermiques peu répandues. En matière d’isolation, le juge de paix était la conductivité thermique mesurée en laboratoire par le test de la plaque chaude gardée, dans des conditions stables qui n’avaient pas grand-chose à voir avec la réalité. Les temps ont changé et avec eux les outils, notamment de contrôle. Pour ce qui est des outils de découpe proprement dits, le marché évolue cependant lentement, pour plusieurs raisons.
Premièrement, les outils manuels communs sont très économiques, à défaut d’être suffisamment précis et sécurisés. Ensuite, il est difficile de mettre au point des solutions polyvalentes, convenant à la découpe de tous les types d’isolants courants. Enfin, sur un marché qui peine à se spécialiser et à se professionnaliser, il est délicat de mettre en avant les notions d’ergonomie, de sécurité, de productivité et de retour sur investissement. Sans même parler de la garantie de performance.
Une dynamique du Nord
Les fabricants et les règles professionnelles qu’ils contribuent à façonner conseillent vivement le recours à des masques pour juguler l’aspiration de fibres irritantes que la découpe des isolants minéraux pourrait générer, notamment en atmosphère confinée. Par contre, des outils de coupe à aspiration intégrée sont juste conseillés, sans doute par pragmatisme face à la réalité des pratiques, sur un marché qui est par ailleurs boosté actuellement par le vrac et autres actions d’isolation de combles perdus à 1€. C’est aussi parce que l’offre en outils adaptés tarde à se développer, un peu comme pour la question de l’antériorité de la poule ou de l’œuf. Pas d’exigences, pas d’outils. Pas d’outils, pas d’exigences. Et pourtant, timidement, la situation évolue à l’échelle européenne, sans doute à la faveur de l’activité d’isolation des pays du Nord, et notamment, de l’Allemagne, où la profession reconnue et structurée des charpentiers se charge couramment de travaux d’isolation. Maniant en permanence des outils électroportatifs sur les chantiers, dont la scie circulaire sur rail pour la découpe des panneaux, cette population professionnelle a tôt fait de l’appliquer à la découpe des isolants, pour en déduire que le développement de solutions spécifiques est requis. Surtout depuis que les épaisseurs de plus en plus importantes des panneaux poussent les scies circulaires polyvalentes dans leurs retranchements, à la fois en termes de profondeur de coupe et de capacité d’aspiration.
De fil chaud en aiguille
L’histoire de la découpe des isolants commence sans doute avec le merveilleux outil du fil chaud, qui permet de débiter des panneaux en PSE à partir d’un bloc expansé. De fait, les installations industrielles sont un moteur d’innovation. Ainsi, ces dernières années, l’apparition des prémurs isolants a thématisé l’automatisation de la découpe des isolants intégrés aux fameux “carrousels”. En commençant par la question de la simple découpe au format demandé, et variable, et en passant par la question de la polyvalence de l’outil de découpe, les recherches se poursuivent pour doter les lignes de production de solutions robotisées qui vont jouer demain leur rôle dans la préfabrication de panneaux sandwich, d’élément à ossature bois ou de systèmes de vêtures isolantes. Parallèlement à cette poussée de l’automatisation, le secteur de l’ITE a stimulé le développement du façonnage tridimensionnel d’éléments isolants à fonction décorative. D’une part, il est apparu que l’on peut certes emmitoufler un ouvrage de façon efficace, mais souvent au prix de l’animation architecturale de ses façades. A moins de transformer et d’adapter des solutions isolantes à base de panneaux, pour leur permettre d’épouser les lignes du support de la façade. Voire de les suggérer, notamment dans le cadre d’habillages linéaires ou modénatures qui remplissent aussi la fonction de juguler les ponts thermiques au droit des planchers en béton.
Matière à réflexion
La gamme des outils professionnels de découpe des isolants proposée sur le marché est aussi vaste que les métiers de l’isolation et les matériaux divergent. L’ITE, l’ITI, le chauffage par le sol disposent de ses solutions spécifiques, plus ou moins polyvalentes. Ainsi, l’utile Canalcut d’Edma Outillage est indispensable pour rainurer les isolants, qui accueillent les serpentins chauffants, mais sert aussi à créer toute gaine technique associée à un isolant de tout type. Le marché le plus élaboré et riche est associé à la façade ITE et au polystyrène. On y rencontre une grande amplitude de solutions, allant du pistolet cutter fil chaud à la table verticale. Les enjeux principaux sont : l’encombrement sur échafaudage et partant, le poids ; l’alimentation avec l’émergence des solutions autonomes. Il se trouve que l’évolution réglementaire implique le recours au moins complémentaire à des isolants minéraux qui nécessitent d’autres outils spécifiques, où on retrouve, dans le cas de l’ITE, les mêmes enjeux d’encombrement, de poids, d’alimentation. Le marché se subdivise en fournisseurs spécialisés, gammistes et industriels de l’isolation, proposant un outil spécifique à leur enseigne, à l’instar de Capatect. Ainsi, Knauf a tenté avec sa Fusio Cut une solution de synthèse polyvalente à fil chaud, multi-marchés. L’outil est proposé avec trépied, pédale de commande, caisse de rangement, ressorts, fils de rechange, et son encombrement est de près de 2 m, un peu comme les tables de découpe professionnelles de l’Allemand Inotec. Le Suisse Dosteba (fournisseur de Zolpan, entre autres) s’efforce de réduire l’encombrement avec des tables sans trépied, à mettre en appui contre un mur ou l’échafaudage. En France, Edma Outillage ou l’Alsacien Nesta se positionnent sur une gamme de solutions un peu plus économiques et adaptées à leur marché. Les laines minérales ont longtemps été, en comparaison, le parent pauvre, mais on note tout de même la présence de dispositifs dérivés dans leur approche de la table de découpe verticale. Dosteba propose tout comme Nesta un dispositif spécialement adapté, mais forcément volumineux pour la découpe précise des laines minérales en rouleaux. Chez Nesta, le Coupisol est une solution complète avec aspirateur associé. Enfin, notons l’apparition d’outils spécifiques pour la laine de bois. A ce titre, Steico accompagne le lancement de sa solution de découpe, Isoflex Cut, de la publication d’une brochure, qui synthétise les outils actuellement disponibles.
Solution complète
La découpe des isolants avance aujourd’hui, en majeure partie, sur le terrain des outils de chantier, grâce aux initiatives allemandes de Mafell et de Festool. C’est Mafell, le fournisseur attitré des charpentiers, qui a initié le mouvement, en lançant un outil portatif, d’un poids de 8 kg doté d’une chaîne spécifique adaptée à la fois à la découpe de fibre de bois souple ou rigide, mais aussi des isolants fossiles. L’outil témoigne enfin d’une approche sérieuse de l’enjeu. Livré dans un coffret, l’outil se pense en association avec la table de scie dédiée ST1700 Vario. La profondeur de coupe importante répond non seulement aux attentes d’un marché qui avance logiquement vers les épaisseurs du niveau d’isolation passif, mais permet également d’exploiter l’un des atouts déterminants de cette scie, qui est la coupe en biais.
Le créneau du sans fil
Tandis que la scie DSS 300 cc de Mafell s’impose comme la solution la plus aboutie sur le créneau des outils électroportatifs filaires, Festool a investi, de son côté, le segment des solutions à batterie. Le poids de l’outil ISC240 (240 mm de profondeur de coupe) a été ramené à moins de 2,5 kg avec batterie. Le prix, identique dans toute l’Europe, est ramené à 400€ en standard hors accessoires. Le principe de base est d’adapter une approche de type alligator à un guidage sur rail de scie circulaire. Selon la nature des isolants, il peut être nécessaire de changer la lame et de passer à une découpe plongeante, notamment dans le cas des isolants fossiles. En complément, une utilisation à main levée est également possible. En France, la présentation du prototype à des clients ciblés s’est faite dès le printemps 2016, avec un lancement commercial deux ans plus tard, comme l’explique Patrick Blandin, responsable promotion des ventes chez Festool. L’outil convient indifféremment aux droitiers et aux gauchers, avec la même sécurité d’emploi basée sur le principe de la double impulsion. Patrick Blandin remarque l’arrivée de clients inattendus, comme les chauffagistes qui souhaitent ajuster les isolants de leurs systèmes de chauffage rayonnant au millimètre près.
En atelier ou sur site, le basculement vers des outils de coupe professionnels, dédiés et ergonomiques, est sans doute proche, mais pas encore au point que le recours aux outils tranchants manuels en soit manifestement “ringardisé”. En attendant, les outils dédiés agissent comme une forme d’accréditation et viennent à point sur un marché qui manque de main d’œuvre.
Jonas Tophoven
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