Trois garanties spécifiques “construction” et deux garanties de “droit commun” s’appliquent aux ouvrages livrés. Détails avec le cabinet 1792 Avocats.
Article paru dans le n° 95 de Béton[s] le Magazine
Il existe trois garanties spécifiques au droit de la construction et deux garanties de droit commun, qui s’appliquent aux ouvrages livrés. Il peut être délicat de les distinguer. Les voici en conséquence détaillées. Ces dernières ne couvrent pas nécessairement les mêmes désordres, et le régime de preuve en découlant varie.
La garantie de parfait achèvement (1 an)
La garantie de parfait achèvement est prévue par l’article 1792-6 du Code civil et concerne uniquement les désordres signalés par le maître d’ouvrage par des réserves mentionnées par écrit sur le procès-verbal de réception. Ou signalés par écrit postérieurement à la réception, dans le cas où ils seraient apparus à postériori. Pour mémoire, la réception peut être tacite, par prise de possession des lieux et paiement de l’intégralité du prix.
Lire aussi :
Juridique : L’obligation de sécurité-résultat de l’employeur
Cette garantie court pendant un délai de 1 an à compter de la réception. Elle est soumise à une présomption de responsabilité de l’intervenant. C’est à lui que reviendra d’apporter la preuve, si des désordres apparaissent, qu’ils ne proviennent pas d’une mauvaise réalisation.
La garantie de bon fonctionnement (2 ans)
La garantie de bon fonctionnement est prévue par l’article 1792-3 du Code civil. Et concerne les éléments d’équipement qui peuvent être enlevés, démontés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage ou lui enlever de la matière : par exemple, un ballon d’eau chaude, des volets, un interphone ou des cloisons mobiles. Elle court pendant un délai de 2 ans à compter de la réception des travaux. Elle aussi, est soumise à une présomption de responsabilité de l’intervenant.
La garantie décennale (10 ans)
La garantie décennale est prévue par les articles 1792 à 1792-2 du Code civil.
Elle concerne :
• Les dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage construit ou réalisé : par exemple, des effondrements partiels ou totaux, des fissures importantes.
• Les dommages qui rendent l’ouvrage construit ou réalisé impropre à sa destination, en l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement. Par exemple, des : défauts d’étanchéité ou des fuites de canalisations encastrées.
• Les dommages qui affectent la solidité des éléments d’équipement d’un bâtiment, lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité (eau, électricité, gaz, eaux usées), de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert. Il s’agit donc des cas où la dépose, le démontage ou le remplacement d’un élément d’équipement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de l’ouvrage : par exemple, une installation électrique non conforme ou une pompe à chaleur défaillante.
Cette garantie court pendant 10 années à compter de la réception des travaux. Elle est aussi soumise à une présomption de responsabilité de l’intervenant.
La garantie de droit commun (5 ans)
La garantie de droit commun est prévue par les articles 1221 et 1231-1 du Code civil. Elle est de droit commun en ce qu’elle est applicable à toutes les situations contractuelles où les trois garanties précitées ne peuvent être appliquées. Elle n’est donc pas spécifique aux opérations de BTP.
Lire aussi :
Juridique : La gestion environnementale des chantiers
Elle couvre les désordres non apparents à la réception (ou apparents, mais non-signalés dans un délai d’un an), qui ne portent atteinte ni à la solidité, ni à la destination de l’ouvrage. Elle ne concerne pas les éléments d’équipement pouvant être enlevés, démontés ou remplacés. Et ce, sans détériorer l’ouvrage, comme par exemple, des fissures ponctuelles et des infiltrations mineures. Il s’agit d’une responsabilité pour faute. Ce qui signifie que ce sera au commanditaire – maître de l’ouvrage, maître d’œuvre dans certains cas, entreprise ayant sous-traité – de démontrer en quoi les travaux ont été mal réalisés. Elle court pendant 5 années, à compter de la réception des travaux, comme toute action de droit commun portant sur un bien.
La garantie au titre de l’obligation de conseil et d’information (5 ans)
L’obligation de conseil et d’information est une création jurisprudentielle qui impose à de nombreux professionnels, y compris les maîtres d’œuvre ou les intervenants, de conseiller leur client quant à la prestation demandée. Ceci notamment sur sa faisabilité, sa solidité, ses potentiels effets sur l’existant, sur le choix des matériaux et sur les techniques de soin et d’entretien auxquelles il faudra avoir recours. Comme la garantie de droit commun, cette responsabilité relève des articles 1221 et 1231-1 du Code civil.
Elle constitue néanmoins une source autonome de responsabilité, de sorte que l’échec d’une action en réparation des désordres de construction ne préjuge aucunement de celui de la demande formée du fait d’un manquement à l’obligation de conseil et d’information. C’est la personne sur qui pèse cette obligation qui doit démontrer qu’il y a bien satisfait. Et le fait que le commanditaire ou le maître de l’ouvrage soient des professionnels ne la dispense pas de son obligation. Cette garantie court pendant 5 années à compter de la réception des travaux.
Pierre Lacoin
Avocat à la Cour Cabinet 1792 Avocats