Laure Rousselet, 24 ans, est conductrice de travaux ingénieure diplômée. Elle raconte son quotidien, notamment son rapport avec les compagnons.
Article paru dans Béton[s] le Magazine n°105
Avez-vous toujours eu envie de travailler dans le bâtiment ?
Je voulais être décoratrice d’intérieur. Mais on m’a dit : « C’est dommage, tu te restreins ». J’ai élargi mon projet d’avenir pour rester dans le bâtiment. Et puis, mes stages m’ont amenée à faire ce que je fais aujourd’hui.
Quelles ont été vos premières expériences dans le secteur du BTP ?
En école d’ingénieurs, j’ai fait un stage ouvrier dans les travaux publics. Pelle, rateau et au boulot. Pour la 2e année, j’ai réalisé un stage en conduite de travaux dans le bâtiment. J’y suis restée pour mon stage de fin d’études, avant d’y être embauchée.
Aviez-vous des craintes sur le secteur ?
Même s’il y a de plus en plus de femmes, c’est un secteur masculin. J’avais des craintes, surtout avant mon stage ouvrier. Quand je suis arrivée, je me suis dit : « Il n’y a que des mecs, comment vont-ils réagir ? ». J’avais peur de me prendre des réflexions sexistes. Mais tout s’est très bien passé. Ce n’est pas parce que ce sont des hommes qu’ils sont irrespectueux. Le fait d’être intéressée fait qu’ils ont envie de nous apprendre plutôt que de nous rabaisser. Après, tout dépend des hommes en face. Je n’ai jamais été confrontée à un homme réticent de travailler avec moi. En tout cas, pour l’instant. Et j’espère que ça va durer.
Comment avez-vous abordé le management des compagnons ?
Ma première vraie interaction, c’était les quarts d’heure sécurité. J’étais très intimidée de devoir parler devant des hommes, de tout âge, qui ne parlent pas tous bien le français… J’avais l’impression de ne pas avoir le droit de leur exposer les choses. Je me suis dit : « Laure, tu n’as jamais pris un marteau dans tes mains, tu vas aller leur dire ce qui est bien ou pas ». Il n’y a eu aucun souci. Pour mon dernier stage, j’étais “cheffe” sur l’un des bâtiments du site. Ils ont tout de suite accepté qu’une femme les dirige. C’est clair que si je m’étais dit : « Je suis une femme, pour me faire respecter, je dois gueuler partout » et que je parle mal aux compagnons, ça ne marchera pas. Ce sont des humains, pas des machines. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’excès inverse. Je dois trouver le juste milieu en étant sûre de moi. Parfois, j’avais l’impression que des compagnons me jugeaient. Mais ils voient que je suis bienveillante et à l’écoute. Il ne faut pas oublier que c’est une collaboration.
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Est-ce qu’une femme doit davantage prouver sa compétence ?
Une chose est sûre, je dois faire preuve de confiance en moi. Il faut montrer mes connaissances au bon moment, pour prouver que je connais le sujet. Je n’ai pas intérêt à “merder”. Quand le compagnon est managé par un conducteur de travaux, il va se dire que c’est un ancien compagnon. Pour une femme, il va penser : « C’est sûr, elle n’a jamais touché à un marteau-piqueur ». Même si je n’ai jamais manipulé certains outils, je peux donner des consignes, je suis légitime. Tout s’est toujours bien passé. Je ne sais pas si c’est de la chance ou si je l’ai provoqué. Je pense que c’est un peu des deux.
Quels plus apportent les femmes au BTP ?
Je pense que les femmes sont plus organisées que les hommes. Il y a aussi une façon de communiquer différente avec les compagnons. Des fois, on me dit : « Mais il a fait ça parce que t’es une fille » et ça m’énerve ! Mais je pense que parfois, c’est vrai. Ajouter de la féminité dans une équipe de conducteurs de travaux, c’est bénéfique. C’est une autre façon d’aborder les choses. Les hommes se remettent aussi en question. Après, il y a du bon à prendre chez tout le monde.
Quel est votre conseil pour les jeunes filles qui veulent travailler dans ce secteur ?
Ne pas hésiter à saisir les opportunités. C’est formateur, au plan personnel comme professionnel. Travailler dans le BTP m’a donné plus de connaissances, mais aussi plus de confiance en moi. Je dirai aussi aux jeunes filles que pour être conductrice de travaux, s’il y a du respect, de l’intérêt, tout devrait bien se passer.
Propos recueillis par Colin Rousselet