De nouveaux types de ciments, des technologies de rupture, davantage de combustibles alternatifs, la valorisation des déchets et des sous-produits, le stockage du CO2… L’industrie cimentière veut passer à la vitesse supérieure et prévoit – 80 % d’émissions de CO2 d’ici 2050.
Les enjeux écologiques, démographiques et de la préservation des matières premières nous touchent de plus en plus. En témoignent les 2 millions de signataires de la pétition “l’affaire du siècle”, qui propose d’attaquer en justice l’Etat français pour qu’il respecte ses engagements climatiques… Cette prise de conscience collective affecte aussi les industriels, pour certains depuis des années, les poussant à mettre en œuvre de nouveaux process de fabrication ou à investir dans des technologies innovantes. En quête d’un cercle vertueux, l’industrie cimentière souhaite drastiquement diminuer ses émissions de gaz à effet de serre, tout en répondant présente aux défis de l’urbanisation et des infrastructures nécessaires à sa mise en place. Selon l’ONU, 2 personnes sur 3 habiteront dans des villes ou centres urbains en 2050. Dans le secteur du ciment, la part des émissions de gaz à effet de serre est de l’ordre de 5 %1 à l’échelle mondiale et de 2,9 % sur le territoire français. Il est observé que depuis l’ère pré-industrielle, le climat mondial s’est réchauffé d’environ 1 °C. Au rythme actuel, il pourrait atteindre + 1,5 °C entre 2030 et 2052 et + 3 °C d’ici 2100. D’après le rapport publié par le groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, qui a servi de base scientifique pour les discussions de la COP24, « pour rester sous le seuil du 1,5 °C, il faut réduire de 45 % les émissions de CO2 d’ici 2030 et parvenir à un solde net de 0 (entre ce qui est émis et ce qui est absorbé) aux environs de 2050 ».
Une réduction de 80 % des émissions de CO2
Calé sur cet objectif, le Syndicat français de l’industrie cimentière (Sfic) a annoncé mettre en œuvre différents projets pour réduire de 80 % les émissions de CO2 du secteur à l’horizon 2050, par rapport à 2016. « L’industrie cimentière est engagée depuis des décennies dans une démarche d’écologie industrielle, explique Bénédicte de Bonnechose2, présidente du Sfic. Gestion raisonnée de la ressource, économie circulaire, nouvelles technologies, recherche et développement… ont permis au secteur de réduire de 40 % ses émissions de CO2 en 30 ans. Elle entend poursuivre aujourd’hui ses efforts pour limiter encore plus l’empreinte carbone liée à son activité et continue de donner la priorité aux enjeux de la transition énergétique. » Ainsi, plusieurs moyens ont été mis en œuvre. Selon ses propres études, en 2017, l’industrie cimentière utilisait pour ses fours 44 % de substituts aux combustibles fossiles et a valorisé près de 2,5 Mt de sous-produits ou de déchets pour remplacer partiellement des matières premières ou du clinker. Si ces principes vont continuer et même s’accentuer, l’émergence de nouveaux types de ciments et des technologies de rupture à l’image de la capture du CO2 à moyen terme, doivent accompagner les objectifs de l’industrie cimentière.
Vers de nouveaux ciments
C’est dans cette dynamique qu’est né le Cement Lab l’année dernière. « Le but, ici, est d’encourager et de rassembler les initiatives, qui permettront de répondre aux enjeux de la transition numérique, énergétique et du développement durable. »
Concernant les nouveaux ciments, quelques-uns seront prochainement mis sur le marché et seront inclus dans la norme ciment EN 197-1, aujourd’hui en révision. Notamment les CEM II/C-M (M pour mélange) et les CEM VI, d’ici à 18 mois, « qui permettraient d’obtenir des performances mécaniques et de durabilité analogues aux ciments actuels, mais avec une réduction d’empreinte environnementale de 35 à 65 % par rapport au CEM I, le ciment utilisé pour les ouvrages d’art », souligne Laurent Izoret, directeur délégué produits et applications chez l’Atilh. Les LC3 (Limestone Calcined Clay Cement) seront aussi bientôt mis en circulation (d’ici 24 à 36 mois). « Composés de clinker, de calcaire et de métakaolin, ces ciments ont une résistance physique supérieure à celle des ciments actuels et une empreinte environnementale réduite de 35 à 40 % par rapport au CEM I. »
D’autre part, les recherches autour des nouveaux clinkers (projet EcoBinder), du recyclage et de la carbonatation des bétons pour piéger et stocker le CO2 avec le projet FastCarb, contribueront à maintenir le cap du “très bas carbone”.
Sivagami Casimir
1Chiffre communément admis, mais certaines sources, comme l’International Energy Agency, parlent de 7 %.
2Bénedicte de Bonnechose a quitté ses fonctions de présidente du Sfic fin novembre 2018.