Pour la Maison de la Corée du Sud, un couple franco-coréen d’architectes a conçu un bâtiment lumineux dans un environnement proche hostile, en raison de la présence du périphérique parisien et de la ligne B de RER. C’est le béton qui a été mis en œuvre dans cet ouvrage, mariant la préfabrication et le coulé en place, avec de nombreux points singuliers.
Retrouvez cet article dans le hors-série n°23
« On s’est marié très vite sans trop se connaître », commente Pierre Boudon, architecte chez Canale3. Le concours pour la Maison de la Corée du Sud, au cœur de la Cité universitaire de Paris (XIVearrondissement) avait imposé des équipes mixtes : architectes français et coréens. « J’ai regardé les sites web pour voir ceux, qui avaient une écriture architecturale qui aurait pu se conjuguer avec la nôtre. Une taille et une manière de travailler comparable et une approche semblable des matériaux».
Canale3 a donc choisi de faire équipe avec Moongyu Choi + Ga.A Architects, basé à Séoul, en Corée du Sud. Une alliance pour concevoir un bâtiment contenant 250 chambres pour étudiants, 20 logements et des équipements collectifs comme un restaurant, un foyer étudiant, des salles polyvalentes, des espaces collectifs.
Un programme dense à inscrire dans un espace restreint. Formant un quadrilatère irrégulier regardant au Nord le parc de la Cité universitaire. Mais surtout, bordé au Sud par le bruyant périphérique. Et à l’Ouest par le tunnel de la ligne B du RER, à 7 m du bâtiment. Invisible, mais générateur de vibrations.
Le béton, langage commun
« Les architectes coréens font tous leur pèlerinage en France, qu’ils considèrent comme la patrie du béton, explique Pierre Boudon. Nous voulions mettre en œuvre un matériau beau, dur et résistant à l’extérieur, avec une isolation par l’intérieur.» C’est sous ces deux espèces – coulé en place et préfabriqué – que ce béton fédérateur a été utilisé. Sachant que la technique de préfabrication est peu utilisée en Corée du Sud.
« Au vu des limites du terrain, nous avons organisé une trentaine de chambres par niveau sur 8 étages. Avec une distribution très classique du couloir central, en forme de boomerang, avec des chambres de chaque côté». Les architectes se sont efforcés de placer un minimum de chambres côté périphérique. Etant le côté le plus bruyant, la majorité des chambres regardant le parc.
Hors les cuisines et restaurants d’étage – tous les deux niveaux -, placés côté périphérique, les équipements collectifs ont été installés dans deux niveaux de rez-de-chaussée : haut et bas. Ce dernier est à semi-enterré et desservi par de larges degrés.
Une double boîte
« Les contraintes en matière d’acoustique et de vibration étaient d’autant plus importantes qu’il y avait des locaux en sous-sol. Ainsi que des salles de répétition, de travail et de réception », explique Camille Kapron, responsable du pôle résidentiel et projets mixtes de la branche Arcoba d’Artelia1. Et François-Régis de Bailliencourt, conducteur de travaux principal chez Eiffage Construction Habitat, responsable du chantier, de préciser : « En temps normal, les boîtes à ressort sont installées entre l’infrastructure et la superstructure. Ici, il a fallu prendre des dispositions particulières ».Quelque 150 boîtes à ressort verticales ont été disposées au-dessus des 90 têtes de pieux, nécessaires pour fonder le bâtiment.
Quelque 300 autres boîtes à ressort ont été disposées horizontalement. Entre un voile périphérique d’infrastructure en béton de 25 cm d’épaisseur et deux poutres périphériques préfabriquées. Le premier est solidaire de la dalle du rez-de-chaussée bas, et le second, de la dalle du rez-de-chaussée haut. « Il a fallu attendre que le tassement du bâtiment ait atteint les deux tiers du tassement admissible. Afin d’éviter la torsion des têtes des ressorts horizontaux pour les mettre en service. En attendant, le voile périphérique avait été butonné », précise François-Régis de Bailliencourt. Les parois du rez-de-chaussée bas ont ensuite été réalisées en blocs béton pleins.
Une dalle suspendue
Le niveau d’accueil, celui du rez-de-chaussée haut, a été l’objet d’une structure originale. Les architectes ont souhaité y réaliser un plafond en béton brut de l’ordre de 500 m2, sous le R+2. « Il fallait à la fois obtenir une surface de coffrage la plus lisse possible et limiter le nombre de coulages pour restreindre les reprises», commente François-Régis de Bailliencourt. Le coffrage présentait une peau recouverte de lés de PVC de 2,50 m soudés entre eux. Il était supporté par des tours d’étaiement de 5 à 12 m de hauteur.
Sur cet ensemble, 10 cm de béton auto-plaçant ont été coulés, en 3 étapes. « Il avait fallu au préalable créer les réservations pour les luminaires et les engravures pour les murs-rideaux de l’étage inférieur». Au-dessus de cette dalle “suspendue” ont été coulées des poutres de 60 cm de hauteur formant un quadrillage, avec des réservations. « Nous avons ensuite mis en place au-dessus 35 prédalles préfabriquées sur le chantier, explique François-Régis de Bailliencourt. Nous avons ainsi pu réaliser des éléments “sur mesure” et nous affranchir des problèmes de transport. »
L’espace entre les deux dalles ménage un vide technique de 60 cm. Camille Kapron précise « Cet espace a permis de dévoyer toutes les chutes et tous les approvisionnements fluides. Depuis le sous-sol qui monte au niveau des gaines des chambres ».
Préfabrication : un béton dépolluant
Plusieurs façades du bâtiment ont fait appel à la préfabrication : des éléments autant-portants et des planchers. Pour la façade Est, une partie de la façade Sud et suspendus pour la façade Ouest. « Canale3 nous a demandé un béton blanc et dépolluant. Identique dans les deux configurations, avec un calepinage sur mesure, explique Didier Gazeau directeur du développement Bétomur chez Soriba. Nous avons une solide expérience à la fois de la régularité colorimétrique et du béton développé par Ciments Calcia. Il n’y a pas de problème si l’on anticipe. Cela a été nécessaire pour assurer le transport des panneaux, dont les plus importants mesurent 4,20 m x 7 m. »
Le point un peu compliqué a été « d’obtenir le même blanc, mais avec un autre matériau, le Bfup des bandeaux de 40 cm à 1 m de hauteur voulus par l’architecte pour habiller les linteaux en décaissé et cachant les mécanismes des volets extérieurs de la façade Ouest », précise Didier Gazeau.
En revanche, les volets coulissants prévus pour les chambres de la façade Ouest n’ont pu être réalisés. Proposés par l’entreprise, ces équipements composites, étaient constitués de deux feuilles de béton dépolluant englobant une structure en nid d’abeille, en matériau issu du verre. Cette solution a été recalée par le CSTB. Faisant l’objet d’une procédure Atex, le sandwich a présenté, à la coupe, un défaut de cohésion entre les deux matériaux. « Nous n’étions que des exécutants de Stone Morangis, conclut Didier Gazeau. C’est dommage. Nous avons essayé plusieurs techniques, dont une marchait très bien. Mais ce n’est pas celle, qui a été testée par le CSTB… »
Michel Roche
1A présent, Camille Kapron est directeur de l’ingénierie et des grands Projets chez Arcadis Bâtiment France.
Le ciment dépolluant commence à percer
« C’est en 2000 que s’est déroulé le premier chantier en béton “dépolluant ”, utilisant le ciment Calcia qui lui confère cette propriété, explique Roland Merling, responsable prescription de Ciments Calcia. Au début, il n’a pas éveillé l’intérêt des maîtres d’ouvrage, mais les choses sont en train de changer. Et nous avons plusieurs chantiers en cours ou en projet. » Breveté par Ciments Calcia, dénommé Ultra Active, ce produit utilise un processus naturel de photocatalyse, élimine les NOx, les COV... « Il ne pose aucun problème de mise en œuvre et offre les mêmes performances à 28 j », assure Roland Merling.
Repères
Maîtrise d’ouvrage : Association de la Maison de la Corée du Sud
Mandataire : Scet
Architectes : Canale3 (France) et Moongyu Choi + Ga.A Architects (Corée du Sud)
BET : Artelia
Entreprise générale : Eiffage Construction
Préfabricant : Naullet (groupe Soriba)
Surface totale : 7 858 m2
Montant des travaux : 18,5 M€ HT