En décembre 2019, le Conseil européen adoptait l’objectif de la neutralité carbone en 2050. En termes d’investissements pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le secteur des matériaux reste à la traîne face aux ambitions environnementales.
En décembre 2019, le Conseil européen adoptait définitivement l’objectif de la neutralité carbone en 2050. Presque 5 ans après les Accords de Paris. Le palier intermédiaire, fixé à 2030 entend s’approcher d’une réduction de – 50 % des émissions de CO2 par rapport à 1990. En Europe, la route pour atteindre ces ambitions et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au lieu de 2 °C est encore longue. Et particulièrement pour le secteur des matériaux. Dans son rapport, l’organisation mondiale CDF (Carbon Disclosure Project) fait le point sur les avancées, les investissements et les freins que rencontrent les entreprises et industriels européens.
« En 2019, les émissions de gaz à effet de serre ont encore une fois atteint de nouveaux records, explique Steven Tebbe, directeur de CDP Europe. Tous les ans, nous échouons à décarboner les process industriels. » Pour l’organisme, cet échec va autant impacter le climat que l’économie mondiale. « La différence entre 1,5 °C et 2 °C se chiffre à environ 13 500 Md€ de dommages… Pas loin du PIB de l’Union européenne. » Les entreprises et industriels – tous secteurs confondus – présents dans le rapport du CDP représentent 76 % de la capitalisation boursière de l’UE. « Ils ont un rôle majeur à jouer dans l’accomplissement des objectifs de neutralité carbone. »
2,4 Gt d’émissions de gaz à effet de serre économisées
En effet, l’année dernière, les investissements dans le bas carbone – 124 Md€, en 2019 – permettraient d’économiser 2,4 Gt d’émissions sur le long terme. « L’équivalent des émissions annuelles combinées de l’Allemagne, de la France, de l’Italie, de la Pologne et du Royaume-Uni. » Des chiffres tout de même insuffisants pour atteindre les objectifs de 2050. Pour y arriver, ces acteurs devraient doubler leurs ambitions, selon le CDP. Sur la totalité des investissements recensée par l’organisme, le secteur des matériaux (ciment, chimie, métal, industrie minière et acier) est à la traîne. Près de 50 % des investissements sont portés par le secteur du transport, 38 % par l’énergie et seulement 5 % par les matériaux. Un dernier segment pourtant responsable de 35 % des émissions directes.
Pour le CDP, les principaux freins observés restent les coûts élevés de bascule vers des procédés industriels plus propres. De plus, les investissements dans des matériaux alternatifs ou avec de meilleures qualités environnementales, ainsi que le recours à des systèmes de capture de gaz à effet de serre et à des énergies, tels que l’hydrogène – trop onéreux – restent souvent à l’état de R & D, sans vraiment se démocratiser. Pour LafargeHolcim par exemple : « Le CCUS1 demande de gros investissements pour l’installer dans des opérations directes. Mais aussi, des investissements conséquents “le long de la chaîne de valeur” combinés à des collaborations multi-disciplinaires. Cela inclut un renforcement de la régulation et du tarif du carbone ».
Redoubler d’efforts
Les industriels ont tout de même investi près de 543 M€ à l’échelle européenne dans les matériaux alternatifs, principalement dans les domaines du ciment, de l’acier, du plastique et de la chimie. Avec les données récoltées, le CDP a pu réaliser une estimation du temps moyen de retour sur ces investissements. Ainsi, les industries du ciment, de la chimie et de l’acier pourraient rentabiliser leurs dépenses sur 5,9 ans. Le métal et l’exploitation minière tourneraient plutôt autour de 3,3 ans.
Une dizaine d’années nous sépare du 1er palier de l’objectif de 2050, pour seulement arrondir les angles du réchauffement climatique. Selon les prospectives actuelles, la courbe vers le zéro carbone demande un effort considérable aux entreprises et industriels. Reste à savoir si ces acteurs, mais aussi les Etats à l’échelle mondiale, voudront payer le prix que leur réclame la planète.
Sivagami Casimir
1Carbon Capture, Utilisation and Storage.