Naours : Graffitis et bas-reliefs de la Grande Guerre

Muriel Carbonnet
27/05/2020
Modifié le 16/05/2022 à 18:00

Au Nord de la France, dans la pénombre de galeries souterraines, parois et pierres se font encore aujourd’hui l’écho des âmes des soldats, qui combattirent sur le front Ouest durant la Première Guerre mondiale.

Salle des anciennes carrières de Naours, rebaptisée "Salle des fêtes" par l'abbé Danicourt. [©Dominique Bossut]
Salle des anciennes carrières de Naours, rebaptisée “Salle des fêtes” par l’abbé Danicourt. [©Dominique Bossut]

Le scénario : dans les Hauts-de-France, des labyrinthes de calcaire, des graffitis, des bas-reliefs, un archéologue et un photographe. Mis à jour pour la première fois en 2013 à Naours, dans la Somme, puis dans plusieurs carrières ou cavités de la région, des graffitis et des bas-reliefs réalisés par des soldats, photographiés ici par Dominique Bossut, constituent des témoignages uniques de combattants français, britanniques, australiens, allemands, canadiens ou américains. Après plusieurs années d’enquête et de recherche, l’archéologue Gilles Prilaux nous présente dans l’ouvrage “Graffitis & bas-reliefs de la Grande Guerre. Archives souterraines de combattants” ces écrits fragiles et intimes, ces brèves esquisses patriotiques, réjouissantes caricatures ou monumentales sculptures. Il nous restitue leur histoire et, à travers elle, le parcours de soldats livrés à eux-mêmes dans la solitude et le silence de la terre. Un fantastique voyage dans les souterrains de la Grande Guerre, sur les traces d’un patrimoine exceptionnel.

Tout au fond de la carrière de Dreslincourt (60), un boyau de craie est le témoin d'inscriptions de soldats allemands sur le plafond du couloir.
Tout au fond de la carrière de Dreslincourt (60), un boyau de craie est le témoin d’inscriptions de soldats allemands sur le plafond du couloir.

 « Sous les forêts, les champs et les maisons se cachent les témoignages d’une histoire tue, des vies secrètes volées à leur destin, de voix longtemps silencieuses, des signes qui bientôt pourraient s’effacer : des rictus de la Grande Guerre. » L’humus les protège, près de entrées les lichens tentent de les recouvrir. Plus à l’écart, seule l’ombre portée ou l’éclairage rasant permettent de déchiffrer les lettres et les signes, de lire ces messages.

Des souvenirs précieux

Des tonnes de matériaux de construction, de remblais, de rejets pierreux ont été retirées du substratum. On les retrouve encore aujourd’hui dans le paysage : murs d’enclos, surfaces de cheminement… Près d’un hameau, après une longue marche sous terre, là où les galeries se font tour à tour ouvertures de géants, tour à tour chatières, les parois se font signes. C’est pour eux que l’archéologue, Gilles Prilaux, est venu, suivi ou précédé du photographe, Dominique Bossut.

A Naours, des espaces d'expression artistique sont très réduits, mais contiennent beaucoup de données : noms, initiales, dates, villes, pays d'origine.
A Naours, des espaces d’expression artistique sont très réduits, mais contiennent beaucoup de données : noms, initiales, dates, villes, pays d’origine.

Les mots et les chiffres sont dessinés ou gravés, les images et les bas-reliefs sont plus rares. Ils restituent une histoire, des histoires, d’hommes qui déclinent une identité, qui expriment leur foi, qui reflètent la guerre, la nostalgie ou l’attachement à une nation. « Il fallait, dans ce dédale de galeries calcaires, connues ou inaccessibles, retendre un fil, celui qui relie les générations entre elles et les histoires à l’Histoire. » Ce livre est un programme visuel, mais aussi scientifique, qui vise à préserver ces témoignages venus d’un autre temps par l’étude.

Gilles Prilaux s’est longtemps interrogé sur les raisons, qui avaient poussé les soldats à vouloir laisser tant de traces écrites, dessinées ou sculptées sur les parois sombres de souterrains du Nord de la France. Il est apparu que, selon les origines géographiques et sociales de combattants, le traitement, le mode d’expression et le contenu de ces témoignages révélaient des messages bien différents.

Muriel Carbonnet

“Graffitis & bas-reliefs de la Grande Guerre. Archives souterraines de combattants”
Co-édition : Inrap-Michalon
Prix : 21 € TTC

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