Le prolongement vers l’Ouest de la ligne RER Eole achève son parcours au niveau de la commune de Bezons. Là, pour se connecter au réseau existant, le tracé doit enjamber des voies ferrées et la Seine, nécessitant la construction d’un “saut-de-mouton” se divisant en six ouvrages d’art.
Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 91
Au sortir de Paris, la Seine s’étire en une succession de méandres. Son parcours essaime nombre d’îles naturelles. Saint-Martin est l’une d’entre elles, rattachée à la commune de Bezons, mais regardant encore la ville de Nanterre. C’est là que le prolongement Ouest de la ligne RER Eole doit venir se connecter sur les voies du réseau ferré existant. Le programme est ambitieux : franchissement de la ligne reliant Paris à Cergy-Pontoise (95). Puis, passage au-dessus des deux bras de la Seine, ceinturant l’île Saint-Martin. Un “saut-de-mouton” se développant sur près de 1 km de long.
Destiné à enjamber les voies ferrées, le pont bow-string est sans doute l’ouvrage le plus spectaculaire de ce projet mené par Eiffage Génie Civil.
« Entièrement métallique, d’un poids de 1 600 t, il a été assemblé au sol. Puis translaté et levé jusqu’à son emplacement définitif »,explique Matthieu Carry, directeur du projet pour Eiffage Génie Civil. Particularité, sa pile Est (P 10) aurait dû se situer au milieu des voies existantes qui tangentent la ligne nouvelle. Une contrainte qui a obligé à la diviser en deux pour créer un portique.
Le béton est omniprésent sur le projet, mais y cohabite en harmonie avec l’acier. “Le bon matériau au bon endroit” : la maxime est ici une vérité absolue. Ainsi, tous les ouvrages verticaux – fondations, piles, culées et autres murs de soutènement – s’affichent en béton. Quant aux éléments horizontaux, ils intègrent l’acier comme structure porteuse. Mais le béton n’est pas loin, venant s’insinuer entre les poutres métalliques. Afin de former les tabliers, les dalles de compression, les coques d’habillage.
Des bétons fournis par Eqiom
Sur le site, sept formules principales sont mises en œuvre, dont quatre “génie civil”. Qui sont déclinables en version “temps froid” par utilisation d’eau chaude. Deux d’entre elles peuvent aussi inclure un retardateur de prise pour les pompages grandes distances (400 m). C’est une des contraintes du site, pour laquelle une explication s’impose.
Le franchissement de la Seine nécessite la construction d’un viaduc de 348 m de long. Posé sur neuf piles : six dans l’eau et trois sur l’île Saint-Martin. Ces piles s’inscrivent dans l’exact alignement de celles supportant les voies ferrées de la ligne existante. Dans ce contexte, le groupement a pu profiter du pont SNCF comme cheminement piétons entre les deux rives de la Seine et vers l’île centrale. « Nous avons eu aussi l’autorisation d’utiliser le pont comme support des tuyaux de pompage nécessaires au bétonnage des piles », reprend Matthieu Carry. Une aubaine qui a beaucoup simplifié la logistique.
« L’ensemble des bétons fournis répond au cahier des clauses techniques particulières remis par l’entreprise au moment de l’appel d’offres », détaille Tayeb Ferroudj, responsable marché secteur Nord-Ouest pour Eqiom Ile-de-France. CCTP affiné avec le service technique d’Eiffage. « Outre les caractéristiques intrinsèques des bétons, nous avions besoin de connaître les contraintes de mises en œuvre. Mais aussi les spécificités de certaines phases de travaux pour affiner les rhéologies. »L’introduction d’un retardateur de prise sur les bétons pompés est le résultat de ces échanges.
Trois profils de piles différents
Aux formules “génie civil” s’ajoutent deux bétons pour la réalisation des pieux de fondation et un béton immergé, pour les coulages en Seine. « La maîtrise d’ouvrage a validé la totalité des formules de béton. A savoir, la SNCF », confirme Tayeb Ferroudj.
L’une des originalités du “saut-de-mouton” de Bezons est la variété architecturale des piles. Trois profils différents s’y côtoient. Celles en Seine (piles P 15 à P 23) rappellent une botte posée à l’envers, évasée sur sa partir arrière. Une nécessité géométrique liée à la proximité avec les piles du pont ferroviaire existant. En même temps, le fût devait rester vertical sur sa partie supérieure et au niveau du chevêtre. En effet, la structure porteuse métallique d’une passerelle de circulation douce doit y être fixée [lire plus bas].
Singulière et unique, la pile P 14 est l’interface entre les viaducs en Seine et de transition vers le pont bow-string. Elle prend place sur la berge, côté Nanterre. Elle est un marqueur qui permet le passage du tablier à méga-poutres métalliques franchissant le fleuve. Vers celui, habillé de béton assurant la continuité au-dessus de la terre ferme.
Entre pré-assemblage et préfabrication
En poursuivant le trajet vers la culée C0, les piles arborent un 3e profil, plus simple : un fût rectangulaire avec bossage, surmonté d’un chevêtre rappelant un berlingot géant (la comparaison reste audacieuse, mais l’image est assez juste, la couleur acidulée en moins). L’élément est conséquent, puisqu’il affiche une hauteur moyenne de 2,75 m. Il consiste en l’assemblage de deux demi-coques préfabriquées sur site, avant d’être posées sur les fûts. Ces derniers présentent des dimensions variables, passant de 3,80 m (P 13) à 5,21 m (P 9) avant de finir à 25 cm (P 1).
Le tablier de l’estacade d’accès Est vers le pont bow-string bénéficie d’une conception s’articulant autour de sept poutrelles métalliques de type HEM 900 de 1 m de haut. Ces dernières sont reliées entre elles à l’aide de croix de Saint-André. En partie inférieure, des panneaux en fibres-ciment font office de fond de coffrage perdu. Enfin, un habillage préfabriqué en béton constitue les joues latérales du tablier. Ces éléments ont été réalisés par l’industriel ardennais Acciome 08. « Nous avons pré-assemblé au sol le tablier par demi-travées, avant d’installer chaque segment en haut des piles », explique Matthieu Carry.
Sur trois travées à chaque fois, le tablier de l’estacade est hyper-statique, soit 3 x 69 m. A cela s’ajoute la travée isostatique de liaison (20 m) avec le pont bow-string. Le tablier du viaduc de transition reprend le même principe constructif. La seule différence réside dans le nombre de poutrelles métalliques HEM 900 : huit dans le cas présent, contre sept pour l’estacade…
Une passerelle piétonne en porte-à-faux
Pour sa part, le tablier du viaduc en Seine prend une forme assez différente. Le métal y est dominant. Deux méga-poutres latérales inclinées de 1,76 m de haut en constituent l’ossature porteuse. Elles sont connectées entre elles par une série de pièces de pont de 29 cm de haut, en partie courante. Entre chacun de ces éléments sont disposés des panneaux en fibres-ciment. Un lit d’armatures habille la partie basse du tablier et les relevés latéraux, le long des âmes des méga-poutres. Des goujons sont aussi disposés dans ces zones pour garantir une parfaite liaison structurelle avec le béton. Celui-ci est mis en œuvre à la pompe : d’abord sur le radier, puis au niveau des relevés latéraux.
Installée en porte-à-faux sur les piles du viaduc en Seine, une passerelle de circulation douce est dédiée aux piétons et aux cyclistes. Côté Bezons, le cheminement se poursuit sur une plate-forme qui s’inscrit sur un remblai maintenu en place à l’aide d’un double mur. En fait, une structure en “U” de 155 m de long, dont l’une des missions est de maintenir le talus de la voie ferrée existante. En fin de parcours, elle s’en éloigne peu à peu pour permettre l’insertion d’une route d’accès réservée aux équipes de maintenance du réseau ferroviaire. Ce qui oblige à la création complémentaire d’un mur de soutènement arrière de près de 54 m de long.
Un ouvrage en béton armé de 8 m de haut au maximum, pour 80 cm d’épaisseur… Vue en grande partie, la structure en “U” bénéficie d’un traitement architectonique. En l’occurrence, un matriçage du béton en forme des cannelures aspect éclaté, issu du catalogue Reckli. Classique et efficace.
Repère
Maîtrise d’ouvrage : SNCF Réseau
Maîtrise d’œuvre : SNCF Réseau
Conception architecturale : Strates-OA
Groupement : Eiffage Génie Civil - Eiffage - ETMF - Spie Fondations
Armatures : Lambda et Ferrelia
Bétons : Eqiom
Coffrages : Coffrage&quipage et CML
Délai : fin 2017 - fin 2021
Parmi les annonceurs de Béton[s] le Magazine n° 91