André Gennesseaux, ingénieur en mécanique, compte faire baisser le coût de stockage de l'électricité intermittente. Pour emmagasiner cette énergie, des batteries sont utilisées le plus souvent. Mais André Gennesseaux a pensé les remplacer par des volants d'inertie, des moyens de stockage employés dans l'industrie. Il parie pour cela sur le béton, un matériau à la fois résistant et peu coûteux. Explications.
1 – Qu’est-ce qu’un volant d’inertie ?
Un volant d’inertie stocke de l’énergie. Un moteur fait tourner un cylindre de forte masse, jusqu’à ce qu’il atteigne une très grande vitesse. Placé dans un environnement dépourvu d’atmosphère, le cylindre continue à tourner même si le moteur s’arrête : il stocke donc de l’énergie cinétique. En inversant le système, le cylindre peut faire tourner le moteur, qui devient générateur électrique, produisant du courant.
Des volants d’inertie sont utilisés, notamment, pour lisser la production éolienne ou solaire. Ceux qui existent actuellement sont pourtant réservés à de grosses installations, en raison du coût des matériaux : ils sont fabriqués en acier.
2 – Pourquoi choisir le béton pour construire des volants d’inertie ?
« Je voulais répondre aux besoins du stockage solaire. Les batteries coûtent cher. Le volant d’inertie en acier reste, lui aussi, trop coûteux. Je cherchais donc un matériau beaucoup moins onéreux que l’acier. Je me suis donc tourné vers le béton, qui est très bon marché par rapport à sa résistance », explique André Gennesseaux, inventeur du système baptisé “Volant de stockage solaire” (Voss). Mais aussi fondateur et directeur général d’Energiestro, qui développe cette technologie. Il annonce pouvoir diviser par dix le coût du stockage dans le volant, en utilisant du béton plutôt que de l’acier.
3 – Quel béton est utilisé dans le volant Voss ?
André Gennesseaux a travaillé avec le Cérib pour formuler le matériau, un béton fibré haute performance. Le béton fibré à ultra hautes performances (Bfup) n’a pas été retenu, car, s’il permet de stocker plus d’énergie du fait qu’il soit possible de le comprimer davantage, augmentant ainsi la masse du volant, ce gain ne compense pas, pour le moment, son prix beaucoup plus élevé…
4 – Comment le cylindre est-il fabriqué ?
Afin d’éviter les vibrations lors de la rotation du cylindre, il faut que ce dernier soit parfaitement équilibré. « Nous avons travaillé avec le Cérib pour mouler un cylindre en béton sans défauts et sans accumulations de gravillons à un endroit au détriment d’un autre… », précise André Gennesseaux.
Autre impératif : faire en sorte que le béton supporte la force centrifuge très élevée exercée sur le cylindre. En effet, ce matériau résiste très bien à la compression, mais pas à la traction. C’est pourquoi le créateur du volant Voss a imaginé de soumettre le rouleau à un frettage – pour utiliser un terme relevant de la construction : à une précontrainte. Un fil (en acier, en composites…, le choix n’est pas encore fait) est enroulé autour du cylindre, exerçant une très forte compression. Ainsi, « lorsque le volant est soumis à une force centrifuge, au lieu de subir une traction, le béton est tout d’abord mis en décompression », explique André Gennesseaux. Il faut dès lors faire tourner le volant à une vitesse telle que les forces de traction et de décompression s’annulent.
5 – Où en est le développement industriel du Voss ?
Energiestro et le Cérib ont fabriqué un prototype alpha, qui tourne actuellement en test. Ils mesurent la réaction du béton dans un environnement sous vide, son vieillissement… Avant fin 2017, seront réalisés des béta-tests, avec des installations à taille réelle.
A ce stade, les deux marchés visés par Voss sont les très grandes centrales solaires (installées, par exemple, dans des déserts) et la maison individuelle. Pour celle-ci, le volant présentera une hauteur et un diamètre de 1 m, permettant de stocker 5 kWh. Soit l’équivalent de la capacité de batteries lorsqu’elles ont pour objectif d’auto-consommer l’énergie produite pour environ 20 m2de panneaux photovoltaïques.
Pour produire son volant, le fondateur d’Energiestro parie sur de nombreuses usines de taille réduite, pour être au plus près du marché et réduire les coûts de transport. Au-delà de l’innovation, reste encore à concevoir l’outil industriel.
Caroline Kim