En France, l’industrie cimentière représente 2 % des émissions de CO2. Un chiffre élevé mais à relativiser par rapport d’autres secteurs industriels.
Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 114
A l’échelle de la planète, l’industrie cimentière est à l’origine de 7 à 8 % des émissions de CO2 générées par les activités humaines. Soit quelque 2,5 Gt/an sur un total de l’ordre de 37,4 Gt (selon l’Agence internationale de l’énergie). Toutefois, à l’échelle de la France, la proportion est bien plus faible, puisque placée sous le seuil des 2 % des émissions nationales totales, ce qui correspond à environ 10,5 Mt de CO2/an.
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Mais pourquoi cette différence ? Pour commencer, l’empreinte carbone d’un citoyen du monde, dans sa vie de tous les jours, est liée à ses besoins et à ses activités. Ainsi, elle est variable d’un pays à l’autre et selon que celui-ci est dit “mature” ou émergent”.
En France, au niveau de la construction – secteur consommateur de ciment – par exemple, les besoins en logements et en infrastructures sont bien moins importants aujourd’hui qu’il y a quarante ans. D’où une production nationale actuelle limitée à tout juste 17 Mt de ciments.
Distinguer les sources d’émissions
Mais d’où vient le CO2 du ciment ? Deux sources d’émissions doivent être distinguées. D’un côté, le CO2 lié au process industriel. De l’autre, le CO2 généré par la décarbonation des matières premières permettant la fabrication du clinker (constituant principal des ciments). A savoir, l’argile et le calcaire. En cuisant ce mélange à une température de 1 450 °C au sein du four de la cimenterie, le CaCO3 (carbonate de calcium) qu’il contient se transforme en CaO (chaux vive) en libérant du CO2.
Installation de captage du CO2
Cette décarbonation est un phénomène chimique naturel sur lequel il n’est pas possible d’agir. Elle représente 65 % des émissions, soit environ 410 kg de CO2/t. Le seul moyen actuel d’éviter ces rejets est de capter le CO2 en sortie de cheminée. A ce niveau, Heidelberg Materials est en train de mettre en service la première installation de captage du CO2 opérationnelle à l’échelle industrielle sur sa cimenterie de Brevik, en Norvège.
Du bœuf à 28,6 kg de CO2…
L’action sur les émissions de process est plus simple et pleinement exploitée. Là, les cimentiers remplacent aujourd’hui tout ou partie des énergies fossiles par des combustibles alternatifs à faible empreinte carbone. Au programme, on trouve des CSR (combustibles solides de récupération) : emballages, bois, papier, carton, plastiques… Ou des Did (Déchets industriels dangereux) : huiles, solvants, boues bitumineuses… La part du CO2 générée par leur combustion est de 203 kg, soit 33 % des émissions. Ainsi, l’empreinte CO2 du ciment – moyenne française – atteint 624 kg/t produits (donnée 2022), dès lors qu’on y intègre les 6 kg liés aux ajouts et autres constituants et les 5 kg relatifs à la consommation énergétique de la cimenterie en tant que telle.
Adapter son empreinte carbone
Le ciment n’étant pas utilisé “pur” en construction, il convient à présent d’adapter son empreinte carbone à l’usage que l’on en fait. C’est-à-dire au béton, dont il est un des constituants, avec les sables et granulats, l’eau et les adjuvants. En se basant sur une formulation classique de type C 25/30, on arrive à un bilan de 200 kg de CO2/m3 (hors acier d’armature). Ou, de manière plus simple encore, 85 g de CO2/kg de béton !
Peut-on considérer que 85 g reste un chiffre encore trop élevé ? Pour le savoir, rien de mieux que de le comparer à ceux de plusieurs biens de consommation courante. Ainsi, 1 kg (ou l) de jus d’orange est à l’origine de 2,2 kg de CO2. Pour le même poids de poulet, ce sont 3,6 kg de CO2. Et on passe 28,6 kg de CO2 pour 1 kg de bœuf…
D’autres chiffres ? Un jean d’un poids standard de 700 g génère 2,3 kg de CO2 (ou 3,3 kg de CO2 pour 1 kg de pantalon). Enfin, cerise sur le gâteau carbonique, un iPhone de dernière génération, d’un poids moyen de 186 g, représente entre 50 et 76 kg de CO2 émis (source Apple). Soit près de 339 kg de CO2/kg de smartphone à la pomme…
Mieux vaut une douche à l’italienne !
Le comparatif est tout aussi instructif si l’on reste dans le seul domaine de la construction et toujours pour 1 kg de produit. Ainsi, le bois CLT, ce sont 220 g de CO2 et le bois de charpente, 235 g (source FCBA). Avec la brique à joint mince, on avoisine les 227 g (source CTMNC). Pour une poutrelle en acier, le score atteint 1,61 kg (source CTICM). Pour une fenêtre à deux vantaux en aluminium, nous sommes déjà à un peu plus de 3 kg (source SNFA). Et pour finir, une baignoire en acrylique affiche une empreinte de 67,7 kg/CO2 (source Afisb). A la vue de ce dernier chiffre, mieux vaut opter pour une douche à l’italienne !
Un autre aspect chiffré intéressant
L’autre aspect chiffré intéressant – et ce sera le dernier – consiste à connaître le positionnement du béton vis-à-vis de l’activité économique générale. A ce titre, la France émet 623 Mt de CO2 (donnée 2022 du ministère de la Transition écologique), ce qui correspond à 9,2 t/habitant. Ce poids de carbone se répartit entre plusieurs postes majeurs. Le transport (24,1 %) et les biens de consommation (21,7 %) arrivent en tête. Suivis par l’alimentation (19,5 %), le logement (17,4 %) et les services qui intègrent la santé et l’éducation (12,3 %). La construction (5 %) clôt cette liste à la Prévert. Elle intègre les 2 % que représente le béton. Les esprits chagrins estimeront que c’est encore beaucoup trop ! Qu’importe, l’industrie cimentière française fait sa part, comme le colibri qui, dans la légende amérindienne, aide à éteindre un feu de forêt… Et le travail est loin d’être achevé, puisque la feuille de route de la filière est calée sur 2050, avec une réduction des émissions de CO2 de – 90 % par rapport à 2015. Et une étape intermédiaire en 2030, année qui devra afficher une baisse des émissions de 50 %, toujours en comparaison à 2015.
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