Le "Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés" a été remis, le 17 mars 2021, au gouvernement.
Le titre du rapport d’Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des territoires, est sans équivoque. Le “Rapport pour une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés” a été remis le 17 mars 2021 au gouvernement. Commandé par Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et Emmanuelle Wargon, ministre du Logement, début janvier 2021, ce travail résulte d’une “task force” réunissant différents profils. Allant de l’entreprise aux collectivités locales, en passant par les acteurs de l’énergie et de l’efficacité énergétique, le monde bancaire ou encore des parlementaires et des représentants de la Convention citoyenne pour le climat.
Pour atteindre une rénovation énergétique mêlant un objectif de chiffres et la performance, le rapport met en avant trois piliers majeurs. Le premier repose sur « un accompagnement généralisé et obligatoire ». En effet, l’enquête rappelle : « alors qu’il faudrait, pour éliminer les 4,8 M de passoires énergétiques en 10 ans, traiter autour de 290 000 maisons individuelles et 9 500 copropriétés/an de 20 logements en moyenne , on ne dispose que de données parcellaires sur la situation actuelle. L’enquête de l’Ademe “Observatoire permanent de l’amélioration énergétique du logement” de 2015 parvient ainsi à un chiffre de 288 000 rénovations performantes pour la période 2012-2014. Soit 95 000/an. L’enquête Tremi a montré que seuls 5 % des projets de rénovation réalisés entre 2014 et 2016, soit environ 260 000 maisons concernées, ont eu un impact important sur la consommation d’énergie. C’est-à-dire un saut d’au moins deux classes énergétiques du DPE. »
L’accompagnement comme pilier majeur de la rénovation énergétique
Des chiffres qui posent questions dans une politique de réduction d’impact carbone… Et lèvent une autre interrogation, faudra-t-il de nouveau intervenir sur les bâtiments rénovés durant cette période ?
Le rapport Sichel propose donc la création d’une nouvelle offre : “Mon accompagnateur rénov’”. Un tiers de confiance qui guiderait les ménages, quel que soit leur revenu, dans tout le processus. Il prendrait aussi la responsabilité de la rénovation performante à son compte. Son action comprendrait aussi bien la réalisation d’un audit que l’estimation des coûts de travaux, l’aide à la constitution du plan de financement et le suivi du chantier, voire la maîtrise d’ouvrage. « Plutôt que de privilégier un opérateur national unique centralisé, le choix est de s’appuyer sur un réseau d’accompagnateurs inscrits dans les territoires, propose le rapport. Dont certains pourront se construire ou se constituer en réseau à l’échelle nationale, avec le souci de renforcer et de compléter les compétences déjà disponibles. »
La “task force” préconise un accompagnement obligatoire à partir de 5 000 € de travaux. L’accompagnateur rénov’ serait tenu « de proposer au minimum un scénario de travaux de niveau BBC et un scénario dégradé. Notamment, en cas de contraintes techniques ou financières qui ne permettent pas d’envisager une réhabilitation BBC. Celui-ci devra alors intégrer l’atteinte du niveau BBC par étapes, dans les conditions précisées par l’Ademe. Tout en respectant l’ordonnancement et la cohérence des travaux. Il ne pourra descendre au-dessous d’un seuil minimum de gain énergétique porté progressivement à 55 %. »
Financer les ambitions de performance
En retour, l’Etat se chargerait de financer le coût de l’accompagnement en favorisant les ménages modestes, très modestes et précaires. « Ce budget s’inscrira dans une perspective de programme de 5 ans afin de donner un signal de marché stable et provoquer l’engagement des acteurs de la filière. Conçu pour accompagner la rénovation globale des passoires énergétiques en 15 ans, il est estimé à 370 millions d’euros par an. » Le rapport Sichel entend aussi d’« encadrer » les accompagnements. En d’autres termes, un contrôle de résultats.
La mission propose un contrôle systématique de l’étanchéité à l’air si des travaux d’isolation sont engagés, avant, pendant et après chantier. Ainsi, « le taux de subvention de l’accompagnement réalisé dépendra de la complétude de la prestation réalisée (avec audit, maîtrise d’œuvre ou non). De la catégorie d’accompagnateur, des revenus du bénéficiaire et de l’ambition des travaux. » Le rapport met aussi en exergue la nécessité d’inciter les propriétaires à rénover lors de l’acquisition d’un bien et le rôle essentiel des collectivités locales pour mener à bien la massification de la rénovation énergétique.
Le deuxième axe du rapport Sichel repose sur “#monservicerenov”. Un parcours fiable et simple. L’objectif ici est de créer une plate-forme à double entrée pour les ménages et les professionnels. Elle permettrait de fluidifier les relations entre les différentes parties prenantes et l’instruction des dossiers. Mais aussi, de sécuriser les flux financiers et de garantir la qualité des rénovations. « Dans le cadre du parcours, il est proposé de créer un dossier unique de rénovation. Réunissant les informations du ménage, du logement et du projet de travaux. Et s’imposant à l’ensemble des acteurs -distributeurs d’aides nationales et locales, banques, artisans… – comme document de référence. »
Une plate-forme qui canalise l’éco-système des rénovations
D’autre part, Monservicerenov représente une mine de données. Une façon aussi d’analyser la progression et la bonne mise en place de ces outils dans la massification de la rénovation énergétique.
Le dernier pilier du rapport Sichel appelle à « un financement convaincant, simplifié et inclusif. Le financement est l’un des trois leviers identifiés par la mission pour massifier les rénovations globales. Ainsi, les problèmes de financement constituent le deuxième motif invoqué par les ménages en maison individuelle (24 %) pour expliquer pourquoi ils n’ont pas réalisé de travaux. Derrière “il n’y a pas besoin de travaux” (54 % des répondants). »
Face à cette situation, le rapport propose 3 axes d’actions :
– Améliorer la capacité des aides publiques à solvabiliser les rénovations globales,
– Accroître le nombre de projets, dont le reste à charge est financé par les banques, en tenant compte de l’hétérogénéité des situations,
– Présenter une solution de financement pour les ménages n’ayant pas accès au financement bancaire : un Prêt avance mutation + (Pam +) soutenu par le secteur public.
Ces axes se matérialiseraient notamment par la mise en place d’une avance sur financement pour les ménages modestes et intermédiaires. La mission met en exergue la nécessité de renforcer la prise en charge financière de l’accompagnement et la possibilité de prendre en compte le niveau d’ambition dans le taux de subvention. Par ailleurs, le rapport Sichel appelle à poursuivre au-delà de 2021 la délivrance des écoPTZ. « Les écoPTZ sont plafonnés à 30 000 €. Il est proposé d’augmenter le montant de l’écoPTZ pour permettre de financer des restes à charge correspondant à des travaux plus ambitieux. Ainsi que la partie des aides qui ne ferait pas l’objet d’une avance. » Le plafond pourrait passer à 50 000 € dans le cadre de rénovation énergétique performante.
Un tissu d’aides financières efficaces et inclusives
Enfin, toujours en termes d’aides, le Pam + serait plutôt orienté en direction des ménages exclus des prêts bancaires classiques. C’est-à-dire en majorité les plus de 65 ans. Sachant que 62 % des propriétaires de passoires thermiques ont plus de 60 ans. « Compte tenu de son coût, le dispositif serait pertinent pour des restes à charge d’un montant supérieur à 5 000 €. Aussi pour les ménages les plus modestes, en deçà de 5 000 €, il serait préférable d’envisager un élargissement des aides pour couvrir le reste à charge. »
L’ensemble de propositions émises par la “task force” est désormais entre les mains du gouvernement. Le rapport Sichel va à contre-courant de la communication de l’Etat autour de la rénovation énergétique et son obligation auprès des propriétaires. Il semble surtout nommer l’Etat et ses différents services comme outil incontournable dans l’éradication des passoires thermiques. Où performance, accompagnement et modèle économique sont intimement liés. Retrouvez l’ensemble du rapport -> ICI