Est-il possible de réaliser un bâtiment s’inscrivant dans le label E+C-, en faisant appel à des PME locales et les matériaux issus de l’économie circulaire ? A Chartres, l’aménageur Pierres & Territoires Eure-et-Loir est en train de le démontrer, avec pragmatisme.
Exemplaire. Voilà comment se veut l’opération de construction de la résidence d’habitations “Le Onze”, à Chartres, dans l’Eure. Dès le départ, Pierre & Territoires Eure-et-Loir a posé un postulat simple. Construire un bâtiment, qui anticipe les ambitions réglementaires de la RE 2020, en utilisant des techniques maîtrisées par des acteurs locaux. Le tout, sans déséquilibre du prix de sortie. En d’autres termes, réaliser un projet ayant une réelle viabilité économique. Et dont le coût global reste le même que pour un projet “classique”.
Bien entendu, les logements créés se doivent de répondre aux enjeux environnementaux (énergie/carbone). Tout en étant reproductibles à l’échelle du territoire. Celui de l’Eure-et-Loir, en l’occurrence. Ainsi, une démarche éco-responsable pilote le programme. Ce dernier s’inscrit aussi dans le Label E+C-, en visant le seuil E2C1.
Ainsi, Le Onze affiche une architecture contemporaine élaborée par Yannick Mouton. Une architecture, qui répond toutefois aux contraintes d’urbanisme liées à la protection du patrimoine de la cité historique de Chartres. Le projet fait la part belle à la mixité des matériaux : terre cuite, bois et béton. Ce dernier se distingue, car il intègre une jolie part de granulats recyclés. Ceux-cisont issus de la déconstruction d’anciens immeubles du quartier de Beaulieu et d’un bâtiment du collège Hélène Boucher. C’est-à-dire, des démolitions opérées sur le territoire de Chartres Métropole. Surtout, Granudem a valorisé ces matériaux sur son site pilote de Poisvilliers, petite commune située à 20 km au Nord de Chartres. C’est là que l’industriel transforme les déchets de démolition en une gamme de sables et de granulats aptes à être intégrés dans des nouveaux bétons.
Des granulats recyclés dans les bétons
C’est justement ce qu’a fait Spurgin Léonhart dans son unité de préfabrication de Mignières, toujours dans l’Eure, mais à 20 km au Sud de Chartres. Le volume de granulats recyclés mis en œuvre dans le béton est de 20 %, comme l’autorise la norme NF EN 206/CN. L’ensemble des murs à coffrage intégré (MCI) matricés destinés au chantier du Onze ont été préfabriqués avec ce béton. Au total, pas moins de 80 t de granulats recyclés ont été ainsi valorisés. Ceci, dans les 400 m3de bétons structuraux nécessaires à la construction. Outre les MCI, le BPE, les escaliers préfabriqués et les blocs en ont bénéficié. Seules, les prédalles précontraintes n’ont pu en profiter, car les textes ne l’autorisent pas à ce jour. Ainsi, rien qu’au niveau des bétons, le projet a permis d’économiser plus de 360 t de CO2. Permattant ainsi d’atteindre cette performance de E2C1, soit un impact carbone en recul de 20 %, en comparaison à une opération classique.
Le projet du Onze ne vise donc pas une virtuosité technique. La volonté de Pierres & Territoires Eure-et-Loir est juste de démontrer qu’il est possible d’avoir une démarche éco-responsable dans le cadre du label E+C–. Ceci, dans le cadre de l’économie circulaire, en faisant appel à des entreprises locales. A des techniques courantes et en valorisant les matériaux. Et sans surcoût…
Une belle mixité des matériaux
Bâtiment de type R + 3, Le Onze est posé sur des fondations constituées de pieux, de longrines et de dalles portées. Cet ensemble est destiné à “enjamber” des vestiges du IVe siècle, trouvés sur place lors de fouilles archéologiques préalables… Tout en béton, le rez-de-chaussée abrite les parkings privatifs, les caves et les locaux techniques. La structure comprend les MCI matricés, côté rue. Les murs extérieurs en blocs creux, les refends porteurs en blocs pleins rectifiés et une ossature poteaux-poutres pour le parking.
Une maçonnerie de type Bio’Bric, avec intégration d’un complexe d’isolation (ITI), constitue les murs en façades. Quant aux murs séparatifs, ils sont en blocs pleins rectifiés. Et ceux de la cage d’escalier, tout comme les acrotères, sont en blocs à bancher. L’ensemble des planchers voit la mise en œuvre de prédalles précontraintes. Une dalle de compression en béton prêt à l’emploi y est associée. Des planelles isolantes en béton ou en terre cuite traitent les ponts thermiques en rives de dalles . Enfin, des panneaux préfabriqués en bois ont permis la construction le troisième et dernier étage. Tout comme la toiture, qui s’articule autour d’une structure en bois, elle-aussi.
Côté finition, les façades seront traitées en enduit clair, avec intégration de modénatures en béton de teinte blanc cassé. Ainsi que des plaquettes de parement en brique sur les niveaux supérieurs. Pour sa part, le rez-de-chaussée restera “brut de béton”, bénéficiant de la finition matricée des murs à coffrage intégré.
Frédéric Gluzicki
Repère
Promoteur/aménageur : Pierres & Territoires Eure-et-Loir - Provivis Eure-et-Loir
Maîtrise d’œuvre : Yannick Mouton, architecte
BET E+C- : AET Loriot
Entreprise de gros œuvre : Ets Tachau
BPE : Unibéton
Préfabricants : KP1 (prédalles), PBM (escaliers), Spurgin Léonhart (MCI matricés) et Rasori (blocs béton)
Granulats recyclés : Granudem (28)
Délai : 12 mois