Saint-Dié-des-Vosges : La Boussole pointe toujours vers le béton

Yann Butillon
03/07/2024
Modifié le 06/11/2024 à 12:36

Pour transformer une cité administrative en pôle culturel, l’architecte Dominique Coulon et son cabinet ont joué avec le béton. Ajoutant de nouvelles structures et en mettant d’autres en scène.

Article paru dans Béton[s] le Magazine n° 113

L’atrium est l’élément principal du projet, avec sa verrière à 7 m de hauteur. [©Eugeni Pons]
L’atrium est l’élément principal de La Boussole, avec sa verrière à 7 m de hauteur. [©Eugeni Pons]

Durant leur déroute, les Nazis ont tout de même détruit à 98 % la ville de Saint-Dié-des-Vosges (88). Alors au moment de reconstruire la ville, peu de cas a été fait de l’aspect architectural des édifices. Datant de cette époque d’après-guerre, une zone du centre-ville devait être transformée. Les trois bâtiments qui la composaient ayant accueilli, tour à tour, une cité administrative, le commissariat et le centre des impôts. L’objectif du concours d’architecture était la création d’un lieu de vie culturel de 4 800 m2, baptisé la Boussole et accueillant une médiathèque et l’office de tourisme de la ville. Dominique Coulon, à la tête du cabinet d’architecture éponyme, a choisi d’en faire un tiers-lieu, avec le béton au cœur de sa réflexion.

« C’est un tiers-lieu, parce que s’y croisent des populations différentes qui en ont une utilisation différente. Il y a des zones pour enfants, un atrium où l’on peut lire, se réunir ou assister à des évènements culturels. Des entreprises peuvent y faire des colloques et des touristes y sont de passage… », explique Dominique Coulon.

Cœur de cet espace, l’atrium central fait le lien entre les différentes zones. Un ensemble de gradins en béton surplombés d’une verrière, construite autour de poutres coulées en place.

Un dialogue entre le béton et la lumière

« J’ai fait le choix d’un béton relativement simple, clair, brut de décoffrage, mais sans joints. Les poutres forment des carrés et des rectangles, et la verrière est en électro-chrome, sensible à l’intensité de la lumière. Certaines parties réagissent et s’illuminent en rouge, d’autres en jaune. Ces ambiances sont projetées sur le béton, ce qui les met en valeur. C’est un dialogue entre les matières et la lumière. » Ici, le béton sert de support aux jeux de lumière, alors que le sol, lui aussi en béton, apporte une certaine « tension en plus. Les effets se répondent ». Le béton apporte aussi ses qualités acoustiques. « Les différents lieux sont assez ouverts. Nous avons dépassé les exigences acoustiques pour permettre, par exemple, aux enfants de profiter de leur espace, sans gêner une conférence qui aurait lieu un plus loin. »

De même, Dominique Coulon a fait le choix de la mise en scène de certaines pièces en béton déjà existantes. « Notre volonté était de transformer les lieux sans casser ou déconstruire. Nous n’avons quasiment pas touché aux bâtiments, qui avaient été construits à des époques différentes et sans liens architecturaux. Nous avons donc pensé notre proposition en tenant compte de l’existant. Par exemple, dans l’espace “L’heure du conte”, des gradins bleus ont été scénarisés autour d’un poteau déjà en place. Malgré le fait que celui-ci n’avait pas forcément une qualité de mise en œuvre qui justifiait de le laisser brut. »

Ne pas détruire pour ne pas consommer de matière

D’autres poteaux sont devenus les bases autour desquelles ont été aménagées des tables hautes. « Nous avons accompagné l’existant. C’est un peu le lieu qui a dicté l’utilisation du béton brut. Et s’ils surprennent au départ, les poteaux des constructions originales ont été adoptés et font partie de la signature du bâtiment. »

C’est aussi un geste en adéquation avec son temps, puisque de nombreux volumes de matière ont été économisés. « C’est une réflexion à avoir autour de l’utilisation du béton. Il permet un véritable geste architectural, tout en s’intégrant à des bâtis déjà en place. Notre patrimoine peut ainsi être mis en valeur, en ayant une réflexion sur la requalification. Bien sûr, la recherche sur la matière doit nous aider à ce que le béton ne nous pénalise pas face aux calculs réglementaires. Mais le béton a son avenir propre si nous l’utilisons en conscience », conclut Dominique Coulon. A Saint-Dié-des-Vosges, tous les chemins mènent désormais à la Boussole, qui est devenu un lieu de vie prisé des habitants.

Yann Butillon

Maître d’ouvrage : Communauté d’agglomération de Saint-Dié-des-Vosges
Architecte : Dominique Coulon & Associés
BET “structure” : Batiserf Ingénierie
Entreprise : Batico 88
Bétons : Groupe Derrey
Coût : 10,5 M€ HT

Sans trace de joints, le béton de La Boussole sert de support à la mise en scène de la lumière. [©Eugeni Pons]

Le sol en béton répond aux poteaux et au plafond conçus dans la même matière. [©Eugeni Pons]

Les éléments déjà construits ont été laissés en place et les nouveaux lieux ont été organisés autour. [©Eugeni Pons]

Mini-sommaire du dossier architecture et béton

Article paru dans Béton[s]le Magazine n° 113

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