Spie Batignolles : « Massifier l’usage des produits en impression 3D »

Arnaud Le Brun
11/02/2025
Modifié le 11/02/2025 à 09:37

Avec ses 2 ateliers dédiés à la fabrication additive, Spie Batignolles souhaite massifier l’usage de produits imprimés en 3D béton. Explications avec Pierre Couque, responsable d’exploitation 3D béton du groupe.

Pierre Couque, responsable d’exploitation de l’activité 3D béton de Spie Batignolles. [© Spie Batignolles ]
Pierre Couque, responsable d’exploitation de l’activité 3D béton de Spie Batignolles. [© Spie Batignolles ]

Fin 2022, Spie Batignolles a lancé emPrinte, une offre dédiée à l’impression 3D béton. A quel moment, l’idée de s’engager dans la fabrication additive a-t-elle émergé ? 

Tout a débuté en 2020 avec XtreeE qui bénéficie d’imprimantes 3D béton. Nous avons expérimenté leur technologie pour imprimer des boîtes de réservation et des nœuds de poutres de planchers de reprise. Et ce procédé s’est avéré concluant. Il présente de nombreux avantages comme réduire les délais de production et, par ricochets, les coûts. Mais aussi de diminuer la pénibilité au travail, de baisser la consommation de béton utilisé et de réduire les déchets de construction. De plus, la qualité de finition des éléments imprimés est maîtrisée. Par conséquent, en 2021, nous avons acquis un premier système d’impression 3D du fournisseur XtreeE. Puis, au cours de l’année 2022, nous avons réalisé une vingtaine de productions pour des chantiers internes Spie Batignolles. Cela nous a confortés dans les capacités de cette technologie pour le futur.

Comment comptez-vous développer cette activité ?

Nous nous sommes lancés dans une activité à part entière autour de l’impression 3D béton. A ce jour, nous bénéficions de 2 ateliers dédiés à la fabrication additive. Mais aussi d’une équipe multidisciplinaire capable d’adresser l’ensemble des enjeux de l’impression 3D béton.  L’un a vu le jour en 2021 à Ollainville, dans l’Essonne. L’autre est apparue en 2023, à Saint-Bonnet-de-Mure, en région lyonnaise. Ces deux sites disposent chacun d’un système d’impression 3D. Notre objectif est de s’étendre dans ce domaine. Pour y parvenir, nous comptons déployer un 3e site de production dans le sud-ouest de la France. Un projet qui s’inscrit dans notre plan de développement 2025 pour renforcer notre maillage territorial au sein de l’hexagone.

Comment sont assemblés vos systèmes d’impression 3D ?

En ce qui concerne l’atelier situé à Olainville, le système est monté sur un bras robotisé ABB positionné sur un fût fixe de 2 m de haut. Mais nous avons amélioré ce point-là à Saint-Bonnet-de-Mure. Le robot est posé sur un track, un chemin de roulement robotisé, de 7,70 m de long, qui permet un 7e axe de déplacement. A terme, nous allons positionner tous nos robots sur des tracks pour améliorer notre capacité de production. En dehors de cela, au bout du bras robotisé vient se positionner la tête d’impression 3D d’XtreeE.

Quels types d’éléments constructifs réalisez-vous grâce à cette technologie ?

Nous disposons de 3 axes de développement. Le premier concerne l’impression des coffrages perdus, plus ou moins complexes. Quant au deuxième, il s’agit de la fabrication de mobiliers urbains, qu’il soit d’intérieur ou d’extérieur. Enfin, le dernier est consacré aux éléments d’envergure et difficiles à mettre en œuvre pour la fabrication traditionnelle. Tel a été le cas pour la piscine d’Aubervilliers où on a pu réaliser 29 poteaux via une méthode assez atypique. En effet, pour les concevoir, au lieu d’utiliser des moules métalliques, nous avons imprimé des coffrages perdus. Pour créer ces éléments, nous disposons d’encres très spéciales dédiées à la fabrication additive. N’étant pas formulateur, nous nous appuyons sur deux fabricants “estampillés” XtreeE pour bénéficier de mortiers d’impression 3D. Les matériaux actuels sont formulés à base de ciment via une gamme qui varie entre du C60 et du C90, en gris ou en blanc, avec des granulats très fins de 1 à 2 mm.  D’ailleurs, à ce jour, nous travaillons au développement de matériaux alternatifs moins carbonés, présentant des performances équivalentes à celle d’un béton traditionnel. Il s’agit d’un projet que nous menons actuellement avec notre partenaire Lafarge Holcim.

Sur vos sites, combien d’opérateurs sont mobilisés pour assurer une fabrication en continu ?

Nous disposons de 4 pôles : commerce, bureau d’études, développement technique et production. En ce qui concerne le dernier, 2 à 3 opérateurs suffisent pour imprimer les éléments souhaités. En revanche, il est possible de faire intervenir un ingénieur en renfort pour des opérations très complexes.

A l’avenir, Envisagez-vous de réaliser des éléments constructifs structurels comme des façades ?

A ce jour, nous avons un projet à très court terme concernant des panneaux de façades. Nous travaillons sur leur développement pour répondre à différentes typologies de projets. Nous avons déjà été consultés pour 3 programmes impliquant l’impression de panneaux de façades, et les permis de construire sont en cours. Il s’agit d’une activité que l’on souhaite pousser au sein du groupe Spie Batignolles.

Pensez-vous qu’à l’avenir ce procédé constructif va se démocratiser ?

Comme toute innovation, cela va mettre un certain temps à se développer. C’est un outil qui va se démocratiser progressivement. Plus on en entendra parler, plus on comprendra les bien faits qu’il apporte. Et dès que les acteurs du BTP feront face à une problématique, ils penseront à l’impression 3D. Mais ce n’est pas la seule technologie qui contribue à faire évoluer la construction. Et ce genre de procédé doit être un complément à la fabrication dite traditionnelle. En ce qui nous concerne, notre vocation est de massifier l’usage des produits en impression 3D. Que ce soit sur des chantiers de construction, mais aussi sur des marchés de mobilier urbain.

Propos recueillis par Arnaud Le Brun