The Brutalist : Une ode à l’architecture brutaliste

Muriel Carbonnet
17/02/2025
Modifié le 20/02/2025 à 16:31

The Brutalist est à la fois imposant et austère. L’exercice pour rendre, à travers un film, l’architecture au cinéma était périlleux. Mais Brady Corbet, son réalisateur a réussi le pari.

L’exercice pour rendre, à travers un film, l’architecture au cinéma était périlleux, mais Brady Corbet, le réalisateur, a réussi le pari. [©Universal]
L’exercice pour rendre, à travers un film, l’architecture au cinéma était périlleux, mais Brady Corbet, le réalisateur, a réussi le pari. [©Universal]

Commençons par le commencement. En deux mots, quel est le pitch du film The Brutalist, qui vient de sortir dans nos salles ? C’est l’histoire de László Tóth (interprété par Adrien Brody), un architecte juif né en Hongrie qui, au retour des camps de concentration, émigre aux Etats-Unis. Ceci, pour y refaire sa vie avec sa femme Erzsébet, dont il espère l’arrivée prochaine d’Europe de l’Est où elle est encore retenue avec leur nièce. Mais le Rêve Américain de László s’avère vite un leurre. Le statut et la réputation de brillant architecte, dont il jouissait à Budapest n’ont guère de poids dans le milieu privilégié qu’il est amené à côtoyer. Livré à lui-même en terre étrangère, László pose ses valises en Pennsylvanie où l’éminent et fortuné industriel Harrison Lee Van Buren (Guy Pearce) reconnaît son talent de bâtisseur. László accepte sa commande d’un monument à la mémoire de sa mère défunte, sur son immense propriété. Mais le pouvoir et la postérité ont un important coût.

Un pari audacieux

L’exercice pour rendre, à travers un film, l’architecture au cinéma était périlleux, mais Brady Corbet, le réalisateur, a réussi le pari. Pourquoi ? Parce qu’en s’attaquant à un sujet aussi complexe que l’architecture brutaliste, il parvient à capturer non seulement l’esthétique de ce mouvement, mais aussi les émotions et les luttes qui l’entourent. Et met aussi en lumière les relations humaines et les luttes personnelles, tout en utilisant ce style architectural comme métaphore des défis et des beautés de la vie.

Et aussi parce que pour élaborer le film, Brady Corbet et Mona Fastvold, les scénaristes, ont consacré sept années à l’élaboration de ce projet, cherchant à établir un parallèle entre le parcours d’un artiste et celui d’un immigrant. En effet, Brady Corbet est allé chercher conseils auprès de l’historien de l’architecture Jean-Louis Cohen, dont les travaux sur Le Corbusier et Frank Gehry font autorité. Lui rendant visite à Princeton où il enseigne, le réalisateur l’a interrogé sur l’existence possible d’un architecte qui aurait d’abord prospéré en Europe, pour se voir chassé et déporté durant la guerre. Et contraint de repartir à zéro aux Etats-Unis. L’historien lui a répondu qu’il n’en connaissait aucun. Les scénaristes ont alors établi les éléments fictifs qui allaient donner naissance au couple Tóth. Bien qu’imaginaire, ce que László vit aux Etats-Unis s’apparente à ce que d’autres artistes majeurs du mouvement brutaliste, tels que Louis Kahn et Ludwig Mies Van der Rohe. Et plus particulièrement Marcel Breuer, né en Hongrie et à qui on doit le Whitney à New York (désormais appelé le Met Breuer), ont pu vivre.

Rendre ses lettres de noblesse au Brutalisme

Mais revenons sur l’architecture brutaliste, qui a émergé dans les années 1950. Le Brutalisme tire son origine du français “brut”, utilisé par Le Corbusier pour désigner l’aspect sauvage, naturel et primitif du béton lorsqu’il est utilisé sans transformation. Ce style est souvent caractérisé par des formes géométriques audacieuses, l’absence d’ornements, l’utilisation du béton brut de décoffrage et une fonctionnalité sans compromis. Dans The Brutalist, cette esthétique est mise en avant avec brio. Le film réussit à capturer la beauté austère de ces bâtiments. Les scènes qui montrent des structures emblématiques, comme les œuvres de Le Corbusier, de Louis Kahn ou de Marcel Breuer, sont particulièrement saisissantes. Bref de quoi se réconcilier avec le Brutalisme.

Le film aborde aussi les critiques souvent adressées à ce mouvement. Cette dualité entre l’admiration et la critique est un aspect central du film, qui invite le spectateur à reconsidérer son rapport à l’architecture. Mais au final, il en ressort une forme de consécration bien méritée, pour ce style quelque peu décrié et oublié.

La photographie, un vrai régal

Autre point positif : la photographie du film est un véritable chef-d’œuvre. Brady Corbet utilise des compositions visuelles qui mettent en valeur les lignes épurées et les textures brutes des bâtiments. La scène dans les carrières de Carrare, où László et Van Buren choisissent le marbre pour l’autel de l’Institut, est particulièrement frappante. Elle illustre non seulement la beauté des matériaux, mais aussi les conséquences dévastatrices du capitalisme sur la planète. Le paysage devient un reflet de l’intériorité des personnages, soulignant la manière, dont l’architecture peut être à la fois un refuge et un fardeau.

Un futur Oscar ?

Et pour finir, revenons sur l’interprétation d’Adrian Brody. Bon c’est vrai, il livre une performance remarquable. Il arrive à transmettre la profondeur émotionnelle du personnage, oscillant entre l’espoir et le désespoir. Sa quête de reconnaissance et d’appartenance résonne avec le spectateur, rendant son parcours d’autant plus poignant. On assite parfois à des lenteurs, mais l’un dans l’autre, ça se tient ! Alors un Oscar en vue ? Déjà, lors de la 78e édition des Bafta britanniques, le film a obtenu le prix du meilleur réalisateur pour Brady Corbet et le prix du meilleur acteur pour Adrien Brody.

Malgré ses 3 h 35, avec une entracte bien venue, The Brutalist offre une réflexion riche sur la manière, dont l’architecture peut influencer notre expérience de l’espace et notre compréhension de l’environnement bâti. Pour les passionnés d’architecture, ce film est une véritable source d’inspiration et de réflexion sur l’héritage du Brutalisme dans le paysage contemporain. Brady Corbet réussit à transformer une histoire personnelle en une exploration universelle des défis et des beautés de la vie, tout en rendant hommage à l’architecture qui façonne notre monde.

Suivez-nous sur tous nos réseaux sociaux !