Les variations météorologiques font partie des principaux aléas du BTP. Les périodes de fortes chaleurs sont susceptibles d’impacter plus ou moins l’organisme humain, ce qui implique d’adapter, au cas par cas, l’organisation des chantiers et des ateliers.
Retrouvez cet article dans Béton[s] le Magazine n° 76
La notion de travail par temps chaud est en théorie assez simple à définir. Pour la loi, c’est lorsque la température sur le lieu de travail atteint ou dépasse les 30 °C pendant au moins 900 h/an. La réalité est plus complexe à appréhender. Et cela en fonction de chaque individu, du type de travail, du niveau d’efforts physiques à effectuer, de l’exposition au soleil, à la pluie, au vent, à l’humidité ambiante, aux poussières…
Les préventeurs et le corps médical constatent qu’un certain nombre de phénomènes et de pathologies apparaissent à partir de 30 °C. Parfois moins en fonction de tous les paramètres déjà cités. L’épuisement rapide est l’effet le plus parlant, avec à la clef de possibles incidents ou accidents cardiaques. La volonté de compenser cet épuisement progressif se traduit aussi par de l’agressivité, du stress, de l’irritabilité, de la confusion, une baisse de vigilance, de concentration, des erreurs, des oublis… De plus, au niveau physique, on observe des crampes musculaires dans les bras, les jambes et le ventre.
Un cran au-dessus, le “coup de chaleur” apparaît, lorsque la température corporelle dépasse les 40 °C. Cette situation survient en cas d’exposition importante, par manque d’eau ou par difficulté à empêcher l’évaporation de la transpiration. Coups de soleils et œdèmes peuvent être constatés dans ces circonstances.
Aux pics de grandes chaleurs, s’ajoutent des facteurs aggravants : expositions alternées à des ambiances chaudes et froides, interventions nécessitant des efforts physiques soutenus, mauvais état de santé, prise de médicaments, organisation inadaptée, interventions ajoutant de la chaleur à la celle ambiante, notamment des opérations de soudage, interventions dans des espaces clos et mal ventilés…
Pour résumer, ce que l’on peut nommer “la contrainte thermique” apparaît, lorsque la température est telle, que les mécanismes de régulation du corps humain n’arrivent plus à maintenir l’équilibre dit “thermique”. Des solutions simples permettent d’éviter ces situations ou de les retarder. En priorité, elles sont liées à la mise en place d’une organisation adaptée.
Des mesures prévues par le Code du travail
Dans le cadre de l’évaluation des risques, les employeurs doivent apprécier les risques liés aux fortes chaleurs et mettre en place des plans d’action adaptés aux différentes situations. Ils doivent prendre les mesures nécessaires, afin d’assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs de leur établissement. Les employeurs doivent aussi mettre à leur disposition de l’eau potable fraîche. Sur les chantiers, les chefs d’établissement sont tenus de donner aux personnels d’exécution, au moins 3 l d’eau, par jour et par personne. Dans le cas de travail en atelier, entre autres dans une unité de préfabrication fixe ou foraine sur chantier, l’air doit être renouvelé de façon à éviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations. Dans les volumes ne faisant pas l’objet d’une réglementation spécifique, l’aération peut être obtenue de manière naturelle ou par l’intermédiaire d’une installation de ventilation mécanique. Dans la plupart des cas, depuis le 1erjanvier 1993, les constructions nouvelles abritant des locaux affectés au travail doivent permettre d’adapter la température à l’organisme humain pendant le travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs. L’entreprise peut aussi solliciter le médecin du travail, pour que celui-ci établisse un document à afficher sur le lieu de travail, rappelant les risques liés à la chaleur, les moyens de les prévenir, mais aussi les premiers gestes à accomplir si un salarié est victime d’un coup de chaleur.
Adapter les horaires et les postes de travail
Le premier moyen de protéger le personnel des conditions de chaleur extrêmes est d’aménager les horaires de travail en conséquence. Les possibilités sont nombreuses, en fonction de la configuration des lieux et des contraintes de planning. La réalisation d’un pont en pleine campagne ne pose pas les mêmes contraintes de voisinage que l’édification d’un immeuble en centre ville. Dans le premier cas, il est souvent possible de débuter très tôt le matin, avec une pause en milieu de matinée, pour terminer la journée de travail autour de 13 h, avant le pic de chaleur. C’est plus difficile en ville, pour des raisons de bruit, de poussières, de vibrations… Cet aménagement des horaires peut comporter des variantes. Il s’agira toujours d’un compromis, qui devra pouvoir être validé en concertation avec les intéressés, dans leur intérêt et dans celui de l’entreprise. En ce qui concerne les postes de travail en extérieur, la loi précise qu’ils “doivent être aménagés de telle façon que les travailleurs soient protégés, dans la mesure du possible, contre les conditions atmosphériques”. Hormis l’aménagement des horaires, c’est la planification des opérations, qui peut être adaptée, en intervenant à l’opposé de la course du soleil, de manière à travailler surtout à l’ombre tout au long de la journée. C’est ainsi que sur les façades d’un bâtiment, on gère les façades Ouest, le matin, et les façades Est, l’après-midi… Le travail doit être aussi organisé, en prenant en compte une réduction de la cadence. Dans la mesure du possible, il faut diminuer ou programmer les efforts physiques aux heures les plus fraîches, augmenter le nombre de pauses dans la journée et, enfin, mécaniser ou automatiser au maximum les manutentions manuelles.
Adapter les tenues et les comportements
En périodes de fortes chaleurs, l’encadrement doit s’assurer que le port des EPI reste supportable. C’est un problème majeur, que connaissent tous ceux, qui doivent subir le port de casques, gants, lunettes, harnais sous un soleil de plomb ! D’une part, si certains EPI ont été étudiés pour être supportables par fortes chaleurs, les entreprises n’en connaissent pas toujours l’existence. D’autre part, il arrive un moment où l’inconfort prend le dessus sur la sécurité. Là encore, c’est à l’encadrement de tenter de planifier dans les heures les moins chaudes, les taches nécessitant, de façon impérative, le port d’EPI. Il en de même pour les vêtements de travail. En périodes de fortes chaleurs, il faut en porter des légers, autorisant l’évaporation de la sueur, comme ceux en coton. Ils doivent être de couleur claire, car les teintes foncées montent plus vite en température. La tête doit toujours être protégée des morsures brûlantes du soleil. Les comportements doivent aussi tenir compte de ces conditions climatiques. S’il faut boire beaucoup d’eau, il faut au contraire bannir toute consommation de boissons alcoolisées, faire des repas légers et fractionnés, et redoubler de prudence en cas d’antécédents médicaux et/ou de prise de médicaments. Enfin, il faut sensibiliser le personnel aux symptômes, qui indiquent l’arrivée d’un coup de chaleur : en général une perception de grande fatigue, des étourdissements, des vertiges, des pertes d’équilibre... Dans ce cas, il fait agir vite, prévenir les secours, transporter la personne dans un lieu plus frais, lui enlever ses vêtements, l’asperger d’eau fraîche et lui assurer une ventilation maximale.
Gérard Guérit