Quelques mots sur les bétons du Grand Paris…

Frédéric Gluzicki
22/09/2019
Modifié le 22/09/2020 à 11:41

Norme NE EN 206/CN, Fascicule 35, référentiel IN 0034... Formuler un béton pour les chantiers du Grand Paris n’est pas une mince affaire, les textes réglementaires se contredisant parfois. Petit point sur le sujet avec François Cussigh, expert béton chez Vinci Construction France.

Retrouvez cet article dans le n° 84 de Béton[s] le Magazine

La “faille” est la trémie d’accès au chantier de la gare souterraine Eole La Défense, opérée à travers plusieurs niveaux de parking. [©Gérard Guerit]
La “faille” est la trémie d’accès au chantier de la gare souterraine Eole La Défense, opérée à travers plusieurs niveaux de parking. [©Gérard Guerit]

Le Grand Paris. Derrière cette appellation se cache une multitude de chantiers, mais aussi de donneurs d’ordre. Le point commun de tous ces projets est d’aboutir à une importante amélioration des transports publics en Ile-de-France. Un défi qui s’accompagne d’aménagements conséquents autour des futures gares : construction de bureaux, d’habitations, de commerces… En résumé, le Grand Paris, c’est d’abord la construction de nouvelles lignes de métro, sous la houlette de la Société du Grand Paris (SGP).

Vient ensuite le programme Eole, visant à creuser le tronçon manquant de la ligne E du RER, entre Haussmann – Saint-Lazare et Nanterre, géré par SNCF Réseau. De son côté, la Ratp poursuit l’extension de son réseau existant avec le prolongement de plusieurs lignes de métro. Enfin, il y a le CDG Express, qui reliera dès 2025 la Gare de l’Est à l’aéroport Roissy – Charles-de-Gaulle. 


Toutes les entreprises du BTP se sont mobilisées pour participer à chacun de ces projets. Vinci Construction France, comme les autres. Et de mettre tout en place pour répondre aux exigences des donneurs d’ordre en matière de bétons. A ce niveau, la liste est longue et les références réglementaires plus que variés, créent parfois quelques contradictions. 

Le choix de l’IN 0034

« Nous avons été amenés à faire quelques clarifications et précisions,explique François Cussigh, expert béton chez Vinci Construction France. En effet, le contexte normatif est évolutif et il était important de savoir quels étaient les CCTG applicables dans le cadre de ces chantiers. »

En l’occurrence, il s’agit principalement de l’opération de construction de la gare souterraine Eole La Défense, située sous le Cnit, et des projets des lignes de métro 14 (lot GC 02) et 15 (lots T3C et T2D).


Pour commencer, les entreprises visent une durabilité de 100 ans, ce qui est classique pour des bétons de génie civil. En plus de la norme béton NF EN 206/CN, le Fascicule 65 traite de ce type de béton. Sauf que la version 2017 est sortie en cours de route, imposant une modification du Livret 10 des bétons, édité par la Société du Grand Paris. Ce dernier document renvoie aussi au référentiel IN 0034 de la SNCF. Si l’IN 0034 et le Fascicule 65 vont dans le même sens, en termes de durabilité. Lesecond demande une plus grande réduction d’eau.

« Mais cela complique les choses pour ce qui est des bétons de fondation, qui peuvent devenir délicats à mettre en place quand la réduction d’eau est très importante », souligne François Cussigh. De fait, c’est l’IN 0034 qui a été retenue comme référentiel concernant le rapport Eau/Liant max. 

1 – François Cussigh, expert béton chez Vinci Construction France. [©ACPresse]
François Cussigh, expert béton chez Vinci Construction France. [©ACPresse]

En attendant Perfdub

En même temps, le Fascicule 65 parle certes de justification de la durabilité par approche performantielle. Mais seulement dans le domaine de la corrosion des armatures. Au contraire, pour ce qui est des aspects touchant aux attaques chimiques, le document est limité à l’approche prescriptive traditionnelle. Faute d’un recul suffisant. « Le projet national Perfdub apportera des réponses concrètes issues de l’expérimentation. Toutefois, ces éléments ne seront pas exploitables avant fin 2019, début 2020. Et les conclusions définitives seront publiées d’ici la fin de l’année prochaine. 

Aussi, si la réduction d’eau reste un facteur important, en termes de durabilité des bétons, le choix du liant est tout aussi crucial. Ce dernier doit présenter une résistance élevée aux attaques chimiques. 

D’ores et déjà, une approche performantielle est mise en œuvre par Vinci Construction France pour les bétons de la gare souterraine Eole La Défense.

La formulation des bétons suit une démarche type Fascicule 65 (avec des compléments concernant les attaques chimiques définis en concertation avec la maîtrise d’œuvre), qui demande une justification des performances en amont des travaux. Puis, un suivi par prélèvements et essais pour garantir qu’il n’y a pas de dérive. 

Puits de démarrage du tunnel de la ligne 14 Sud - Lot GC 02. [©ACPresse]
Puits de démarrage du tunnel de la ligne 14 Sud – Lot GC 02. [©ACPresse]

Du côté des fondations profondes

« Dans tous les cas, la finalité n’est pas de faire de la surqualité pour compenser les éventuelles variations, en termes de qualité de produit, de teneur en eau du béton ou de méthodes de fabrication », rappelle François Cussigh. Car il s’agit toujours d’une approche technico-économique… « Nous sommes en train d’acquérir l’expérience sur l’influence de la variation de la production des bétons sur la performance de durabilité. »Enfin, la durabilité des bétons de fondations profondes reste un autre sujet de recherche. « Nous travaillons à une meilleure maîtrise de ces bétons à l’état frais. Pour ce faire, nous avons mis en place un cahier des charges spécifiques Vinci – Botte », dévoile François Cussigh.


En effet, un très long maintien de rhéologie – caractéristique de base d’un béton de fondation profonde – doit s’accompagner d’une grande stabilité du mélange. Aussi, le cahier des charges précise les essais de ressuage en condition normale et sous pression à réaliser. Et leurs vérifications à différentes températures extérieures. « Ces essais existaient déjà et sont normalisés. Nous les avons francisés, car il y a une volonté des professionnels des fondations d’aller plus loin dans ce domaine. » Dorénavant, les bétons sont qualifiés selon ces essais.

Dans le futur, ce cahier des charges spécifiques pourrait constituer un complément à l’annexe D de la norme béton NF EN 206/CN, à l’occasion d’une prochaine mise à jour. En attendant, un peu de travail reste encore à faire sur l’interprétation des essais et la maîtrise des seuils. Des recherches FNTP sont en cours sur le sujet…

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