En marge de tout mouvement ou école durant toute sa vie, l’architecte américain Frank Lloyd Wright est le symbole d’une création originale qui a marqué l’architecture du XXe siècle. Il n’a reconnu que trois influences : Louis Sullivan, Friedrich Fröbel et les estampes japonaises
Frank Lloyd Wright est né en 1867. Son père, William Carey Wright, était pasteur baptiste, et sa mère, Anna Lloyd Jones, enseignante. Sa mère exerça un rôle majeur dans l’éducation de son fils. C’est par sa volonté que Frank fait carrière dans l’architecture. Elle lui fait aussi découvrir la méthode de Friedrich Fröbel, éducateur allemand qui met l’accent sur l’importance du jeu en tant qu’activité créative, par laquelle les enfants prennent conscience de leur monde.
Il débute sa carrière en 1887 à Chicago où il se fait engager par le cabinet Adler et Sullivan, l’un des plus illustres représentants de l’Ecole de Chicago. Il y collabore aux projets d’immeubles et conçoit déjà des projets d’habitations individuelles. En 1889, Wright épouse Catherine Tobin et se construit une petite maison à Oak Park, près de Chicago.
Il crée sa propre agence en 1893 et réalise sa première commande, la maison Winslow, influencée encore par l’esprit de Louis Sullivan. Le propre style de Wright se révèle à partir de 1897, avec notamment les Prairie Houses, des maisons individuelles dont l’architecture est intégrée dans le paysage. La place centrale est toujours occupée par une cheminée. Il met en œuvre de nouveaux matériaux tels le béton, mais offre surtout une nouvelle dimension à l’éclairage et à la ventilation avec l’adoption de claires-voies ou de grandes baies.
La maison de la cascade
Après un voyage en Europe en 1909, Frank Lloyd Wright quitte la ville et s’installe dans sa région natale, le Wisconsin. Il fonde la communauté de Spring Green et construit un bâtiment à vocation communautaire “Taliesin” qui sera reconstruit deux fois en 1914 et 1925 suite à des incendies.
En 1913, il se rend pour la seconde fois au Japon, après un premier voyage en 1905. Ses estampes sont pour lui le symbole du plus haut degré de raffinement. Il reçoit la commande du nouvel Impérial Hôtel de Tokyo, dont la construction commence en 1916. Le design est autant critiqué que loué. Mais les techniques constructives ont prouvé leur efficacité car l’édifice a survécu au tremblement de terre de 1923. Il reposait sur des piles en béton reliées par des sections flexibles qui pouvaient se déplacer et reprendre leur position sans se rompre. Wright a abaissé aussi le centre de gravité : les murs avaient une âme de béton entourée de deux rangs de brique.
De retour aux Etats-Unis, Wright continue la recherche sur la nature des matériaux et construit des villas en Californie dont l’Ennis House…. avant de se passionner par le concept de la maison usonienne1. Elle se définit comme maison unique, issue des assemblages de figures géométriques en matériaux bon marché, adaptée à la préfabrication. Sont ainsi construites Fallingwater, la fameuse maison sur la cascade (1936) ou la maison Pew, en 1940.
Dernier chef-d’œuvre
En juin 1943, Wright est sollicité pour la construction d’un musée pour accueillir la collection de tableaux contemporains de la Salomon R. Guggenheim Foundation. Après sept versions et deux maquettes, la construction débute en 1956 pour se terminer en 1959, année même de la disparition de Franck Lloyd Wright. La conception du bâtiment est révolutionnaire. Les visiteurs prennent un grand ascenseur jusqu’au sommet, avant de commencer une descente le long du plancher continu en forme de spirale. Les critiques sont à l’époque passionnées. Le bâtiment est qualifié de “tire-bouchon” et même de “machine à laver”. Le Guggenheim Museum est l’œuvre de Wright la plus difficile et celle aussi qui lui a pris le plus de temps. Il a tout fait pour le construire comme il le désirait.
1L’Usonie désigne l’Amérique idéale. Ce nom a été donné par l’écrivain britannique Samuel Butler.
A lire aussi : “Frank Lloyd Wright, cinq approches” de Daniel Treiber, aux éditions Parenthèses.
Frank Lloyd Wright est un des architectes majeurs du xxe siècle. Il fut tout au long de sa carrière une figure hors norme, dont l’œuvre est rythmée par des “périodes” marquées, et nourries de continuels renouveaux. Dans ce second ouvrage qu’il consacre au “maître” américain, l’auteur s’éloigne d’une perspective monographique, et propose ici une analyse sensible en cinq approches, qui sont comme autant de facettes d’un miroir tendu, d’un siècle à l’autre, vers cet immense architecte, ses dessins, ses écrits, sa vie, ses utopies. Il livre une image à la fois moins connue de Wright et plus familière. De la Californie au désert de l’Arizona, d’icônes architecturales en projets confidentiels, on découvre un homme qui, jusqu’à ses 90 ans, aura été d’une exceptionnelle modernité, cherchant à s’accorder toujours davantage avec le vivant, l’“organique” et la Terre, dont il se disait l’émissaire. Un Frank Lloyd Wright que la vie a conduit à penser grand et à voir loin : loin jusqu’à nous, à qui il a encore à dire.