Le Plateau, à Paris et Le Château, à Rentilly accueillent chacun une exposition du Fonds régional d’art contemporain. L’une tablant sur la supra-subjectivité, l’autre sur la supra-objectivité. Détails et explications.
Deux expositions pour cet automne au Fonds régional d’art contemporain Ile-de-France (Frac) – Le Plateau, à Paris (75) et au Frac – Le Château, à Rentilly (77).
Le premier évènement “Foncteur d’oubli” est présenté au Plateau, à Paris. Et ce, jusqu’au 8 décembre 2019. Le nouvel espace d’accueil a été ré-agencé en béton par Tovo + Jamil, designers d’espaces et d’objets. Et a été inauguré en janvier dernier. Conçue par l’artiste Benoît Maire, l’exposition mêle des œuvres d’arts plastiques et de design d’une trentaine d’artistes, de designers et d’architectes. Benoît Maire n’est pas ici l’artiste exposé, mais l’exposant. Le titre “Foncteur d’oubli” fait référence à « une opération mathématique, consistant à déplacer des objets d’une catégorie à une autre, en “oubliant” certaines de leurs qualités ».
En fait, l’exposition propose au visiteur des rapprochements d’œuvres, des associations d’idées. Regarder autrement, c’est le pari audacieux de Benoît Maire. Entre les artistes (Etienne Chambaud, Maurizio Cattelan, Nina Beier, Eric Croes…), les designers ou architectes (Eileen Gray, Robert Mallet-Stevens, Diego Giacometti, Julien Monnerie, Mélanie Matranga…) et leurs époques, des liens se tissent, des rapprochements inédits se font. Les designers conçoivent des objets uniques et non reproductibles. Et les artistes produisent des œuvres semblables à des objets du quotidien. Le tout cohabite, se parle, se répond dans une scénographie à dimension très architecturale signée Ker-Xavier. Le Parapluie de Karina Bisch, coloré et aux formes géométriques, est-il un objet de design ou une sculpture ? Quant aux fourchettes et aux couteaux polis et rutilants en citrine, fixés au mur d’Octave Vandeweghe, ils rappellent davantage des sculptures préhistoriques.
Et la chaise en ciment pigments et acier d’Orta Miklos ou la table-lampe en verre moulé du Studio Anne Holtrop, sont-ils des objets muséaux ? Quant aux assiettes couvertes de restes de repas, en porcelaine, résine polyuréthane, vernis polyuréthane et silicone de Simon Dybbroe Moller, elles font penser à la fois les nombreuses photographies de nourriture, qui envahissent les réseaux sociaux, mais aussi les tableaux-pièges de Daniel Spoerri. En effet, Benoît Maire table sur la supra-subjectivité de l’exposition. Car tout se mêle et s’interpénètre : matières, thèmes, signes, désignations des œuvres présentées.
Petit plus de l’évènement au Plateau : les peintures de l’artiste écossais Christopher Orr ponctuent chaque section de l’exposition. Ses toiles aux dimensions intimistes oscillent entre le réel et une certaine étrangeté, à la frontière du naturel et du surnaturel, de l’histoire et du folklore, de la fiction et du formalisme, de la science et du sublime.
Le Frac au Château
Après des travaux de rénovation, le château de Rentilly – Michel Chartier (77) accueille à nouveau les œuvres du Frac. Avec sa façade en verre (bardage inox poli miroir d’Aperam, filiale d’ArcelorMittal), qui reflète son parc, « le château se veut audacieux, dynamique et contemporain ».
Imaginé par l’artiste Xavier Veilhan, les architectes Bona-Lemercier et le scénographe Alexis Bertrand, le projet avait pour objectif d’en faire un lieu de culture. C’est ainsi que cet automne, le Frac organise une exposition à partir de sa collection, relevant du plus pur des hasards : un tirage au sort, ouvert à tous via un plugin sur le site Internet du Frac, a été organisé en mars dernier, pour choisir une lettre de l’alphabet, lettre déterminant le choix des artistes exposés. La lettre “gagnante” est le “D” (Jean Daviot, Erik Dietma, Olivier Debré, Philippe Decrauzat…). L’exposition et ce parti pris permettent la présentation et la confrontation d’œuvres sous un jour totalement inédit. Détachées de toute thématique préexistante ou prédominante, elles se présentent de fait en une parfaite autonomie.
Ce deuxième événement qui dure jusqu’au 22 décembre prochain, se veut une approche à la fois ludique et conceptuelle des collections du Frac. Ici, c’est la supra-objectivité, qui a accompagné la scénographie et l’exposition signées Xavier Franceschi. Ainsi résumé, le principe curatorial peut faire sourire. « Au-delà d’une dimension humoristique parfaitement revendiquée – l’art peut aussi faire sourire, voire rire et de tout temps, les artistes eux-mêmes nous l’ont bien prouvé -, la proposition révèle une façon de jouer avec la collection, qui entend se départir de certaines convention en la matière », explique le commissaire de l’exposition.
Le choix des œuvres s’effectue donc de façon totalement objective et indiscutable. Revenons sur la sculpture en plâtre de Léo Delarue. Cette sculptrice a une prédilection pour les matières malléables comme le plâtre, le silicone, le latex ou la résine. Pour les formes hybrides maintenues à un degré d’inachèvement. Avec sa sculpture “Humeurs”, Léo Delarue expérimente divers matériaux, dont le plâtre. Elle joue de la pluralité des sens à ce terme : vocabulaire renvoyant à la médecine ancienne (bille, flegme, glaire, larme) ou à la psychologie (tempérament, caractère). Compacte et informe, sa sculpture se prête aux deux interprétations.
M. C.