Les industriels du béton rivalisent de créativité pour réaliser des pièces toujours plus complexes. Ils sont accompagnés par les constructeurs de moules, outils permettant de tirer la quintessence du béton.
Cet article est à retrouver dans le n° 80 de Béton[s] le Magazine.
La préfabrication est de plus en plus au centre du marché de la construction. Notamment, sur les projets comme celui du Grand Paris Express. Mais l’imagination des architectes n’ayant pas de limites, les industriels du béton doivent rivaliser de créativité pour réaliser des pièces toujours plus complexes. Pour cela, ils sont accompagnés par les constructeurs de moules, outils permettant de tirer la quintessence du béton.
Se concentrer sur les projets les plus pointus au niveau technique, pas toujours les plus volumineux, mais ceux à forte valeur ajoutée, voilà l’objectif d’Agilbois. « Nous venons de vivre une année 2018, qui a été pour nous l’une des meilleures. C’est dû à notre travail commercial, mais surtout à nos références chantiers, explique Pascal Gilbertas, gérant de l’entreprise. Nous avons apporté notre savoir-faire aux projets du Mont Saint-Michel, de l’EPR de Flamanville, du musée du Louvre ou de Lascaux IV. Ce qui nous a permis de nous faire connaître et d’obtenir de nouveaux marchés. » L’éventail de clients qui s’élargit, ce sont pour l’entreprise du Puy-de-Dôme des chantiers à Bordeaux, à Marseille ou à Toulouse. Toujours en bois, les moules d’Agilbois voyagent partout en France, voire plus loin. « Nous travaillons sur tout le territoire national, y compris à la Guadeloupe. Mais aussi en Belgique et en Suisse. »
Agence commerciale de l’industriel italien Bianchi, Bianchi France est installée à Kingersheim, en Alsace. De là, il vend le savoir-faire de la marque dans l’Hexagone, mais aussi en Suisse. Et quelques fois en Allemagne. « Nous sommes toujours à la recherche du défi technique, pour pouvoir offrir à nos clients notre savoir-faire et nos solutions, explique Christian Henner, gérant de Bianchi France. Nous venons de finir une bonne année 2018, comme d’ailleurs 2017, notamment grâce à nos tables relevantes, une technologie qui devient notre marque de fabrique. » L’industriel vient d’en livrer une de 26 m pour Berthozat, une grande taille complétée par des rives aimantées de 40 mm. « La maison-mère en Italie investit chaque année dans son outil industriel, ce qui nous permet de proposer à nos clients les solutions les plus adaptées à leurs besoins. »
Avec ses deux usines en Touraine et son unité de production en Chine, CBE Group dispose d’une grande puissance de frappe pour répondre à ses clients, partout dans le monde. Et si son cœur de métier est le coffrage métallique pour les voussoirs de tunnel, L’industriel est désormais leader sur le marché des usines automatisées de production d’éléments en béton. « Notre savoir-faire est de développer des unités de production tout automatisées et adaptées aux besoins des clients, souligne Julien Travers, directeur des ventes. Nous avons livré ces usines entièrement calibrées sur le port de Calais pour la production d’Accropodes, de même qu’à La Réunion sur le projet de la Nouvelle Route du Littoral. » Automatisées et optimisées, les usines de CBE Group ont de beaux jours devant elles. « Nous avons des projets pour le Grand Paris et sur quelques ports, mais nous souhaitons surtout étendre notre concept à d’autres éléments en béton. Notre futur passera par la multiplication des possibilités de nos usines automatisées. »
Dans l’Aude, Coffrin conçoit et fabrique des moules en bois, a l’image des gradins du Pôle des sports Georges Pompidou de Montauban (Tarn-et-Garonne). Un chantier où l’industriel a créé à la fois des moules pour la préfabrication, mais aussi pour la préfabrication foraine. « Chez nous, la partie préfabrication foraine progresse beaucoup. La demande est en ce moment plus importante. C’est à nous de nous adapter. De toute façon, nous savons faire les deux », insiste Guillaume Larrieu, Pdg de Coffrin. Pour aller plus loin, l’industriel est aussi en pleine réflexion sur son outil industriel. « Je veux investir dans l’aide à la manutention, afin que je puisse me consacrer aux activités commerciales. Nous allons recruter une à deux personnes et j’irai un peu plus rayonner dans le Sud-Ouest, où nous devons nous faire connaître un peu plus pour exploiter le potentiel », conclut Guillaume Larrieu.
Le bois, les matériaux composites et les élastomères sont les sources d’inspiration de Debray pour la fabrication de ses moules. L’élastomère étant aussi utilisé pour la conception de matrices. « Cela nous permet de réaliser très souvent des moules de pièces simples, telles que des bancs, des poteaux, des frontons, des lucarnes ou des balcons », souligne Sébastien Debray, Pdg de Debray. Mais depuis son atelier de Saint-Nicolas-les-Arras, dans le Pas-de-Calais, l’industriel propose aussi « des solutions pour le moulage de pièces beaucoup plus complexes, ayant des formes 3D, des reliefs artistiques ou des formes difficiles à décoffrer ». Une capacité de répondre à des problématiques techniques, portée grâce « à notre parc machines pointues, incluant un centre d’usinage cinq axes de grande capacité et à notre longue expérience de fabrication rapide, quelle que soit la complexité de la pièce ».
A partir de son installation près de Venise, l’Italien Fama produit des moules pour voussoirs, des joints d’étanchéité, ainsi que les inserts et douilles pour les fixer. Mais avec le chantier du TGV entre Lyon et Turin, l’industriel a importé en France son concept de machines automatisées. « Au départ, nous étions connus pour nos joints d’étanchéité. C’est en tout cas par ce biais que nous avons “attaqué” le marché français, explique Patrick Oriez, responsable commercial pour la France. Nous proposons désormais nos usines automatisées, permettant la production de voussoirs, et qui peuvent être équipés de carrousel, de postes fixes, de pinces retourneuses, d’écluses… » Outre les usines automatisées, Fama propose aussi des moules pour des besoins simples ou nécessitant des études techniques plus poussées. « Nous devons encore nous faire connaître sur le territoire français, notamment pour ces unités. Nos moules et accessoires ont, quant à eux, déjà pénétré le marché. C’est avec des références chantiers que nous pourrons convaincre de nouveaux clients. »
Situé à Bussang, dans les Vosges, l’atelier d’Hans Coffrage dispose de deux centres d’usinage à commande numérique : l’un à trois axes, l’autre à cinq axes. « C’est un investissement que nous venons de réaliser. Le centre cinq axes nous permet d’augmenter, bien sûr notre productivité, mais aussi nos capacités de création, indique Gilles Tuaillon, président d’Hans Coffrage. Nous en avons aussi profité pour réorganiser l’atelier de production, pour optimiser son utilisation. » Cette année, les moules en bois d’Hans Coffrage ont permis la construction de la nouvelle Eglise orthodoxe de Strasbourg, mais aussi des logements, des hôpitaux, ainsi que des projets de génie civil, dans le Nord-Est du pays ou encore en Ile-de-France. « Nous sommes des spécialistes du mouton à cinq pattes. Plus la question technique est compliquée, plus notre savoir-faire nous permet de proposer des solutions performantes à nos clients. »
Dans l’Hérault, du côté de Castries, Magitek produit des moules sur mesure en polystyrène haute densité. « Nos moules pèsent entre 20 et 35 kg. La densité du polystyrène nous permet de réaliser des formes très diverses, annonce Marie Gay, gérante de Magitek. Ces moules peuvent être bruts, résinés, ou filmés, ce qui nous offre d’autant plus de possibilités de création. » Une capacité de production, qui séduit des clients sur tout le territoire français, mais aussi au Benelux et en Suisse. « L’export est une source de revenus pour nous, mais cela reste du coup par coup. Cela ne nous a pas empêchés de faire une bonne année 2018, car même si nous sommes une petite entité, nous participons à des projets avec des majors de la construction. » Et pour progresser encore, Magitek devra « continuer à concevoir et à fabriquer des formes de plus en plus compliquées, pour s’adapter aux besoins des architectes ».
Avec ses moules en acier, Moules Concept Béton participe à l’une des aventures de la construction les plus innovantes en ce moment : le site d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure, dans la Meuse. « Nous sommes actuellement en phase d’élaboration des prototypes des conteneurs, qui contiendront les déchets. Nous en sommes à notre 4e prototype et de notre côté, tout est validé, précise Rémy Maller, gérant de Moules Concept Béton. Ce type de projets, de la recherche à la création, est notre ADN. Mais nous sommes aussi capables de construire des moules de grandes tailles, comme il y a peu pour Seac, avec un moule de 38 m. » Et même si l’industriel est présent au coup par coup sur des chantiers du Grand Paris, il compte bien s’appuyer sur l’export pour s’assurer une bonne année 2019. « Pour nous, en comptant les Dom-Tom, l’export atteint 35 % de notre chiffre d’affaires, notamment au Benelux et en Suisse. C’est une piste importante de développement », conclut Rémy Maller.
Spécialiste du coffrage, l’Allemand Noe propose une solution pour la préfabrication des escaliers. Portant le nom de NoeStairs, ce moule permet la réalisation d’escaliers à volée droite. Les séries peuvent compter jusqu’à 17 marches, de forme verticale ou avec contremarche allant jusqu’à une inclinaison de 10°. La largeur des marches est réglable en continu, de même que leur épaisseur est variable, alors que le passage d’un escalier mur droit à mur gauche se fait sans aucune difficulté. Le fond de coffrage est en acier, tandis que la paroi arrière, elle aussi en acier, est réglable en hauteur. La mise en place des paliers se fait de manière aisée, les paliers normaux et les paliers en porte-à-faux sont coulés en même temps que l’escalier. A noter que les faces visibles sont de qualité béton apparent.
Acteur de la banche-outil, Sateco propose aussi aux industriels du béton une série de moules métalliques. Et notamment, les moules réglables pour éléments préfabriqués. Ces derniers permettent de réaliser des panneaux de façade, des balcons, des poutres, des conduits, des volées d’escaliers ou encore des bordures. Mécaniques ou hydrauliques, ils comptent de série la thermo-maturation et la vibration, tout en ayant des dispositifs de décoffrage adaptés aux pièces qu’ils produisent. Les tables de préfabrication sont, elles, conçues pour une vibration externe et sont adaptées à tous les types de chauffage (vapeur, air ou électricité). Elles peuvent aussi être équipées de capots d'isolation relevables. Enfin, les bancs de prédalle sont assemblables pour obtenir une longueur jusqu’à 100 m. Chaque élément du moule est fabriqué dans une tôle forte raidie par des profilés, ce qui constitue un ensemble indéformable. La structure est équipée d'amortisseurs élastiques, afin de permettre une vibration externe du béton.
Basée à Niort, dans les Deux-Sèvres, l’industriel Satim était au départ fabricant de machines spéciales pour l’industrie. En parallèle, grâce à un savoir-faire acquis à travers une collaboration historique avec Bonna Sabla, Satim a développé une filiale de construction de moules. Des éléments plutôt axés sur une utilisation de Bfup. « Nous disposons d’un ensemble de machines complet, nous permettant de réaliser toutes les étapes de fabrication de machines industrielles ou de moules, cette activité étant regroupée sous l’entité Satim Exploitation, précise Armel Lelièvre, chargé de clientèle. Ce savoir-faire nous a permis d’être présents sur des chantiers comme la tour La Marseillaise, le Mucem, la toiture de la gare TGV de Montpellier ou encore le stade Jean Bouin. » Rachetée par le groupe La Fourcade à la fin de l’année 2017, l’industriel bénéficie depuis d’une assise territoriale, lui permettant de toucher une clientèle plus étendue.
SMG André Turtschi possède une double compétence pour la production de moules à destination de la préfabrication : un atelier de chaudronnerie métallique et un atelier bois. « Nous sommes capables de travailler les deux matériaux, révèle Cyril Turtschi, gérant de l’entreprise. Nous avons investi dans un centre d’usinage bois cinq axes, nous permettant de réaliser de nouvelles formes complexes. Nous disposons d’un savoir-faire manuel extraordinaire, mais c’est important pour nous de nous diversifier. » Un savoir-faire que l’industriel a mis à profit pour réaliser la Forêt Linéaire du XIXe arrondissement de Paris, les gradins courbes de la salle multimodale de Narbonne, dans l’Aude, ou encore des projets helvètes. « Nous réalisons 10 à 15 % de notre chiffre d’affaires annuel en Suisse. Comme pour la France, ce sont les réalisations les plus complexes, qui nous permettent de nous démarquer. » D’un autre côté, SMG André Turtschi a déjà mis à profit sa nouvelle machine cinq axes pour proposer des solutions de menuiserie, histoire de faire connaître un peu plus ses compétences.
Avec son atelier de Saint-Marcellin, en Isère, Techniques Bois Systèmes (TBS) produit des moules en bois et en élastomère. « Nous possédons un centre d’usinage cinq axes, qui nous permet de modéliser à volonté les besoins de nos clients, quelle qu’en soit la difficulté, explique Yannis Bourron, gérant de TBS. En 2018, nous avons livré des moules pour le Club Med ou pour le centre commercial Lillenium, à Lille. » Dans la capitale des Hauts-de-France, l’industriel a livré une douzaine de moules pour des façades ondulées, marquées de bosses et de creux asymétriques. « C’est un chantier plutôt emblématique de notre savoir-faire, issu de nos investissements en 2001 et en 2011 dans des centres d’usinages quatre et cinq axes. » Pour ce début d’année, l’investissement consiste à étendre de 250 m2 la zone de stockage des matériaux.
Pour Technimoulage, les matières premières riment avec élastomère, polyuréthane, silicone et polyester. Des matériaux qui permettent à l’industriel de produire des moules, des réservations et des matrices pour la préfabrication. « En 2018, nous avons participé au chantier de la tour La Marseillaise avec un moule surnommé “la gaufre”, puisque ses réservations lui donnaient la forme du fameux gâteau, explique Julien Lemaire, responsable commercial de l’entreprise. Mais aussi à la fondation Luma, en Arles. » Spécialiste du “sur mesure”, Techni-Moulage a basé son développement sur sa « capacité à aider les clients. Nous proposons de plus en plus d’accompagnements et de services, afin de mettre à l’unisson les idées des architectes, d’identifier les différentes problématiques et les contraintes… » De quoi faire mieux qu’en 2018, une année « plutôt normale, par rapport à 2016 et 2017, qui ont été exceptionnelles ».
Dossier préparé par Yann Butillon.
Cet article est à retrouver dans le n° 80 de Béton[s] le Magazine.